Mobilité

Le nouveau Vélib ? Plus cher, défaillant et inaccessible (et ça risque de durer)

Les nouveaux vélos en libre service de Paris tardent à être déployés : moins de 100 stations sur 1 200 sont équipées. Et l'application ne fonctionne pas bien. Des ratés qui passent mal auprès des utilisateurs dont la facture a pourtant augmenté.
par Guillaume Lecaplain
publié le 8 janvier 2018 à 18h07

Qu'est-ce qui est vert et qu'on attend ? Le nouveau Vélib, présenté à l'automne, est loin d'avoir conquis les rues de Paris. Au moment d'écrire cet article, ce lundi en début d'après-midi, 64 stations fonctionnent sur tout le réseau selon la carte officielle du service. 64 c'est peu, très peu, en regard des 1 200 stations en service lors de la mandature du précédent opérateur JCDecaux, remplacé en 2017 par la start-up montpelliéraine Smovengo.

En réalité, 80 stations seraient actuellement équipées, assure à Libération le syndicat Autolib Vélib Métropole, l'écart s'expliquant par les derniers réglages techniques encore à réaliser sur ces nouveaux spots. 64 ou 80, on est très loin de la promesse initiale : à l'ouverture du service début janvier, 600 stations seraient utilisables, avait assuré Smovengo. «Nous démarrons avec un niveau réduit mais les délais seront tenus», a toutefois affirmé un porte-parole de la société à l'AFP. Selon lui, avec de nouveaux recrutements, le plan de déploiement prévoit toujours d'installer d'ici fin mars 80 stations par semaine. L'engagement initial était que les 1 400 stations (1 200 anciennes et 200 nouvelles) et les 20 000 à 24 000 nouveaux vélos soient en ordre de marche pour le 1er avril.

Selon Smovengo, le retard dans le déploiement vient de son prédécesseur : en perdant le marché, JCDecaux avait posé un recours en justice, qui a repoussé la possibilité pour le nouvel opérateur de préparer les installations. Autre raison invoquée : les opérations pour alimenter en électricité les 45 000 «bornettes» qui doivent recevoir un vélo électrique «se sont révélées plus compliquées que prévu», selon Smovengo. Au final, l'association de défense du vélo Paris en selle affiche un sérieux «doute d'avoir 100% des stations opérationnelles d'ici fin mars».

Deux sites différents

Voilà le premier problème, le plus important. Il y en a un autre : les informations aux usagers sont peu claires. N'ayant pas pu investir le site officiel de Vélib avant que JCDecaux en remette les clés, Smovengo a créé un nouveau site, Vélib 2018. Depuis début janvier, il vient désormais entrer en concurrence avec le nouveau portail officiel, Vélib Métropole. Deux sites différents, donc, avec exactement les mêmes informations (sans compter celui du syndicat qui gère le service, Autolib Vélib Métropole). En revanche il existe une seule application (ouf !). Sauf que celle-ci, à partir de laquelle les utilisateurs louent leurs vélos et repèrent les stations accessibles, ne fonctionne pas. Elle affiche des mauvaises informations, la géolocalisation est défaillante et la carte ne se charge pas ou mal.

Ci-dessus, le tweet d’un utilisateur ayant reçu un message du nouveau Vélib, lui indiquant que son trajet allait durer 120 heures.

Enfin, conséquence de ces avanies, le service-clients de Smovengo est surchargé − ce qui ne rend pas les utilisateurs plus patients. Sur Twitter, les messages acrimonieux se multiplient depuis une semaine, avec description par le menu des problèmes rencontrés par les cyclistes (et mention de la maire de Paris).

Cerise sur le gâteau des utilisateurs, le service Vélib a vu ses tarifs augmenter au 1er janvier : les abonnements annuels, par exemple, sont passés de 29 à 37,20 euros.

«Accident industriel»

L'association Paris en selle manque de mots face «à un tel niveau de ratage». Pour son porte-parole, Simon Labouret, cet «accident industriel» est le signe que «le sujet n'a pas été pris très au sérieux par l'opérateur ou les politiquesQuand le RER ferme pour travaux, il rouvre à la bonne date, pas trois mois après», poursuit-il. Paris en selle réclame désormais la constitution d'un comité d'usagers des Vélib, histoire que les attentes des cyclistes soient mieux prises en compte. Et demande la gratuité de Vélib pour trois mois, jusqu'à la fin mars. «Aujourd'hui, il n'y a quasiment pas de service», justifie Simon Labouret.

L'opposition LR et UDI-Modem au Conseil de Paris parle quant à elle de «fiasco», et fait évidemment porter ce «retard intolérable» sur les épaules «des erreurs de gestion de ce dossier par la ville de Paris, véritable chronique d'une catastrophe annoncée depuis juillet 2016 par le groupe». Les deux groupes demandent un dédommagement pour les utilisateurs «à la hauteur du préjudice subi», précise l'UDI-Modem qui réclame six mois gratuits pour les abonnés au Vélib non-électrique. LR demande le remboursement des usagers «tant qu'au moins 500 stations ne sont pas opérationnelles».

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Les élus du syndicat Autolib Vélib Métropole vont se réunir cette semaine «de manière exceptionnelle pour examiner les modalités de compensation pour les abonnés». Loin des mois gratuits, l'idée serait d'offrir une remise de 50% aux nouveaux abonnés ou à ceux qui renouvellent leur abonnement pour les trois premiers mois de l'année.

Le nombre d'utilisateurs de vélo à Paris est difficile à chiffrer précisément, mais les études montrent que la part des déplacements à deux roues non motorisées est en nette augmentation. En temps habituel, un tiers des cyclistes parisiens roule en Vélib.

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