"Il y a des risques d'échec." François Hollande a volontairement dramatisé la situation avant la COP21, lundi lors de sa conférence de presse. Tactique de communication, bien sûr, mais pas seulement: le succès de la Conférence climat qui se tiendra à Paris à la fin de l'année n'est pas assuré. A quoi jugera-t-on que ce rendez-vous mondial sera une réussite, pour le président de la République comme pour l'environnement?

Publicité

>> Lire aussi: A quoi va ressembler (et servir) la COP21?

Obtenir un accord contraignant et chiffré qui dépasse les tensions Nord-Sud

Sans aller jusqu'à laisser une trace historique comme un protocole de Kyoto bis (COP3, 1997), le premier critère sera bien sûr lié au fait de trouver un accord contraignant afin de limiter la hausse des températures à deux degrés d'ici à la fin du siècle. Les négociateurs devront conjurer le "syndrome de Copenhague" (COP15, 2009) pour se montrer à la hauteur de l'enjeu du dérèglement climatique.

Or, "il n'y aura pas d'accord, s'il n'y a pas d'engagements fermes sur les financements", a expliqué François Hollande lundi. Mais les contributions financières déjà proposées seraient pour l'heure trop maigres. Seuls 70 pays sur 195 participants ont chiffré leurs engagements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les leurs et celles des autres: telle est la difficulté de la COP21 de Paris.

Les pays du Nord (qui ont pollué pour s'industrialiser les siècles passés) se sont engagés à aider les pays du Sud (pour qu'ils polluent moins alors qu'ils sont en voie de développement) à hauteur de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Mais avec quelles modalités? Le "bras de fer" continue de "ralentir les négociations", raconte Le Parisien Magazine, qui s'est plongé dans les coulisses de l'événement ces dernières semaines.

>> Voir notre carte: Qui sont les plus gros émetteurs de CO2?

>> Lire aussi notre analyse: Pourquoi les négociations internationales échouent sur le climat

Eviter le vase clos stérile

Il reste trois mois à la France pour mener "son offensive" auprès des négociateurs. Prochain rendez-vous à New York le 25 septembre prochain, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies. "Un sursaut est nécessaire, et nous devons une fois encore entraîner le monde", a ajouté François Hollande lundi. Mais attention à ne pas "entraîner" le petit monde diplomatique, perdu dans les virgules et les alinéas à négocier, en laissant le reste du monde sur le bas-côté.

En France où l'événement aurait pu susciter une vague d'enthousiasme, l'opinion se démobilise. Un quart des Français se dit "désengagé" de la question écologique, selon une étude de la société de services en développement durable GreenFlex, avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Moins enclins à faire des sacrifices dans leur vie quotidienne, ils estiment à 19,3% qu'"agir pour l'environnement n'en vaut la pleine que si cela leur fait gagner de l'argent". Un sentiment que Ségolène Royal, qui répète son opposition à "l'écologie punitive", semble avoir perçu.

Laurent Fabius (à gauche) et Ségolène Royal à Lima le 9 décembre 2014

Laurent Fabius et Ségolène Royal, ici à la COP20 à Lima (Pérou), en décembre 2014. Un binôme sous tension pour la COP21 à Paris.

© / afp.com/Martin Bernetti

Mettre un bémol aux tensions entre Laurent Fabius et Ségolène Royal

Mais la ministre de l'Ecologie ne préside pas la COP21, à son grand désespoir. C'est à Laurent Fabius que revient ce rôle. Cette répartition des rôles opérée par la présidence de la République ne satisfait pas l'ex-compagne de François Hollande qui "est remontée jusqu'à l'Élysée pour tenter de récupérer le siège de Fabius", affirmait même un ex-ministre à Libération début 2015. Ou au moins pour coprésider l'événement avec lui. En vain.

Le "pilotage" du sommet est assuré par le ministre des Affaires étrangères, "arbitre et facilitateur" de l'événement au niveau de l'ONU, raconte Libération. Ségolène Royal s'occupe du "poids de la France dans l'Europe", des "liens avec la société civile" et de "la mise en musique de l''agenda des solutions'". Elle ne rate pas une occasion pour minimiser la portée des négociations onusiennes (du "folklore", dit-elle au Monde) ou pour s'inviter à la COP20 à Lima, au Pérou, désorganisant totalement la logistique française.

>> Lire notre enquête: Laurent Fabius et Ségolène Royal ne veilliront pas ensemble

Convaincre les ONG et les écologistes

"La France doit être exemplaire." François Hollande le répète lui-même depuis des mois, tout comme le gouvernement, et tente de "verdir" son discours. Mais les associations et les responsables politiques écologistes ne semblent pas encore convaincus. Cécile Duflot (EELV), ex-ministre, l'a encore répété à l'occasion de la sortie de son livre ce jeudi.

Greenpeace France abonde dans ce sens. "Il faut que la France soit exemplaire. Elle ne l'est pas, loin de là, notamment parce qu'elle continue de subventionner les centrales à charbon, parce qu'elle reste attachée au nucléaire...", disait son directeur général Jean-François Julliard il y a quelques jours à 20 Minutes.

Il a visiblement été entendu par la ministre de l'Ecologie qui a opportunément annoncé ce jeudi sur France Info la fin des aides à l'export du charbon, qui devront être réorientées par Alstom "pour investir dans les énergies renouvelables". Manuel Valls lui a immédiatement emboîté le pas en annonçant un arrêt "immédiat" de ces aides. Suffisant pour contrebalancer la récente cacophonie sur la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim?

Prendre le leadership... avant la prochaine vague de réfugiés

Quand, lors de sa conférence de presse, lundi, François Hollande explique que l'absence d'accord à la COP21 entraînerait non pas "des centaines de milliers de réfugiés dans les 20-30 prochaines années, mais des millions", le président de la République envoie aussi un signal à ses partenaires européens. Là où Angela Merkel et l'Allemagne ont pris le leadership face à l'afflux de réfugiés qui fuient le chaos en Syrie et en Libye, il espère être l'un des premiers à tirer cette nouvelle sonnette d'alarme. Celle qui précède l'arrivée prochaine des "naufragés climatiques".

Publicité