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Le gouvernement renforce son contre-jihad en ligne

Des comptes Twitter et Facebook ont été lancés ce jeudi. Objectif : ne pas laisser ce terrain aux terroristes. Mais le message n'est-il pas trop institutionnel pour être efficace ?
par Sylvain Mouillard
publié le 31 décembre 2015 à 13h26

Une caricature fustigeant Daech, un discours de François Hollande et une intervention à la radio de Manuel Valls. Ce sont les premiers messages délivrés par le compte Twitter «Stop Djihadisme», lancé ce jeudi par le gouvernement pour «diffuser sur le web un contre-discours face à la propagande des organisations terroristes islamistes». L'image de profil - la même que celle du compte Facebook - représente une Marianne, regard dur et drapeau bleu-blanc-rouge en main, fissurant d'un coup de poing le mot «djihadisme».

Ces comptes Twitter et Facebook viennent compléter le site éponyme, lancé après les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher. Alimentés par les ministères concernés (Défense, Intérieur, Education…), ils diffuseront divers contenus (rappels à la loi, témoignages de victimes voire de repentis…) et ambitionnent d'«occuper les canaux du web pour contrer la situation quasi monopolistique des émetteurs terroristes».

Le site «Stop Djihadisme» est bâti autour de quatre onglets : «Comprendre la menace terroriste», «Agir, l'action de l'Etat», «Décrypter la propagande djihadiste», «Se mobiliser ensemble». Il s'est notamment fait remarquer pour des vidéos de «contre-propagande», visant à déconstruire les messages de l'Etat islamique et à lutter contre l'embrigadement de jeunes Français tentés par le jihad (1). En mai, le Premier ministre Manuel Valls avait annoncé sa volonté de créer des cellules de community managers pour diffuser ces messages.

Néanmoins, sur le site «Stop Djihadisme» comme sur les réseaux sociaux, le message délivré reste très institutionnel. Une faiblesse, selon de nombreux observateurs.

Au printemps, une commission d'enquête sénatoriale sur les filières jihadistes avait pointé les limites de cette stratégie. «Certaines actions spécifiques comme le développement d'un contre-discours ne peuvent se montrer efficaces que si, précisément, elles sont assumées par la société civile et non seulement par le pouvoir exécutif», lisait-on dans le rapport. Qui détaillait: «La parole publique de l'État serait vouée à l'échec en ce domaine : les individus radicalisés, sous l'effet notamment de la doctrine complotiste qui leur est inculquée par les recruteurs, deviennent peu à peu insensibles au discours des médias comme à celui des autorités. Ainsi, le format même de l'adresse du site Internet stop-djihadisme.gouv.fr nuirait à son crédit auprès de publics souvent en rupture, ou en passe de le devenir ; l'outil serait en définitive plus utile à l'entourage des individus directement touchés par la radicalisation, et remplirait auprès de celui-ci davantage un rôle d'information.»

Les sénateurs proposaient notamment de «s'appuyer sur la parole d'anciens djihadistes ou extrémistes repentis, dans des conditions à définir strictement». Un défi. En France, seul Mourad Benchellali, ancien détenu à Guantanamo, est jugé digne de confiance par le ministère de l'Intérieur et intervient régulièrement autour du thème de la déradicalisation.

(1) Libération a choisi la transcription jihad, plutôt que djihad.

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