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Politique

Comment parvenir à définir ce qui relève du harcèlement de rue

Verbaliser le harcèlement sexiste? Comment définir ce qui le caractérise? C’est à la racine du problème et non à ses symptômes qu’il faut s’attaquer.

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Marlène Schiappa, Secrétaire d'État chargée de l'égalité femmes-hommes
Martin BUREAU / AFP

"Hé la miss aux ch’veux lisses, t’as pas un 06?". Ce genre d’alexandrin relève-t-il de la prose urbaine ou constitue-t-il une forme de harcèlement de rue ? C’est ce que devra trancher le groupe de travail annoncé mardi par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes.  L’objectif: mettre fin au harcèlement de rue en permettant aux policiers en patrouille de verbaliser le "harceleur" pris en flagrant délit. L’enjeu: parvenir à définir ce qui relève du harcèlement de rue. 

100% des utilisatrices des transports en commun ont subi du harcèlement au moins une fois dans leur vie, a révélé une enquête récente du Haut Conseil à l’Egalité entre les hommes et les femmes. Or en l’état actuel, le harcèlement de rue se situe dans une "zone grise". Le "harceleur" passe entre les mailles du filet prévu par la loi sur le harcèlement sexuel du 10 août 2002 qui lie le harcèlement à la notion de répétition, comme cela peut survenir dans un contexte professionnel mais rarement dans la rue. D’où l’ambition de caractériser le harcèlement de rue pour mieux le verbaliser et les difficultés que cela pose.

Au regard du droit, l’alexandrin aura-t-il la même signification s’il est chanté ou hurlé? Avec le sourire ou un mauvais rictus?  Dans un avis rendu en 2015, le Haut Conseil à l’Egalité entre les hommes et les femmes définissait le harcèlement sexiste dans l’espace public comme tout propos ou comportement ayant pour objet de "créer une situation intimidante, humiliante, dégradante ou offensante portant ainsi atteinte à la dignité de la personne". Placer le débat sur le plan du ressenti et non plus des faits revient à "subjectiver" le droit. Pourra-t-on alors imaginer que des faits identiques donnent lieu à des amendes variables selon le degré d’intimidation, d’humiliation ou d’offense de la victime ? Sera-t-il possible qu’un passant puisse déposer plainte pour des propos ou des faits dont la victime, elle, ne jugerait pas qu’ils portent atteinte à sa dignité?

Verbaliser, c’est faire de la police le garant de l’égalité des sexes dans l’espace public. Est-ce le rôle des forces de l’ordre? Le harcèlement est déjà être pris en compte sur le plan pénal lorsqu’il y a un contact physique - cela devient une agression - ou une invective - assimilable à l’injure. Faut-il sanctionner la parole et les gestes en-dehors de ces cas? Faut-il vouloir éradiquer la bêtise par la loi? En Belgique, la loi de 2014 contre le sexisme dans l’espace public prévoit de pénaliser tout comportement sexiste ayant pour "effet de violer la dignité d’une personne". Trois plaintes ont été déposées en trois ans, signe que la loi se heurte aux difficultés pratiques de sa mise en oeuvre.

En France imaginons le cas d’un harcèlement de rue sans témoin. La charge de la preuve revenant à la victime, faudra-t-il installer des caméras de surveillance, comme cela a été évoqué, ou déployer plus de policiers sur la voie publique pour évoluer vers du flagrant délit? Il y a fort à parier que cela ne fera que déplacer le problème en des endroits plus isolés tout en grignotant un peu davantage nos libertés…

"Nous sommes dans un combat culturel" a rappelé Marlène Schiappa. Encore trop nombreuses sont les femmes reconnaissant s’habiller "de façon neutre" ou faire "semblant de parler au téléphone pour éviter d’apparaître seule". C’est à la racine du problème et non à ses symptômes qu’il faut s’attaquer en priorité. Sensibiliser, informer,  éduquer et occuper l’espace. Multiplions les "marches exploratoires" de femmes initiées au Canada ; publions dans toutes les stations de bus et de métro le Tumblr du collectif "Paye ta Shneck" qui recense les propos sexistes ; répliquons la méthode du "name and shame" dans la rue pour inverser le rapport de force… Mesdames, ne nous abaissons pas à siffler, mater et suivre, mais haussons le ton pour oser crier, moquer et dénoncer.

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