Menu
Libération
Décryptage

L'opportune fuite de l'enquête financière visant la famille de Théo L.

«Le Parisien» dévoile ce vendredi que la famille du jeune agressé par quatre policiers à Aulnay-sous-Bois est accusée d'«abus de confiance» et «escroquerie». Ce n'est pas la première fois qu'une affaire sur une victime de violences policières sort juste après de tels faits.
par Ismaël Halissat
publié le 24 février 2017 à 16h18

Dans son édition de ce vendredi, le Parisien s'intéresse à une enquête financière préliminaire qui vise la famille de Théo L. Le début de ces investigations est antérieur aux faits qui ont conduit à la mise en examen pour «viol» d'un policier et de trois autres pour «violences volontaires» lors de l'interpellation du jeune homme le 2 février.

Quelles sont les investigations en cours ?

Selon le Parisien, une enquête préliminaire a été ouverte en juin par le parquet de Bobigny pour «suspicion d'abus de confiance et escroquerie». Plusieurs membres de la famille sont visés, dont Théo L. Cette enquête est menée par la police judiciaire de la Seine-Saint-Denis. Les investigations concernent le fonctionnement d'Aulnay Events, une association «de prévention et d'entraide» créée en 2003 par la famille. Cette structure, dont le président est Mickaël L., un des frères de Théo L., aurait embauché une trentaine de salariés, formés et employés en tant qu'animateurs. Les interrogations des enquêteurs portent sur une somme de 678 000 euros. Ces subventions auraient été reçues de la part de l'Etat entre janvier 2014 et juin 2016, pour l'embauche de contrats aidés.

L'affaire commence en 2015 par un contrôle de l'Inspection du travail d'Ile-de-France. «Aucun élément matériel probant n'a pu être produit par les dirigeants de l'association pour étayer la réalité des emplois», selon le Parisien. L'Inspection du travail ne retrouve pas non plus de trace du paiement de 350 000 euros de cotisations sociales. Puis l'association ferme. En avril, l'Inspection du travail fait un signalement auprès du parquet de Bobigny. L'enquête préliminaire est ouverte dans la foulée.

Qui est visé par cette enquête ?

A ce stade de la procédure, personne n'est poursuivi. Selon le Parisien, huit membres de la famille ont perçu de l'association plus de 170 000 euros de rémunérations. Dont 52 000 euros ont été versés à Théo L. «Les enquêteurs cherchent à savoir s'il s'agit d'un véritable système familial d'escroquerie aux aides d'Etat ou d'une mauvaise gestion», note le Parisien. Aucun membre de la famille n'a encore été entendu par la police selon le quotidien.

Que répond Mickaël L., l’ancien président de l’association ?

Dans une interview réalisée également par le Parisien, Mickaël L. donne sa version des faits : «Nous avons répondu à toutes les questions de l'inspection du travail et apporté de vraies explications. La somme de 678 000 euros que vous mentionnez correspond au montant des aides que l'Etat a versé pour la rémunération des salariés durant un an et demi. Faites le calcul, on avait plus de 30 animateurs qui intervenaient sur Aulnay, sur l'Ile-de-France et ailleurs. Les animateurs étaient engagés en CDI pour mettre en place des activités et organiser des séjours.»

Interrogé ensuite sur l'absence supposée d'éléments matériels de l'utilisation de cet argent, Mickaël L. indique que «les agents de l'inspection du travail sont venus nous voir dans nos locaux et ils ont pu constater qu'il y avait un réel travail fourni. Les jeunes que l'on a salariés pourront en témoigner, les sorties que l'on a organisées en témoignent aussi. Alors que l'on dise la vérité sans essayer de nous salir».

Pourquoi cette information sort-elle maintenant ?

C’est un classique dans les histoires de violences policières : Adama Traoré, mort cet été après son interpellation par des gendarmes, en est l’exemple parfait. On sort les vieux dossiers, les casiers judiciaires et les enquêtes en cours. Quel rapport avec les faits initiaux ? Aucun. La famille de Théo L., n’y échappe donc pas.

«A part pour allumer un contre-feu sur la question des violences policières, il n'y a aucune raison que ça sorte maintenant», réagit Simon Picou de la CGT-Travail. Dans un communiqué, son syndicat «dénonce toute tentative d'instrumentalisation de l'action des services d'inspection du travail à des fins qui lui sont étrangères». Pas besoin de connaître précisément les arcanes du journalisme pour comprendre d'où vient la fuite.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique