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Fiscalité

Les parlementaires suppriment des niches fiscales... mais pas les leurs

Les députés ont voté la fin de l’avantage fiscal des journalistes. Mais les parlementaires se sont bien abstenus de toucher à ceux dont ils continuent de bénéficier...

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"Allez-vous enfin écouter le Sénat ?" : ces mots ont maintes fois résonné dans l'hémicycle du palais du Luxembourg ces dernières semaines

Sénateurs et députés ont supprimé partiellement les niches fiscales des journalistes mais ont oublié de faire le ménage de leurs propres avantages.

AFP/Archives - CHRISTOPHE ARCHAMBAULT

Bravo ! Il fallait le faire : les députés ont adopté mardi un article mettant fin à l’avantage fiscal dont bénéficiaient les journalistes depuis 1998. Il s’agit (ou s’agissait) d’un « abattement pour frais d’emploi » d’un montant de 7.650 euros à déduire des revenus déclarés. Un abattement. Pas une réduction d’impôt. C’était injuste par rapport aux autres salariés, qui n’en bénéficiaient pas. Mais c’était aussi particulièrement bien ciblé, au moment où la cote des journalistes auprès de l’opinion publique est au plus bas. La mesure est davantage vexatoire que réelle, car l’abattement n’est supprimé que pour les journalistes dont le salaire est supérieur à 6000 euros nets par mois. Or, comme l’attestent les chiffres de l'Observatoire des métiers de la presse, le revenu médian des journalistes est, en moyenne, de 3.549 euros pour ceux qui sont en contrat à durée indéterminée et de 1.969 euros pour les pigistes. Quant aux journalistes qui gagnent plus de 6.000 euros nets par mois, il y en a… Mais ils représentent moins de 7% des professionnels de l’information.

L’an I de la révolution fiscale ?

Voila l’acte I de la révolution fiscale enclenché ! Mais, n’est-ce pas un peu court, messieurs-mesdames les parlementaires ? Pourquoi ne pas aller plus loin ? Et abolir toutes les réductions d’impôts, les abattements et autres avantages dont est truffée notre belle fiscalité. A commencer par les vôtres, justement. Les députés ont, c’est vrai, procédé avec sagesse, il y a quelques mois, à la suppression de leurs avantages les plus visibles. Ce que n’ont pas fait les sénateurs, qui continuent de profiter de plusieurs primes, passe-droits et réductions qui paraissent, vu les circonstances, totalement en décalage avec la réalité. Et à y bien regarder, les députés eux-mêmes, malgré leur tout récent accès de civisme, ne sont pas exempts que petits petits avantages, moins visibles, mais tout aussi injustifiables… A ce jeu du "Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais… » , il est bon de reprendre quelques points qui peuvent en chiffonner quelques-uns. Et pas que les Gilets Jaunes.

Un train (de vie) de sénateur

Alors que les députés ont rogné sur leurs avantages, les sénateurs n’ont pas lâché le moindre pouce de terrain. Ils continuent donc de bénéficier de gros coups de pouces, sur leur retraite, leur chômage et, plus bizarrement, sur leurs… frais d’obsèques. Les impôts des Français financent en effet l’allocation funéraire de nos sénateurs, qu’ils soient encore en fonction ou pas. A leur décès, leur famille reçoit en effet une « allocation funéraire » égale à 6 mois de la rémunération maximum d’élu du défunt (36.000 euros). Elle est destinée à aider à régler les frais d’obsèques. Plus raisonnable, les députés, qui avaient droit à une allocation de un et trois mois de rémunération (soit environ 18.000 euros) l’ont plafonnée à 2.350 euros. Autre hantise du sénateur, sa non-réélection. Elle fait donc l’objet d’une couverture très complète de la part de la Haute Assemblée… Un élu qui n’est plus réélu recevra donc une allocation « d’aide au retour à l’emploi ». Dégressive, elle est versée au maximum pendant 3 ans. Elle peut ainsi permettre aux sénateurs d’aller jusqu’à la retraite et de bénéficier alors d’un régime de retraite très favorable. Au moment où les parlementaires vont appeler les Français à se serrer la ceinture sur leur pension, les sénateurs bénéficient en effet d’une retraite complémentaire par points qui leur permet de jouir de pensions comparativement 2,5 fois supérieures à celles de leurs compatriotes. Et aussi, depuis quelques mois, de leurs homologues de l’Assemblée. Plus étonnant encore, au décès du sénateur, son conjoint percevra 60 % de sa pension, sans plafond ni conditions de ressources, ce qui est bien plus généreux, on en conviendra aisément, que le régime général.

Des députés pas blanc-bleu

A y regarder de plus près, chez les députés, il reste aussi quelques poussières sous le tapis. Les députés ont certes fait un peu de nettoyage. Leur indemnité parlementaire (7.209 euros par mois) qui est l’équivalent d’un « salaire » est totalement imposée (elle l’était à 75% avant). De plus, ils doivent cotiser au régime général des retraites, et ne bénéficient plus de celui dont profitent toujours les sénateurs. Autre révolution : ils doivent désormais pouvoir justifier des 5.373 euros mensuels de leur « avance sur frais de mandat ». Qui, elle, échappe à tout impôt. Tout comme l’enveloppe de 18.950 euros par an (1.580 euros par mois) destinée à couvrir leurs dépenses de taxis de téléphone et de courrier. Tout comme, enfin, l’enveloppe de 15.000 euros qui est destinée aux élus (ou réélus) qui veulent s’équiper en matériel informatique. Au total, ce sont donc 7.209 euros par mois, qui sont fiscalisés. Mais 6.953 euros (5373 + 1580) échappent à tout impôt et à toute cotisation sociale. S’ils avaient été des cadres dans une entreprise privée, ces dépenses fiscale ou sociale prises en charge par le Parlement, correspondraient à un cadeau de 3 à 4.000 euros par mois. On comprend mieux que les budgets de l’Assemblée nationale (50 millions) et du Sénat (351 millions) soient si élevés… et si déséquilibrés. Pour les Parlementaires, on est encore bien loin de l’ « Abolition des privilèges »…

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