« La lecture et la compréhension du sujet posent encore problème à de trop nombreux candidats », déplore le jury du concours 2016 de l’Ecole nationale d’administration (ENA) dans son rapport, publié mi-mars.
Tandis que le jury de l’an dernier s’était inquiété d’un formatage des candidats, rappelant que l’école « n’a pas vocation à recruter de simples observateurs » mais des individus « capables de s’engager », celui de cette année a salué avoir rencontré, lors des oraux, des profils « très divers ».
C’est aux épreuves écrites d’admissibilité que de nombreuses lacunes sont pointées par le président du jury, Thierry Bert, énarque et inspecteur général des finances. Il réfute néanmoins les « considérations déclinistes » sur les compétences des candidats : le niveau de formation initiale reste « très élevé » et « ils parlent souvent plusieurs langues. Ils ont effectué de nombreux séjours à l’étranger ».
Un jury adepte de la « bienveillance »
Dès les premières pages du rapport, le président du jury rappelle la méthodologie pour apprécier ce cru 2016. Pour les épreuves écrites, les grilles de notation ont pris en compte à la fois la forme (clarté et plan) et le fond, tout en relativisant l’importance de l’orthographe. « On n’écrit plus comme Montaigne ou Richelieu, pourtant fondateur de l’Académie. Nous savons aussi qu’il [l’orthographe] s’agit souvent d’un marqueur social, et qu’il faut donc relativiser son importance si l’on veut pratiquer des recrutements innovants », admet M. Bert.
A l’oral, il a été décidé de privilégier la méthode de l’écoute et de la bienveillance. « Il est impossible de tirer le meilleur d’un être vivant, qu’il s’agisse d’un animal ou d’un être humain, en le bousculant, en le terrifiant ou en l’humiliant ; lorsqu’on le fait, on suscite les instincts archaïques de peur, de fuite ou d’agressivité, ce qui ne peut qu’inhiber le fonctionnement complet du cerveau ; c’est exactement le contraire de ce qu’il est souhaitable de faire dans le processus de recrutement d’un fonctionnaire (et du reste, dans le management en général) », écrit le président du jury. Une méthode nouvelle pour distinguer ce qui tient de la timidité ou du stress de ce qui constitue une « véritable insuffisance ».
Prendre le temps de la réflexion
Sur le fond, le rapport relève, à l’écrit, d’importantes lacunes. « Dans un très grand nombre de cas, un certain nombre de connaissances indispensables n’ont pas été assimilées. Elle est surtout manifeste dans l’épreuve de finances publiques, qui est une épreuve de connaissances, et sur laquelle un trop grand nombre de candidats n’a pas obtenu la moyenne, surtout au concours externe », juge le rapport, qui souligne aussi des manques lors de l’épreuve de questions sociales.
Autre point inquiétant, la lecture et la compréhension du sujet, deux étapes qui « posent encore problème à de trop nombreux candidats ». « Les meilleures copies ont pu montrer qu’il était tout à fait possible de lire convenablement le sujet, de se placer dans la situation qu’il indiquait, d’en définir les termes, et de comprendre la question posée. Mais cette méthode suppose que le candidat prenne un certain temps de réflexion pour poser les termes de la problématique, avant de lister toutes les idées qui peuvent lui venir à l’esprit à l’évocation de tel ou tel terme de l’énoncé. »
A l’oral les candidats ne savent pas valoriser leurs acquis
Une fois les écrits passés, les candidats ont été jugés à l’oral. Le président tient à signaler que, dans leur grande majorité, « les candidats admissibles aux épreuves orales sont apparus très divers, vifs, intelligents, souvent engagés dans des activités associatives ».
Pour l’épreuve d’entretien, qui teste la réflexivité du candidat et sa réactivité dans une situation inhabituelle, le rapport déplore que « certains candidats ne sachent tirer aucune leçon, ni aucune idée, de leurs expériences – pourtant réelles et qui pourraient donner lieu à de riches développements ».
Quant à l’épreuve collective d’interaction, introduite lors de la réforme du concours de 2015, elle est parfois mal comprise. Certains candidats « commettent un contresens sur cette épreuve en croyant qu’il s’agit, face à un sujet, d’éblouir le jury en multipliant les citations et les références historiques, philosophiques ou littéraires. Or, ce n’est pas le propos. »
Une parité loin d’être atteinte
Comme les années précédentes, la parité au sein de la grande école n’est toujours pas atteinte, avec 35,5 % de femmes reçues à l’issue du concours 2016, bien loin du taux record de 45 % atteint en 2013. Au concours externe, lorsque les femmes représentaient 41 % des candidats présents aux épreuves du concours externe, un taux assez stable par rapport aux années précédentes, elles n’étaient plus que 27 % parmi les admissibles, et finalement que 26 % parmi les admis.
« Pour des raisons que le jury ne s’explique pas, les épreuves écrites ont éliminé davantage de candidates que de candidats au concours externe et au troisième concours », reconnaît le président du jury. Comme les années précédentes, la parité au sein de la grande école n’est toujours pas atteinte pour la promotion, avec 35,5 % de femmes reçues.
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