Récit

Réforme de la DGF : avis de gros temps au PS

Jusque là plutôt calme, le débat budgétaire va se corser à gauche, sur la révision de l'attribution de la dotation globale de fonctionnement, principale aide de l'Etat aux communes.
par Laure Equy et Laure Bretton
publié le 30 octobre 2015 à 10h04

Au milieu d'un débat budgétaire plutôt tranquille pour l'exécutif, l'avis de gros-grain s'annonce pour la semaine prochaine. La réunion du groupe PS à l'Assemblée, mardi matin, promet d'être houleuse. En cause : la réforme des modalités d'attribution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) – allouée aux collectivités et principalement aux communes – qui sera débattue, le lendemain soir en commission. «Personne ne sait comment on va atterrir, il y a le feu», s'affolait un fin connaisseur de ce dossier ultra-complexe, en sortant, mercredi soir, d'une énième réunion avec une dizaine des députés socialistes les plus concernés. Le patron du groupe, Bruno Le Roux, y a assisté pour tenter de calmer les esprits : «Normalement il ne vient jamais aux réunions des groupes de travail, c'est vous dire combien le sujet est pris au sérieux.»

Personne pourtant ne défend l'actuel mode de répartition de la DGF, principale enveloppe distribuée par l'Etat aux collectivités, jugée «inégalitaire» et «illisible» avec un empilement de 21 critères.

Le gouvernement, s’appuyant sur le rapport remis cet été par la députée (PS) Christine Pirès Beaune et le sénateur (PS) Jean Germain, propose donc dans le budget 2016 de le réviser en ne retenant que trois critères. Problème : cette réforme de la DGF s’inscrit dans un contexte de baisse des dotations aux collectivités locales décidé en 2015 pour trois ans. La DGF passant ainsi de 36,6 milliards d’euros pour 2015 à 32,93 milliards en 2016.

«Dans les perdants, y a des copains»

«La réforme part d'un bon sentiment mais on ne peut pas la faire en même temps que la baisse des dotations, résume un parlementaire PS : ceux qui gagnent trouvent que ce n'est pas assez et ceux qui perdent hurlent encore plus.» A cela s'ajoute la redoutable technicité du dispositif, même si la réforme a pour objectif de simplifier les critères d'attribution. Les cabinets de Marylise Lebranchu (Décentralisation), d'André Vallini (Réforme territoriale) et de Christian Eckert (Budget) multiplient les simulations. «Le truc est tellement technique que quand tu bouges une virgule sur un des critères, tout bascule, c'est très bizarre : une ville comme Issy-les-Moulineaux y gagne alors que Fécamp y perd», se désespère un socialiste. Pour Bercy toutefois, deux tiers des communes sont mieux loties après la réforme mais pour ses détracteurs, les villes moyennes en pâtissent fortement. D'où la mobilisation de maires comme Olivier Dussopt pour Annonay (16 000 habitants) et Estelle Grelier à Fécamp (19 000), appuyés par Nathalie Appéré, maire de Rennes.

Les pro-réforme de la DGF se plaignent, eux, que chacun se contente de regarder comment s'en sortent les communes de sa circonscription, sans retenir la philosophie globale : «La DGF actuelle est un scandale ambulant. Là on a l'occasion de faire mieux. Bon, il y a des perdants et dans les perdants, y a des copains…»

Sauf que «les copains» en question, sans être très nombreux, sont très remontés. Voilà dix jours, une poignée d'entre eux, pourtant pas connus pour être «des frondeurs excités», ont menacé de ne pas voter la réforme en l'état. Le soir même, pour ses traditionnels apéros de parlementaires à l'Elysée, François Hollande n'entend parler que de la réforme de la DGF. «Les choses ont été dites franchement et on est tous repartis en se disant qu'on n'allait pas la faire», raconte un invité. Le lendemain, Manuel Valls déjeune avec les députés les plus mobilisés et les trois ministres. Chacun comprend ce qu'il veut bien comprendre. «Le Premier ministre est reparti au bout de trois quarts d'heure en disant : "On fait comme on a dit"», se souvient un participant.

«Une réforme qui ne prend qu’aux villes favorisées»

Les opposants croient au report possible de la réforme. Ses défenseurs, dont le trio ministériel sur la même ligne, continuent leurs simulations sans crainte. Les choses se corsent mardi, lors d'une nouvelle réunion au ministère de Marylise Lebranchu. Christian Eckert, lâchant son stylo et sa fourchette, s'emporte : «Moi qui suis un vrai socialiste content d'une réforme qui ne prend qu'aux villes favorisées.» De quoi braquer les autres convives. Depuis, personne ne sait exactement où va la réforme.

Du côté de Vallini, Lebranchu et Eckert, «il y a toujours la volonté d'aller au bout, avec des critères qu'on peut un peu faire évoluer», dit-on dans l'entourage de l'un d'eux. Mais c'est le chef du gouvernement qui tranchera dans le week-end : «Les trois ministres ont encore la main mais sous la surveillance intensive et permanente de Matignon», glisse un député.

Le gouvernement peut-il reculer ? Le scénario d'une réforme en deux temps, en se laissant une année pour réviser et affiner les critères d'attribution, est sur la table. Mais un report ferait aussi des mécontents, peut-être encore plus nombreux. «Ce serait une catastrophe pour les villes de banlieue, prévient François Pupponi, député-maire de Sarcelles. Pour nous qui n'avons comme ressources que les recettes de l'Etat, la réforme permet d'amortir la baisse de dotations. Les villes de banlieue et les 250 villes les plus pauvres sont largement bénéficiaires.» Sur la possibilité de parvenir à un consensus, certains se sont fait une raison : «Une réforme juste où tout le monde serait gagnant, c'est impossible, on ne sait pas faire.»

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