Fresque polémique du CHU de Clermont-Ferrand : les internes se défendent

Les dessin effacé ce lundi représente pour certains un viol collectif, dont la victime serait la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Faux répondent les internes de l'hôpital.
par Cécile Bourgneuf
publié le 19 janvier 2015 à 16h00
(mis à jour le 20 janvier 2015 à 19h12)

A chacun son interprétation. La fresque de la salle de garde à l'internat du CHU de Clermont-Ferrand provoque depuis ce lundi un vrai tollé. On y voit Wonder Woman subir les assauts sexuels de quatre autres superhéros : Flash, Superman, Batman et Superwoman. A première vue, il s'agit d'une scène de gang bang typique de la pornographie. Mais le dessin est accompagné de dialogues violents qui critiquent le projet de loi santé de la ministre Marisol Touraine : «Tiens, la loi santé !»«Prends-la bien profond !» et «Tu devrais t'informer un peu». 

Pour l'association Osez le féminisme !, la fresque murale représentée dans la salle de garde du CHU de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) ne laisse pas de place au doute : il s'agit bien d'«un viol collectif». Tout comme la ministre de la Santé qui y voit une «incitation au viol inacceptable». Marisol Touraine a condamné ce lundi cette fresque «particulièrement choquante». Selon son entourage : «L'esprit carabin [celui de l'univers des étudiants en médecine, ndlr] ne peut le justifier.» Osez le féminisme ! va même plus loin : «Les bulles ajoutées sur la fresque sembleraient indiquer que la femme violée, habillée en Wonder Woman, symbolise à leurs yeux la ministre de la Santé. C'est une menace misogyne en sa direction, peut-on lire dans un communiqué publié sur le site du collectif, pour les auteurs de ces bulles, une ministre, c'est avant tout une femme : un sous-être que l'on peut punir, dominer et s'approprier si elle mécontente leurs désirs - ou leurs revendications politiques.»

Mais l'association des internes de Clermont-Ferrand n'a pas du tout le même point de vue et se défend par la voix de son avocat Jean-Sébastien Laloy : «Wonder Woman ne représente pas la ministre mais une interne en médecine qui est mise en garde si elle ne s'informe pas sur la loi santé. Ce dessin ne représente pas un viol mais une orgie. Le détournement est maladroit et c'est un humour graveleux mais nous revendiquons la liberté d'expression.» Selon Jean-Sébastien Laloy, la fresque a été peinte il y a quinze ans mais les bulles controversées y ont été ajoutées ce week-end : «Je présente mes excuses et regrette la diffusion de ce dessin qui aurait dû rester dans un cadre privé.»

Cette illustration a été publiée ce week-end sur la page Facebook «Les médecins ne sont pas des pigeons». Le post a été supprimé ce lundi, mais l'image a tourné sur les réseaux sociaux et a suscité de vives réactions. La secrétaire d'Etat chargée de la Famille, Laurence Rossignol, s'est indignée dès dimanche sur Twitter :

Tout comme la secrétaire d’Etat chargée des femmes, Pascale Boistard :

Dans un communiqué, le patron des députés socialistes, Bruno Le Roux, fustige une «dérive odieuse de la campagne menée contre Marisol Touraine» et appelle le Conseil National des médecins et les syndicats à réagir. Sur Twitter, il ajoute :

 «Rien ne justifie que cela donne lieu à un dérapage grossier, sexiste et infamant.» déclare de son côté le groupe EELV à l'Assemblée nationale.

Sollicité par Osez le féminisme !, qui lui demandait de «réagir au plus vite, de faire supprimer cette fresque et de sanctionner ceux qui en sont responsables», le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) a réagi dans un communiqué, ce lundi : «Le Cnom condamne sans réserve la réalisation et la diffusion d'une fresque représentant une agression sexuelle au CHU de Clermont-Ferrand.» Son président a rencontré, ce lundi, la direction de l'hôpital «afin de donner les suites appropriées à cette affaire inacceptable».

La direction du CHU de Clermont-Ferrand a donc décidé d'effacer la fresque ce lundi et d'engager des poursuites «disciplinaires, voire judiciaires à l'encontre du ou des auteurs présumés responsables de ces agissements inacceptables». Selon le CHU, cette fresque et ces légendes «relaient une image dégradante des femmes et des médecins en opposition totale à l'éthique et à la déontologie médicale.»

Osez le féminisme ! a également demandé «le retrait de toute trace de fresque représentant des violences faites aux femmes dans les salles de garde», soulignant que «cette représentation n'est pas un cas isolé». Dans les salles de garde des hôpitaux, réservées aux internes, l'art est traditionnellement obscène. Ce phénomène avait même fait l'objet d'une étude en 2010 par le photographe Gilles Tondini. Dans L'Image obscène (Editions Mark Batty Publisher), il y exposait les fresques peintes dans les salles de garde des plus grands hôpitaux parisiens : «En érection, en éruption, dans les culs, dans les bouches, le phallus s'étire et se tend sur les murs maculés. Démesuré et turgescent, il trône dans cet Olympe sans dieux», écrivait-il en introduction.

Après la disparition de leur fresque, les internes de Clermont-Ferrand ont recouvert le mur de leur salle de garde d'une affiche : «Je suis une fresque». Une affiche qu'ils ont également posté dans le hall du CHU.

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