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Attentat de Conflans : neuf personnes en garde à vue, dont des parents d’élèves et des proches du meurtrier

Selon les informations du « Monde », l’homme de 18 ans qui a assassiné le professeur d’histoire-géographie était originaire d’Evreux. Il n’était pas élève du collège.

Par  et

Publié le 16 octobre 2020 à 18h48, modifié le 17 octobre 2020 à 20h35

Temps de Lecture 7 min.

Aux abords du collège où enseignait le professeur d’histoire assassiné, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), le 16 octobre.

Un enseignant a été décapité en fin d’après-midi, vendredi 16 octobre, à Conflans-Saint-Honorine (Yvelines), et son agresseur présumé a été tué par balle par la police dans la ville voisine d’Eragny (Val-d’Oise) quelques instants plus tard.

Le Parquet national antiterroriste (PNAT) s’est saisi de l’enquête, ouverte pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». La sous-direction antiterroriste de la police judiciaire et la direction générale de la sécurité intérieure ont été saisies.

Cinq nouvelles personnes ont été interpellées dans la nuit, portant à neuf le nombre total de personnes en garde à vue, selon une source judiciaire samedi matin. Parmi ces cinq nouvelles interpellations figurent des parents d’élève du collège où travaillait la victime, ainsi que des membres de l’entourage familial de l’assaillant, dont un mineur.

L’assaillant a par ailleurs bien été identifié comme étant un jeune homme âgé de 18 ans d’origine tchétchène, né à Moscou et domicilié à Evreux. Vendredi soir, un document d’identité avait été retrouvé sur son cadavre, mais les enquêteurs devaient vérifier qu’il s’agissait bien de la même personne.

  • Que s’est-il passé ?

Il était aux alentours de 17 heures, ce vendredi 16 octobre, quand un équipage de policiers municipaux découvre un homme sans vie, horriblement mutilé, près du collège du Bois-d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine. A ses côtés se trouve un individu visiblement agité. Celui-ci commence par s’enfuir vers la commune limitrophe d’Eragny (Val-d’Oise), mais il est rattrapé par une patrouille de la brigade anticriminalité. Et alors qu’il aurait menacé les forces de l’ordre avec une arme de poing de type Airsoft en criant « Allahou Akbar », il est tué de dix tirs de riposte.

Selon nos informations, l’arme du crime est un long couteau de boucher. L’assaillant l’a abandonné près du corps de sa victime avant de prendre la fuite. Sur son cadavre, les enquêteurs ont ensuite découvert un deuxième couteau similaire.

  • Que sait-on de l’assaillant ?

Tous ces éléments, attestant d’une préparation précise, sont venus corroborer un message de revendication publié sur un compte Twitter, vendredi, quelques minutes après le drame. Un compte sous le pseudonyme @Tchetchene_270 sur lequel apparaissait une photo de la tête décapitée du professeur avec le message : « Au nom d’Allah, le tout miséricordieux, le très miséricordieux, (…) à Macron, le dirigeant des infidèles, j’ai exécuté un de tes chiens de l’enfer qui a osé rabaisser Muhammad, calme ses semblables avant qu’on ne vous inflige un dur châtiment. »

Les investigations étaient toujours en cours, samedi 17 octobre au matin, afin de déterminer avec certitude si l’auteur de ce message était l’assaillant ou un éventuel complice, même si tout semble indiquer que le jeune homme a bien lui-même posté sa revendication. Selon nos informations, l’assaillant tué par les forces de l’ordre était originaire d’Evreux (Eure), il n’était pas un élève du professeur tué. Il n’était pas non plus scolarisé dans le collège du Bois-d’Aulne ou un lycée voisin. Les enquêteurs essaient donc de comprendre comment il a pu repérer l’enseignant, le reconnaître dans la rue et savoir son horaire de sortie du collège en cette veille de vacances scolaires.

L’assaillant abattu par les forces de l’ordre n’était pas connu pour radicalisation par les services de renseignement. Il était seulement connu pour des faits relatifs à une dégradation en réunion, qui remonte à l’année 2016. Parmi les personnes gardées à vue se trouvaient samedi matin six personnes de son entourage, toutes issues de la communauté tchétchène, selon une source judiciaire.

  • Que sait-on de la victime ?

Seule certitude à ce stade : la victime, Samuel Paty, âgée de 47 ans et père d’un enfant, avait tenu un cours, début octobre, sur la liberté d’expression, en montrant des caricatures de Mahomet. Ce cours avait fait polémique au sein de son établissement. Les récits divergent sur ce qui est précisément survenu en classe. Mais l’épisode a suscité de tels remous chez certains parents d’élèves qu’une plainte, dans laquelle était notamment reprochée la diffusion d’images pédopornographiques, a été déposée, le 5 octobre. Plainte qui avait conduit à un certain nombres d’auditions. Selon nos informations, l’affaire a dû être aussi prise en charge par le renseignement territorial.

Un des éléments qui a contribué à la polémique est une vidéo diffusée sur Facebook, le 8 octobre, par un homme se présentant comme le père d’une élève du professeur assassiné. Dans ce témoignage, ce père dont la fille est âgée de 13 ans qualifie l’enseignant de « voyou », puis il décrit comment, selon lui, Samuel P. aurait demandé à ses élèves de confession musulmane de quitter la salle de classe après leur avoir demandé de lever la main pour se signaler. L’enseignant aurait ensuite montré « un homme nu » en le présentant comme le Prophète. Le père ne précise pas qu’il s’agit d’une caricature. Plusieurs personnes liées à la polémique sur les caricatures au sein du collège du Bois-d’Aulne étaient entendues samedi matin. Parmi elles, le parent d’élève ayant diffusé cette vidéo sur les réseaux sociaux.

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Dans celle-ci, le père de famille s’emporte ensuite : « Si vous voulez qu’on soit ensemble et qu’on dise stop, touchez pas à nos enfants, envoyez-moi un message [il donne alors son numéro de portable…]. » Sa fille ayant refusé de sortir de la classe, elle aurait été « renvoyée ». Puis il appelle à s’unir pour que Samuel P. ne « reste plus dans l’éducation nationale ». Sa fille a aussi diffusé une vidéo dans laquelle elle déclare : « On a tous été choqués, même ceux qui n’étaient pas musulmans. » Le nom et l’adresse professionnelle du professeur ont par la suite été diffusés sur les réseaux sociaux.

D’après des témoignages recueillis à chaud auprès de la communauté enseignante du collège, et rapporté par de nombreux médias dont Le Monde, Samuel Paty enseignait notamment en classe de 4e, et il donnait depuis plusieurs années des cours sur la liberté d’expression. Son invitation à sortir de la classe pour les élèves musulmans aurait, aux yeux de ces témoins, été considérée comme un élément de respect des croyances de ses élèves. Samuel Paty était par ailleurs un professeur apprécié. Une médiation avait été organisée avec parents et élèves afin de calmer les esprits à la suite du cours controversé.

  • Emmanuel Macron : « Ils ne nous diviseront pas »

Le procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, doit s’exprimer, samedi après-midi, pour donner des éléments supplémentaires sur l’enquête. Il devrait notamment préciser les circonstances dans lesquelles la polémique sur les caricatures au sein du collège du Bois d’Aulne a été remontée aux autorités compétentes.

Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, en déplacement au Maroc, a décidé en tout cas de rentrer immédiatement à Paris, vendredi soir. Depuis Rabat, il s’est entretenu avec le premier ministre, Jean Castex, et le président, Emmanuel Macron, a-t-on précisé dans son entourage.

Le chef de l’Etat s’est ensuite exprimé sur les lieux de l’attaque :

« Un de nos concitoyens a été assassiné parce qu’il enseignait, apprenait à ses élèves la liberté d’expression, de croire ou ne pas croire. Notre compatriote a été la victime d’un attentat terroriste islamiste caractérisé. (…) Je veux dire ce soir à tous les enseignants de France que nous sommes avec eux, que la nation tout entière sera là, à leurs côtés aujourd’hui et demain, pour les protéger, les défendre, leur permettre de faire leur métier, qui est le plus beau qui soit : faire des citoyens libres. »

« Je veux dire ce soir, de manière très claire : ils ne passeront pas nos policiers, nos gendarmes, l’ensemble de nos forces de sécurité intérieure, de renseignement, a-t-il poursuivi. Mais au-delà de cela, toutes celles et ceux qui tiennent la République et à leurs côtés magistrats, élus, enseignants, tous et toutes, nous ferons bloc. Ils ne passeront pas. L’obscurantisme et la violence qui l’accompagne ne gagneront pas. Ils ne nous diviseront pas. C’est ce qu’ils cherchent et nous devons nous tenir tous ensemble. »

  • L’Assemblée nationale debout pour dénoncer un « abominable attentat »

Dans une ambiance empreinte d’émotion, les députés se sont aussi levés à l’Assemblée nationale, vendredi, pour « saluer la mémoire » de l’enseignant décapité et dénoncer un « abominable attentat ». Très affecté, le président de séance Hugues Renson (La République en marche) a pris la parole juste avant l’interruption des débats à 20 heures : « Nous avons appris avec effroi l’abominable attentat qui s’est produit. Au nom de la représentation nationale, en notre nom à tous, je tiens à saluer la mémoire de la victime. »

Il a adressé « l’expression de toute notre solidarité » à la « famille » de la victime, « à ses proches comme à ses collègues et à l’ensemble du corps enseignant ». Le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, « rendra naturellement un hommage » à la victime « lors de la séance de questions au gouvernement » mardi, a ajouté M. Renson.

Le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a déclaré sur Twitter : « C’est la République qui est attaquée » avec « l’assassinat ignoble de l’un de ses serviteurs ». « Notre unité et notre fermeté sont les seules réponses face à la monstruosité du terrorisme islamiste. Nous ferons face », a-t-il ajouté.

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