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Les militaires de « Sentinelle » seront mobilisés pour l’acte XIX des « gilets jaunes »

Si ce n’est pas la première fois que des soldats sont appelés en renfort dans le cadre d’un rassemblement, la communication du gouvernement crée un effet d’annonce.

Par , et

Publié le 20 mars 2019 à 15h38, modifié le 21 mars 2019 à 06h30

Temps de Lecture 5 min.

Soldats de l’opération Sentinelle, en juin 2017, sur l’esplanade du Trocadéro à Paris.

La nouvelle a provoqué un vif émoi. Le gouvernement a annoncé, mercredi 20 mars, son intention de mobiliser les militaires de l’opération antiterroriste « Sentinelle » dans le cadre du dispositif de maintien de l’ordre prévu samedi 23 mars pour encadrer la dix-neuvième journée de mobilisation des « gilets jaunes ». Si de telles dispositions sont déjà régulièrement prises à l’occasion de différentes manifestations, c’est la première fois que l’exécutif communique à ce sujet, provoquant un fort effet d’annonce.

Lors du conseil des ministres, Emmanuel Macron a décidé « une mobilisation renforcée du dispositif “Sentinelle” pour sécuriser les points fixes et statiques », a rapporté le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, à l’issue de la réunion. L’objectif est de « permettre aux forces de l’ordre » de se « concentrer sur les mouvements, le maintien et le rétablissement de l’ordre », a-t-il expliqué.

« Nous ne pouvons pas laisser une infime minorité violente abîmer notre pays et détériorer l’image de la France à l’étranger », a justifié M. Griveaux, alors que les images de violence diffusées en continu samedi 16 mars sur les chaînes d’information ont mis le gouvernement sous pression. L’exécutif veut absolument éviter de voir ces scènes d’émeute se reproduire. Donner le sentiment qu’il n’est pas capable de garantir l’ordre public en France aurait, en effet, des conséquences politiques et institutionnelles désastreuses.

Jeudi, Christophe Castaner a affiché sa fermeté lors de la prise de fonctions officielle du nouveau préfet de police de Paris, Didier Lallement. « Ce qu’il s’est passé n’aurait jamais dû avoir lieu (…). Votre modèle est Georges Clémenceau, sa main n’a jamais tremblé quand il s’agissait de se battre pour la France, la vôtre ne devra pas trembler non plus devant les réformes que vous devrez mener », a réaffirmé le ministre de l’intérieur avant de réclamer une « impunité zéro » pour les auteurs de violences.

« Il ne faut pas voir de signification politique »

Selon le gouvernement, il n’est évidemment pas question de demander aux militaires de participer directement aux opérations de police. « On a à notre disposition cette mission “Sentinelle”, assurée par des militaires et qui ont parfaitement vocation à sécuriser les lieux, comme d’ailleurs nos concitoyens ont l’habitude de le voir », a expliqué M. Griveaux.

A Matignon, l’entourage du premier ministre, Edouard Philippe, assure qu’« il ne faut pas voir de signification politique » dans cette décision, mais seulement une mesure technique.

Le principe retenu est d’éviter le plus possible que les militaires se retrouvent au contact direct de manifestants. Il s’agit surtout de dégager des effectifs de police utilisés pour des gardes statiques dans des lieux éloignés des mobilisations de « gilets jaunes ». Les soldats pourraient également prendre des postes à l’intérieur des bâtiments protégés. Selon une source policière, cette mesure pourrait permettre de libérer, à Paris, jusqu’à une compagnie et demie de CRS, soit quelque 180 fonctionnaires.

« Les armées, actuellement, leur ennemi, ce sont les terroristes », Geneviève Darrieussecq

Une voiture de l’opération Sentinelle avait été incendiée par des manifestants près de la tour Eiffel, le 9 février.

Les deux principaux syndicats policiers, Unité SGP Police-Force ouvrière et Alliance Police nationale, avaient déjà appelé de leurs vœux une telle mesure après les importantes dégradations de l’acte III de la mobilisation des « gilets jaunes », marqué, notamment, par le saccage de l’Arc de triomphe.

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De manière générale, les organisations plaident pour limiter au minimum les gardes statiques pour la police. Les armées, elles, préfèrent parler de protection de sites sensibles ou de lieu d’affluence. En décembre 2018, la secrétaire d’Etat auprès de la ministre des armées, Geneviève Darrieussecq, se montrait circonspecte, sur LCI : « Déclarer une manifestation, ça permet tout simplement de pouvoir faire en sorte de protéger les manifestants, de protéger les biens publics et, dans ce cadre-là, la police est parfaitement habilitée à cela. Pour ce qui est de l’armée, non. Les armées n’interviennent pas dans des missions de sécurité publique intérieure. Les armées, actuellement, leur ennemi, ce sont les terroristes. »

En réalité, ce type de remplacement existe déjà à la marge, afin de soulager les dispositifs policiers d’une partie de leurs tâches lors des rassemblements importants. Par ailleurs, les soldats de l’opération « Sentinelle » ont continué à patrouiller dans les rues tout au long des dix-huit actes des « gilets jaunes ». Les armées ont d’ailleurs été surprises par la communication du gouvernement à ce sujet.

Des discussions ont déjà lieu en amont des grands événements entre le préfet et l’état-major des armées pour décider des volumes d’effectifs mobilisés ainsi que du type de mission à remplir. Le but est d’évaluer le risque de confrontation avec une foule revendicative, les militaires n’étant pas formés pour faire du maintien de l’ordre. « Un soldat menacé, ça tire, il est entraîné pour ça », résume une source policière spécialisée dans la sécurisation des manifestations. L’état-major des armées peut d’ailleurs refuser de remplacer les gardes statiques sur certains sites s’il estime le risque trop élevé.

Une annonce condamnée par l’opposition

Les ordres devraient d’ailleurs être clairs, pour éviter à tout prix d’en venir à de telles extrémités. Les difficultés posées par le mouvement des « gilets jaunes », dont les parcours sont souvent erratiques dans les villes, compliquent la situation. Impossible d’affirmer avec certitude que des militaires ne se trouveront pas confrontés à des manifestants. Les troupes de l’armée pourront alors être désengagées ou protégées par des unités de la police ou de la gendarmerie nationale. S’ils sont témoins de scènes de violence, ils ont pour consigne d’appeler les forces de l’ordre pour les faire cesser.

L’annonce a beau ne pas être une révolution, sa mise en scène par le gouvernement a immédiatement enflammé l’opposition, de gauche comme de droite. Les réactions critiques se sont multipliées toute la journée de mercredi. Les « gilets jaunes » eux-mêmes se sont émus de l’annonce sur les réseaux sociaux, y voyant une nouvelle atteinte aux libertés. « Jamais de la vie un soldat français ira tirer sur un civil français sur le sol français [car] les militaires français sont pour la plupart des enfants de “gilets jaunes” », a, de son côté, assuré Maxime Nicolle, l’une des figures du mouvement, dans une vidéo diffusée mercredi.

L’utilisation de l’armée lors d’un conflit social n’est pas une première. En 1992, Pierre Bérégovoy, alors premier ministre, avait fait appel aux militaires pour dégager des axes routiers bloqués par des camionneurs qui protestaient contre l’instauration du permis à points. Plus de cinq cents soldats, des blindés légers et un char AMX-30 avaient notamment été envoyés sur l’autoroute du Nord, près de Phalempin, afin de libérer l’axe Paris-Lille.

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