L’environnement? Un sujet plutôt absent à droite: Laurent Wauquiez souhaite le remettre au coeur du débat, en prônant une "écologie positive, qui mise sur l’innovation, et non sur la contrainte".

Laurent Wauquiez, ancien ministre et président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, le 3 septembre 2017 à Les Estables (Haute-Loire)

L'environnement? Un sujet plutôt absent à droite: Laurent Wauquiez souhaite le remettre au coeur du débat, en prônant une "écologie positive, qui mise sur l'innovation, et non sur la contrainte".

afp.com/PHILIPPE DESMAZES

Préparer l'avenir, le sien notamment. A quelques jours du second tour de la présidentielle 2017, Laurent Wauquiez pense déjà le coup d'après. Après le refus des Républicains d'appeler à voter pour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen, juppéistes et lemairistes s'apprêtent à changer de rive? Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, lui, traverse seulement la rue de Vaugirard, à Paris. Au Novotel, situé en face du siège du parti, il a rendez-vous avec une journaliste du Figaro, Eugénie Bastié, pour parler... d'écologie intégrale. La jeune femme est l'une des animatrices de la revue Limite.

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D'inspiration chrétienne, la publication défend la vision développée par le pape François dans son encyclique Laudato si'. Un appel à respecter la dignité humaine en préservant l'ensemble de la Création, quitte à endosser une forme de décroissance.

Pour une écologie de droite

"Laurent Wauquiez m'avait dit être intéressé par la question de l'environnement. Moi, je juge le sujet trop absent à droite, alors que l'écologie est éminemment conservatrice", raconte la consoeur. La rencontre dure plus d'une heure et convoque les mânes des penseurs Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, des pionniers français dont Limite se réclame. L'élu prend des notes, consciencieusement. L'échange en restera là.

Elever le niveau, le sien notamment. Le 3 septembre 2017, au sommet du mont Mézenc (Haute-Loire), Laurent Wauquiez annonce sa candidature à la présidence des Républicains. Les manches de chemise retroussées, il pose les bases du chantier: "Nous devons porter une écologie positive, qui mise sur le progrès, l'innovation, par les projets et non par la contrainte. Il y a une écologie de droite à construire."

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Quelques semaines plus tard, il confirme à L'Opinion son désir d'investir ce nouveau champ: "Je veux faire comme Tony Blair, à son arrivée à la tête du New Labour, avec la sécurité." Le Britannique avait modernisé le logiciel des travaillistes sur un sujet a priori préempté par les conservateurs.

Le propos ravit l'essayiste québécois Mathieu Bock-Côté. Les deux hommes se sont croisés à Paris à la fin d'octobre, et, depuis, Wauquiez aime à citer le sociologue, pourfendeur du multiculturalisme. Pour ce dernier, la défense de l'environnement "n'appartient en rien à la gauche, encore moins aux seuls écologistes, qui en proposent souvent une lecture sectaire". L'écologie de droite? "Elle ne culpabilise pas l'homme à outrance d'avoir transformé la planète et de l'aménager pour ses besoins, mais l'invite toutefois à en prendre soin", avance l'intellectuel.

Des convictions pour le moins sinueuses

Politiquement, la question a son intérêt. Face à un Macron qui braconne dans l'électorat libéral avec son programme économique, la droite ne doit plus abandonner le moindre terrain. Seulement, comme toujours avec Wauquiez, ses "amis" s'interrogent sur la sincérité de son propos, pointent la sinuosité de ses convictions. Jusque-là, l'homme semblait l'héritier du Nicolas Sarkozy de 2011, celui pour qui "l'environnement, ça commence à bien faire". Bref, un contempteur de "l'écologie punitive" de la gauche et des "ayatollahs" verts.

"En 2013, lors de la mobilisation des Bonnets rouges bretons, Wauquiez réclamait l'annulation de la taxe poids lourds, pourtant décidée par le gouvernement Fillon, auquel il avait appartenu", rappelle un proche de Nathalie Kosciusko-Morizet.

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Déployer un parc de véhicules roulant à l'hydrogène, privilégier les circuits courts, tout en développant les infrastructures, comme l'autoroute A 45, projet vivement critiqué: pas si facile d'associer environnement et croissance économique.

© / T. ZOCCOLAN/AFP

Secrétaire d'Etat auprès de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, l'ex-LR Sébastien Lecornu enfonce le clou: "Laurent Wauquiez ne comprend pas qu'il y a un avant -et un après- Jean-Louis Borloo, dont le Grenelle de l'environnement reste une grande réussite de la droite. En réalité, certains mettent en place les outils nécessaires pour changer les choses, tandis que lui se contente de slogans. Dans son programme présidentiel, François Fillon se disait favorable à la fiscalité carbone pour agir sur le climat. Qu'en dit Wauquiez? Quelles parts respectives pour le nucléaire et les énergies renouvelables prône-t-il dans la production d'électricité?"

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Pour l'heure, le leader des Républicains reste discret sur ces questions -il n'a pas répondu à L'Express- et prudent dans ses prises de position. Notre-Dame-des-Landes? Il dénonce la capitulation du gouvernement devant les zadistes et le déni de démocratie, mais se garde bien de se prononcer sur le bien-fondé du projet. Le glyphosate? "Il faut trouver un produit de substitution avant d'interdire cet herbicide", dit-il. Le 25 octobre, sur France Inter, Léa Salamé le relance: "L'Europe doit-elle renouveler l'autorisation pour cinq ans ou pour sept ans?" Nouvelle esquive.

Des doutes sur son message écologique

En coulisse, le nouveau patron de la droite avance néanmoins ses pions. Le contre-gouvernement qu'il doit dévoiler le 27 janvier comprendra bien un portefeuille de l'environnement.

A l'Assemblée nationale, il encourage les députés LR débutants, comme Aurélien Pradié (Lot), Fabrice Brun (Ardèche) ou Emilie Bonnivard (Savoie), à s'emparer des thèmes écologiques. En décembre, les deux premiers approuvent le texte de Nicolas Hulot sur la fin de l'exploitation des hydrocarbures en France, alors que le reste du groupe vote contre.

"On est encore minoritaire à droite, mais on veut prendre de l'avance", assure Fabrice Brun. Cet agent commercial en vins, issu d'une famille de paysans, apprécie que Laurent Wauquiez s'oppose à l'exploration du gaz de schiste en Ardèche, dans la Drôme et en Haute-Savoie. En 2013, l'ancien ministre de l'Enseignement supérieur maudissait le principe de précaution. Aujourd'hui à la tête d'Auvergne-Rhône-Alpes, il refuse que la fracturation hydraulique saccage son territoire.

Depuis sa victoire aux régionales, en décembre 2015, il entend faire de son fief un laboratoire de "l'enracinement", cher à la philosophe Simone Weil et... à Mathieu Bock-Côté. En octobre, dans Le Point, il expose sa vision: "L'écologie de droite, c'est à la fois l'innovation et le sens de la permanence, la permanence de nos paysages, de notre patrimoine, de nos terroirs, de nos appellations d'origine contrôlée [...]. L'écologie, c'est à la fois le salers du Cantal et les centres de recherche sur les nouvelles énergies à Grenoble."

Localement, ses adversaires décrivent plutôt une politique clientéliste au bulldozer. Dès 2016, la majorité taille dans les subventions aux associations environnementales, mais signe un partenariat de 3 millions d'euros avec les fédérations de chasseurs. "Le message de Wauquiez est clair: les vrais écolos, ce sont les ruraux qui connaissent le terrain", déplore le socialiste Jean-François Debat.

Des préoccupations vertes ruinées par le "toujours plus"

Les aides à l'agriculture passent de 37 millions d'euros en 2015 à 52 millions d'euros cette année. Objectifs affichés: moderniser les exploitations, améliorer les réseaux d'irrigation pour réduire le gaspillage en eau, favoriser les circuits courts et donc les produits régionaux pour l'approvisionnement des cantines des lycées. Vieille logique productiviste, grincent les partisans du bio, dont les structures de promotion, elles, sont mises au pain sec. "Au lieu d'aider les paysans, ces réseaux faisaient de la politique avec des financements publics", se défend Emilie Bonnivard, l'ancienne vice-présidente chargée de l'agriculture.

En juin, la région se dotera d'un plan environnement. "Ma feuille de route est simple: réconcilier cette préoccupation avec l'économie", assure son concepteur, le vice-président UDI Eric Fournier. L'accent sera mis sur les énergies décarbonées, notamment la biomasse, et sur une meilleure gestion des déchets.

Sans oublier la fierté du président Wauquiez, le programme Zero Emission Valley pour déployer un millier de véhicules roulant à l'hydrogène. Avec 70 millions d'euros investis sur dix ans, dont 15 millions par le seul conseil régional, Auvergne-Rhône-Alpes se rêve en leader européen du secteur.

Chef de file des écologistes à la région, Jean-Charles Kohlhaas hausse les épaules: "Tout ceci n'est que du greenwashing. L'enjeu, ce n'est pas seulement de produire plus propre, mais de changer nos habitudes de consommation. Laurent Wauquiez reste dans une optique de 'toujours plus' car il est obsédé par le développement économique."

Même Eugénie Bastié, la journaliste du Figaro, avoue son scepticisme. Elle juge un Philippe de Villiers, pionnier de la lutte contre les insecticides et opposant à Notre-Dame-des-Landes, beaucoup plus avancé dans son engagement écologique. Elle estime incompréhensible le soutien de Wauquiez à la nouvelle autoroute A45 entre Saint-Etienne et Lyon. "C'est un projet totalement inutile. Même Gérard Collomb, l'ex-maire de Lyon, est contre." C'est dire.

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