Finkielkraut-Gilets jaunes : dessine-moi un antisémite

PARTI PRIS. Le philosophe a été évincé d'un cortège à coups d'injures antisémites. La séquence en dit long sur le climat de haine anti-juifs. Une haine assumée.

Par

Temps de lecture : 3 min

Ils l'ont vu et ils ont vu un juif. Ils n'ont vu que ça. D'abord ça. Pour eux, obsédés qu'ils sont, toujours en alerte, cette appartenance fonde tout, écrase tout, avoue tout. Peu importe qu'il soit écrivain, académicien, amoureux des vaches, ou seulement français, ou seulement un monsieur de 70 ans ; non, il est juif. Coupable. Pour eux, cette appartenance vaut adhésion au diable, à Israël, elle est maléfique, et déjà ici, aujourd'hui, « chez nous », en France, comme ils disent. On pourrait s'arrêter là, résumer ainsi l'épisode déplorable qu'a vécu samedi Alain Finkielkraut, évincé d'un cortège par... Par qui ?

Le point du soir

Tous les soirs à partir de 18h

Recevez l’information analysée et décryptée par la rédaction du Point.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Lire aussi Maeso - Les petites mains de l'antisémitisme

On les a vus nous aussi, dans cette vidéo, et on les a tout de suite reconnus : des antisémites. Ah, ces dents apparentes et ces lèvres tendues au moment d'expectorer l'injure, une permanence historique. Le vociférateur ne se cache même plus, il assume tout, fier, dans la France des années 2010. Il se dit chez lui, invoque Dieu, le peuple, plein d'aplomb, se sachant filmé. Ça, vraiment, oui, ça écrase tout. Être antisémite, c'est une vision du monde et une vision de son voisinage. Un truc préparé ou improvisé. Quand ce n'est pas un attentat, c'est au détour d'une rue, au hasard. Être antisémite, c'est y penser matin et soir, en passant devant une banque, en regardant la télé, en scrutant les noms à consonance juive et même en voyant Emmanuel Macron.

Des hurleurs de haine

Cela dit, il ne faudrait pas les jaunir hâtivement, ces antisémites, même s'ils portaient l'accessoire. Plus que jamais, pas d'amalgame !, et Finkielkraut lui-même ne le fera pas. On en a rencontré beaucoup des Gilets jaunes, depuis novembre, et tous n'avaient pas la mousse aux lèvres. Les hurleurs de haine, en revanche, n'avaient d'autre idée que de semer la terreur, de traquer ceux qu'ils considèrent comme étant la cause de leurs malheurs et de contraindre, quand leur fut offerte la divine surprise, le philosophe à rebrousser chemin, lui qui les approchait en curieux, et d'abord sans crainte, comme il l'avait fait une nuit place de la République pour voir de près les Nuit debout. Lui qui déplorait la haine de certains Gilets jaunes, mais jugeait saines leurs colères. À coup sûr, et même après le venin, les « va te faire enculer » et les « grosse merde sioniste », il ne variera pas sur ce dernier point.

Lire aussi Antisémitisme : les facs de médecine ne sont pas épargnées

Depuis le début de la mobilisation, on a vu aussi, comme l'œil de Finkielkraut aime le voir parfois, des gens aux origines diverses et d'autres bien de chez nous. Des antisémites old et new school : les uns accusent Rothschild, les autres insultent Israël. L'antisémite prend le RER, mais aussi le TER. Il n'y a pas un bon et un mauvais. Un antisémite est un antisémite, une infamie, qui prend forme aujourd'hui dans sa variante islamiste ou France périphérique. Sur les réseaux sociaux de la gauche radicale, on relativise les faits. Quand on condamne, c'est pour la forme jusqu'à ce qu'un « mais » vienne révéler la véritable visée : culpabiliser la victime. Le mouvement des Gilets jaunes est un marché dont des politiques et des intellectuels se disputent les parts. Il faut bien ça pour vivre médiatiquement, pour rejouer la chanson politique, pour régler des comptes avec son propre milieu social. Le peuple est leur construction, un coup blanc, un coup métissé, et chacun y voit ce qu'il veut y voir, y puise ce qu'il veut y puiser, et quand le rendu n'est pas conforme, que ça dégénère, il faut jouer le déni, excuser, justifier, pour que la machine reparte de plus belle et que le machiniste entretienne sa petite affaire.

Mais qu'il est compliqué, ô combien, de livrer un avis définitif sur un mouvement qui charrie autant de colères et de haines, autant de raison et de noires passions, autant de vérités et de violence. Comment faire ? La mobilisation est en baisse et par endroits elle se durcit, comme un bassin limpide qui se viderait de son eau et qui avouerait ses boues et ses mousses malodorantes. Entendez le vol noir des corbeaux. Tous les samedis, la quenelle des amis de Dieudonné est chantée dans Paris. Elle est sortie de YouTube. Elle fait rire ceux qui l'entonnent. Elle emprunte à Joseph Élie Kessel l'air du Chant des partisans.

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (57)

  • L'inconnue

    Cher Dojom : désolée, mais il me semble que vous n'avez pas encore compris le double langage de la gauche, essentiellement traduit par le journal le Monde.

  • L'inconnue

    A Bauvan. Mais quels idiots ces pauvres "petits blancs" ! Voilà qu'ils se sont pris à leur propre piege : se "fabriquer" comme "bouc-émissaire" un antisémite comme eux, bien que salafiste ! (pas de chance, toutes les caméras l'ont filmé)

  • Clicoeur

    Oui, mais quand un abcès crêve, le plus souvent, c'est un soulagement qui ouvre la voie vers la guérison. La situation d'aujourd'hui est, malheureusement, très loin de correspondre au sens métaphorique de votre expression.