Pont de Mirepoix-sur Tarn : que s'est-il vraiment passé  ?

VIDÉO. Après le drame qui a coûté la vie à deux personnes lundi, plusieurs mystères demeurent. L'enquête devra notamment déterminer si le convoi était au complet.

Par , à Toulouse

Temps de lecture : 3 min

L'enquête sur l'effondrement du pont de Mirepoix-sur-Tarn est en cours, mais le procureur de la République Dominique Alzeari est déjà formel sur un point : le camion qui s'est engagé imprudemment sur cet ouvrage suspendu, limité aux véhicules de 19 tonnes, dépassait largement le poids maximum autorisé. Décrit comme un « porte-char » par le maire de Mirepoix, il tractait une remorque chargée d'une foreuse pesant à elle seule une trentaine de tonnes. L'engin dans son ensemble pesait donc exactement 50,4 tonnes, a révélé le magistrat. Le procureur se basait sur la perquisition menée dès lundi au siège de la société Puits Julien, spécialisée dans les forages et propriétaires du véhicule. Cette entreprise familiale, rachetée l'an dernier par un ancien joueur de rugby de Bessières avec un associé de la commune, avait déménagé ses locaux dans la zone industrielle située juste en face du pont de Mirepoix.

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Quid du troisième véhicule  ?

Selon le procureur, le poids lourd conduit par le nouveau gérant de l'entreprise circulait « en convoi » avec deux autres véhicules de la société. Un employé, qui se trouvait dans un deuxième camion suivant le porte-char, aurait même klaxonné et lancé des appels de phares à son patron lorsqu'il s'est aperçu du danger. En vain. Un troisième véhicule, « une fourgonnette blanche », précise le procureur Dominique Alzeari, aurait fermé la marche du convoi. S'agit-il de la fourgonnette décrite par certains témoins et qui avait été un temps portée disparue lundi matin, dans l'affolement de la catastrophe ?

L'épilogue tragique de cette histoire aurait-elle pu être différente si cette fourgonnette avait ouvert la voie aux camions, comme cela se pratique pour des convois exceptionnels  ? À ce stade de l'enquête, le mystère demeure. Toujours est-il que la Renault Clio blanche qui arrivait en sens inverse aurait en effet été contrainte de faire marche arrière en apercevant le camion s'avancer (avant de basculer dans le Tarn), précise La Dépêche du Midi. La conductrice, infirmière, se trouve toujours à l'hôpital, en état de choc alors que sa fille de 15 ans a été retrouvée morte, noyée.

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La préfecture et le parquet se renvoient la balle

En réalité, la réglementation n'impose la présence d'un véhicule « pilote » devant les convois exceptionnels qu'à partir de la deuxième catégorie, c'est-à-dire pour les gabarits supérieurs à 3 mètres de large (et jusqu'à 20 mètres de long, tout en ne dépassant pas un ensemble de 48 tonnes, NDLR). Cela pose la question du gabarit du convoi, en plus de son poids. L'enquête devra aussi déterminer si une voiture pilote était nécessaire en raison de sa largeur, et s'il était possible pour un poids lourd de croiser un véhicule léger sur le pont de Mirepoix. Quoi qu'il en soit, le Code de la route imposait de déposer une demande d'autorisation préfectorale avant de prendre la route. Interrogée pour savoir si la société Puits Julien disposait d'une telle autorisation, qui peut être délivrée pour une durée maximale de trois ans sans avoir à déposer de demandes d'itinéraire au cas par cas, la préfecture renvoie la balle au parquet, « s'agissant d'une affaire en cours ».

Les enquêteurs auront du mal à savoir pourquoi le conducteur, décédé dans l'accident, a choisi de passer sur le vieux pont de Mirepoix plutôt que sur le nouveau de La Magdeleine, à seulement quelques kilomètres en aval. Mardi, un engin de levage a sorti la Clio du Tarn depuis la rive droite, devant un public de curieux, tenus à distance par des policiers municipaux et des gendarmes. Il faudra plus de temps et un engin plus puissant pour dégager la carcasse du poids lourd et son chargement depuis la rive gauche. Le drame de Mirepoix-sur-Tarn pose moins la question de l'état des ponts en France que de l'organisation des transports lourds. La réglementation sur les convois exceptionnels a été « simplifiée » en 2017, après une expérimentation menée dans la région Nord–Pas-de-Calais. Voilà longtemps que les motards de la gendarmerie nationale n'encadrent plus ces convois sur les routes.


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Commentaires (33)

  • Le sanglier de Génolhac

    Je sais tout ça pour avoir rempli moult demandes d'autorisation pour des T. E cat. 2 et 3. Dans les 2 cas, le service instructeur vous donne un itinéraire qu'il suffit de suivre, ainsi que les prescriptions propres à chaque département traversés. Car chacun a (hélas ! ) les siennes. En plus, mes convois étant le plus souvent en classe 7 de l'A. D. R (radioactif), vous imaginez bien que l'improvisation n'était pas de mise. Surtout avec dans la plupart des cas les motards devant et parfois derrière. Non, la question à laquelle je cherchais réponse était de trouver une grille simple d'explication. J'ai également fait assez d'épreuves de ponts pour discerner la charge roulante de la charge statique. Lecture faite, je suis resté sur ma faim. Mais bon, je suppose qu'il y a bien des gens à occuper. Dans un autre ordre d'idée, lisez le P. C d'un conducteur super lourd et dites moi ce que vous comprenez.

  • FIK6T

    L'enquête semble se limiter aux circonstances de l'accident lui même. C'est un premier pas indispensable évidemment.
    Mais il faudra aussi étendre cette enquête pour mettre en évidence le laxisme qui a permis à cet accident de se produire.
    Et en tirer les conséquences.

    L'entreprise et le chauffeur devront être lourdement sanctionnés. Mais la chaîne des sanctions devra être étendue à celles et ceux qui ont laissé faire depuis des années, que ce soit du côté de la municipalité, de la préfecture ou de la gendarmerie... Il est hélas probable que tout ce petit monde va se serrer les coudes pour se trouver des excuses.

    J'ai cru comprendre qu'un retraité avait déjà signalé le passage de poids lourds sur ce pont. Quelqu'un sait il quelque chose sur ce point ?

    Au passage, je signale à Gaétan Castelnau de Montmirail le 22/11/2019 à 09 : 36, que je suis d'accord avec l'ironie mordante de son commentaire.

  • Jean-Louis

    ... Vous voyez encore les choses du côté du "verre à moitié plein", je l’espère... , oubliant simplement de lister aussi : Ports maritimes, aéroports, dont toutes les installations logistiques sont sous subordination syndicale surannée, datant des années 1936...

    Et c’est ici la principale motivation de l’exil de la plupart des grandes entreprises françaises, par forcément très loin... , beaucoup de celle-ci ont jeté leur destinée sur l’accueillante Hollande, et à cet égard là, hier dans l’article du Point -" Rail, route, airs... Qui fera grève le 5 décembre? "- j’énumérai les plus connues de tous nos compatriotes, illustrant l’avanie faite à une France engoncée dans son étroitesse de vue, sans futur... Et c’est cela qui angoisse le plus...

    GDF Holding, Renault, Thales, Total, Altran, Airbus Group, ArcelorMittal, Faurecia, Capgemini, Publicis, Accor, Arkema, Cartier, Gemalto, Unibail-Rodamco, Bongrain, Limagrain, Louis Dreyfus, Bonduelle, Danone, Auchan en Belgique, et maintenant PSA-Fiat-CA...

    Et finalement ce qui pourrait nous désangoisser est de comprendre que la diète d’activités économiques françaises, résultante du départ de toutes celles nommées ci-dessus et leurs petites sœurs, aura aussi une fin... Funeste ? Certainement à l’image de ce "Crépuscule des Dieux", car niant jusque là leur participation directe au réchauffement climatique... , décampant bien avec des œillères, ne voulant guère l’admettre... Un réchauffement climatique, contre vents et marées, qui accroit sensiblement d’heure en heure la montée des eaux des Mers du monde...

    Leur futur, proche ?, sera très probablement bien pire que "Venise sous les eaux " puisque ces terres hollandaises gagnées sur ces mers se trouvent déjà en dessous de l’ancien zéro absolu géodésique, protégées par de pharaoniques travaux d’endiguement, travaux sans fin maintenant, qui les conduira forcément à abonder une ligne de crédits sur leurs bénéfices, pour se protéger.