Désintox

Non, les radiations ne sont pas la principale raison de la baisse du chômage

Des dirigeants du FN et de la CGT dénoncent des chiffres truqués, en baisse pour le deuxième mois de suite. Une évolution qui s'expliquerait selon eux par une hausse des radiations.
par Pauline Moullot
publié le 26 mai 2016 à 13h34

INTOX. C'est reparti. La baisse du chômage en avril cache forcément une manipulation des chiffres, qui s'expliquerait surtout par une explosion des radiations. Florian Philippot, Nicolas Bay et même Philippe Martinez sont en boucle sur le sujet. Mais, comme le mois dernier, les détracteurs du gouvernement font surtout de grosses confusions.

C'est Nicolas Bay, secrétaire général du FN, qui ouvrait la danse mercredi sur Twitter en se livrant à la traditionnelle accusation de «trucage» des chiffres. Il était suivi de près par le vice-président de son parti, Florian Philippot, préférant angler sur la «bidouille».

Et ce matin sur LCI, le secrétaire général de la CGT regrettait, lui, carrément qu'on «jongle avec les chiffres». «C'est pas moi qui le dit, c'est la Dares qui trouve qu'il y a une hausse inhabituelle des radiations : quatre fois plus que d'habitude».

DÉSINTOX. Bidouille ? Truquage ? Baisse en trompe l'œil ? Explosion des radiations ? Commençons par Philippe Martinez. La Dares, l'organisme qui analyse les statistiques sur le chômage, parle en effet d'une «hausse inhabituellement forte» dans sa note explicative sur les chiffres du mois d'avril. Mais Philippe Martinez a dû la lire un peu vite. Il ne s'agit pas d'une augmentation des radiations mais des «défauts d'actualisation». Et ce n'est pas du tout la même chose.

La radiation est une sanction administrative prononcée par Pôle Emploi contre un demandeur d'emploi. Elle survient lorsque le demandeur d'emploi ne se rend pas à un rendez-vous sans justification, lorsqu'il fait une fausse déclaration ou lorsqu'il refuse une offre raisonnable d'emploi, une formation, une visite médicale, un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation, un contrat aidé ou encore une action d'insertion. Il peut alors être suspendu pour une période allant de quinze jours à douze mois.

Or, ces radiations, contrairement à ce que dit Martinez, ne connaissent aucune explosion. Elles passent de 43 700 à 46 800 de mars à avril (1). Soit une hausse de 3 100. Elles sont plutôt stables depuis deux ans : on en comptait 48 400 en mai 2014 et 43600 en mai 2015. Et elles ne représentent que 8,9% des sorties des catégories A, B et C (529 600 au total).

Ce qui augmente nettement dans les chiffres d'avril, ce sont donc les cessations d'inscription pour défaut d'actualisation, qui viennent, elles, du demandeur de l'emploi. Obligé d'actualiser sa situation tous les mois (pour dire s'il cherche toujours en emploi, a travaillé dans le mois précédent, suivi une formation, etc.), il cesse d'être inscrit s'il ne remplit pas le questionnaire. Ce motif est bien plus important en volume que les radiations. Il constitue même la principale raison de désinscription sur les listes de Pôle Emploi : 45,2% en avril 2016. Les défauts d'actualisation représentent ainsi 238 400 sorties des catégories A,B et C sur un total de 526 900 sorties. En hausse nette par rapport aux chiffres du mois précédent (225 800).

Les raisons des défauts d'actualisation sont multiples (et ne sont pas renseignées chaque mois). En décembre 2014, une étude montrait que 43,5% des personnes qui étaient sorties des catégories A, B et C pour défaut d'actualisation avaient en fait retrouvé un emploi.

Nicolas Bay fait à peu près la même erreur que Philippe Martinez en dénonçant 55700 radiations. Ce chiffre provient du communiqué de la Dares mais correspond à toute autre chose : il s'agit de l'augmentation en avril des défauts d'actualisation des catégories B et C. Rien à voir là encore avec les radiations. Dans son communiqué, la Dares explique ainsi cette hausse des défauts d'actualisation : «Plusieurs causes peuvent expliquer une telle évolution : d'abord, un nombre de jours ouvrés plus faible en mai ; mais aussi, sans doute, un nombre significatif de personnes qui, retrouvant une activité, n'ont pas actualisé leur situation auprès de Pôle Emploi».

Quant à Florian Philippot (à qui on accorde un bon point pour avoir appris la leçon du mois dernier et ne pas avoir confondu radiations et défaut d'actualisation comme Martinez et Bay), il donne, lui, des bons chiffres mais suggère à tort que la hausse des radiations explique la baisse du chômage. Les radiations administratives ont bien augmenté de 11,2% sur trois mois. Et les sorties de catégories pour reprises d'activité ont bien baissé de 4%. Mais il faut aussi regarder ces chiffres en valeur absolue pour mesurer l'impact de ces évolutions. Les radiations administratives sont passées entre mars et avril de 43700  à 46 800. Même en hausse de 11,2% depuis janvier, ce motif de sortie des listes demeure en volume inférieur de moitié à celui des reprises d'activité : 97 000 dans les chiffres d'avril (en baisse de 4% depuis janvier).

Au final, il est tout à fait malhonnête d'expliquer la baisse du chômage par la hausse des radiations.

On peut le constater avec ce tableau de la Dares qui donne le détail des sorties des catégories A,B et C.

Mais aussi avec ce tableau qui fournit les données sur les deux ans écoulés et permet de constater une relative stabilité des radiations.

(1) Les statistiques données chaque mois par la Dares correspondent à la moyenne des trois derniers mois.

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