Le régime de retraite des cheminots est-il si spécial ?

Institué en 1909, le système de retraite de la SNCF est bien plus avantageux que le régime général, même s'il présente quelques inconvénients assez minimes.

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Contrôleur SNCF en Bretagne. L'âge moyen de départ en retraite à la SNCF est de 56,9 ans.

Contrôleur SNCF en Bretagne. L'âge moyen de départ en retraite à la SNCF est de 56,9 ans.

© Claude Prigent / MAXPPP / PHOTOPQR/LE TELEGRAMME/MAXPPP

Temps de lecture : 4 min

Laurent Fortuné est visiblement un homme heureux. Il part à la retraite. Avec sa casquette SNCF et son allure bonhomme, il pose en photo dans Ouest-France, qui raconte la vie de cette « mémoire » de la gare de Thouars, dans les Deux-Sèvres, où il a passé une vingtaine d'années. Laurent Fortuné est un homme heureux, parce qu'il va passer, on le lui souhaite, une longue retraite. Il a 58 ans.

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L'homme n'a pas été touché par les réformes successives du régime de retraite des cheminots, que le gouvernement souhaite désormais fondre dans un système universel. Il a pu bénéficier des dispositions favorables en vigueur au moment où il est entré dans l'entreprise, il y a trente-sept ans. L'âge de départ à la retraite était alors de 50 ans pour les « roulants », 55 ans pour les sédentaires. Désormais, depuis les réformes de 2008 et 2014, l'âge de départ est reculé : un conducteur de train né avant 1967 peut faire valoir ses droits à 50 ans et 8 mois (quatre mois par an sont ajoutés depuis 2016), et un agent sédentaire né avant 1962 à 55 ans et 8 mois (même règle d'ajout de mois tous les ans). En 2024, par le biais de ces mois additionnés, l'âge de départ à la retraite sera de 52 ans pour les roulants, et 57 ans pour les sédentaires.

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Un départ à la retraite six ans avant le salarié moyen

Mais, pour toucher l'intégralité de la pension, un agent né après 1981 devra avoir cotisé 172 trimestres, soit 43 ans. Les cheminots ont donc beau jeu de défendre leur système de retraite en arguant que, de toute façon, presque personne ne peut partir à 50 ou 55 ans, sauf à perdre de l'argent (une décote de 0,125 % est désormais appliquée par trimestre manquant). L'argument est recevable. D'ailleurs, selon la Cour des comptes, l'âge moyen de départ à la retraite à la SNCF est de 56,9 ans en 2017. Il reste pourtant largement en deçà de l'âge moyen de départ à la retraite du régime général, qui s'approche de 63 ans. Une différence, donc, de près de six années.

Lire aussi SNCF : le coût faramineux des billets gratuits des cheminots

Les syndicats de cheminots justifient cet écart par la pénibilité de certains métiers et, donc, par une durée de vie raccourcie par rapport aux travailleurs du privé ou de la fonction publique. L'espérance de vie d'un cheminot après 60 ans est pourtant, selon la Cour des comptes, de 22,1 ans, contre 22,4 ans pour la population française. Un cheminot peut donc passer potentiellement 25 ans à la retraite (trois ans entre la quille et 60 ans, plus vingt-deux ans après 60 ans), contre 19,4 ans pour un Français moyen.

De surcroît, grâce à un calcul de sa pension fondé sur les six derniers mois de son salaire (auquel on ajoute certaines primes), le retraité de la SNCF touche selon la Cour des comptes 2 636 euros (brut) par mois pour une carrière complète, soit beaucoup plus que le retraité français moyen (1 496 euros, selon la Drees). Du côté de la SNCF, on avance le chiffre de 2 112 euros pour la pension mensuelle brute moyenne. Le taux de pension est de 75 % à la SNCF, c'est l'intérêt principal, contre 50 % dans le régime général. Si l'on prend le montant, plus juste, de la pension médiane (autant de retraités touchant plus et moins que ce chiffre), on tombe à 1 887 euros brut. À noter que les conducteurs de train sont particulièrement bien lotis : leur pension, si l'on prend l'hypothèse qu'ils ont cumulé tous leurs trimestres, s'élève à 3 156 euros par mois en moyenne.

3,3 milliards versés par l'État

Leur régime spécial leur offre d'autres avantages, comme une allocation versée en fin de carrière (un mois de salaire en gros) ou en cas de décès (un an maximum de rémunération). Mais les réformes de 2008 et 2014 ont plutôt amenuisé d'autres droits par rapport au régime général. La pension de réversion en cas de décès du retraité est par exemple de 50 %, contre 54 % dans le privé ; elle est par ailleurs suspendue si le conjoint survivant se remarie, alors qu'elle est maintenue dans le régime général. Autre exemple, un enfant né après le 1er juillet 2008 ne donne droit qu'à deux trimestres, contre quatre dans le régime général.

Ces quelques « désavantages » ne compensent pas le coût général du régime de retraite des cheminots. La démographie est trop déséquilibrée : il compte 140 000 cotisants pour 250 000 pensionnés. Chaque année, l'État est donc obligé de verser une subvention dite « d'équilibre », qui couvre 61 % des pensions versées aux cheminots retraités. Il faudra sans doute continuer à la verser pour compenser le déséquilibre démographique, quelle que soit la réforme adoptée. Mais cette somme couvre aussi les avantages que ce régime procure encore à ses pensionnés. Et son montant fait pâlir. En 2019, l'État devait verser à la SNCF une « subvention d'équilibre » de 3,3 milliards d'euros.

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Commentaires (28)

  • Stam 44

    Merci d'étaler sur la place publique tous ces entrelacs syndicaux, ces micmacs corporatistes qui font que je reste sans voix, tant la démonstration est édifiante. De plus, comment ne le serait-elle pas, si on met en comparaison les pensions des conducteurs de cars, de camions PL, semi remorques... ?
    Parce ce qu'aligner ces chiffres effarants des pensions perçues par les agents de la SNCF, de la RATP, EDF, etc. , qui sont, dois-je le rappeler des salariés des services publics, sans les comparer à ceux du Privé, ce serait passer sous silence ces injustices flagrantes.
    Mais certainement que mon propos à charge risque encore de choquer les oreilles si sensibles, ou plutôt la vue si acérée de la censure du Point. D'ailleurs, par quelle étrange coïncidence en viens-je à évoquer le Journal le Point quand vient sur le tapis celui du montant du "point-retraite du régime des retraites...

  • HOLLYWEB

    Macron et Philippe, tenez bons !

  • Pschitt43

    Mon père est rentré à la SNCF à 22 ans, il a pris sa retraite à 57 ans, plus tard qu'il aurait été en droit de la faire, ceci pour financer les études supérieures de son plus jeune fils, moi, après 2 autres. Il est décédé en pleine santé à 97 ans. Bilan 35 ans d'activité et de cotisations et 40 ans de retraite... Et comme il disait en rigolant à ses enfants tous dans le privé ; "mes petits, même avec vos bons salaires vous n'aurez jamais la même retraite que moi!". Rajoutez y la "caisse de prévoyance" et ses remboursements à 100% et les voyages gratuits, et le contribuable bouche à la fois le trou de la caisse de retraite et le déficit chronique de la SNCF. S'ils tiennent tant à leur retraite, qu'ils fassent comme tout le monde dans un régime par répartition, qu'ils se la payent. Que je sache, le contribuable ne met pas un sous dans l'AGIRC-ARRCO