Fraude fiscale : Cahuzac devrait échapper à la prison
La cour d'appel de Paris a condamné mardi l'ancien ministre du Budget à quatre ans d'emprisonnement, dont deux avec sursis, et 300.000 euros d'amende pour fraude fiscale et blanchiment. Le juge d'application des peines devra se prononcer sur les modalités d'exécution des deux ans ferme.
« J'ai peur d'aller en prison », avait expliqué Jérôme Cahuzac au premier jour de son procès en appel, au mois de février. Mais il n'est pas facile d'attendrir la cour d'appel et le président Dominique Pauthe… en apparence du moins. Pendant près d'une heure, le magistrat va lire les considérants de l'arrêt. Une vision cinglante, qui ne trouve pas d'excuse au comportement de l'ancien ministre du Budget, détenteur de comptes cachés à l'étranger. Cependant, le président n'ira pas jusqu'à confirmer la peine de trois ans d'emprisonnement prononcée en première instance, s'en sortant par une pirouette : augmenter le quantum - quatre ans d'emprisonnement - mais en l'assortissant de deux ans de sursis. La peine de deux ans ferme devient donc, en théorie, aménageable. Jérôme Cahuzac pourrait éviter l'emprisonnement.
En fait, tout se passe comme si Dominique Pauthe avait eu peur d'aller jusqu'au bout de son raisonnement. Certes, dit-il, le « comportement [de Jérôme Cahuzac, NDLR] heurte le principe républicain d'égalité devant l'impôt qui devait être au centre de ses préoccupations d'élu et de ministre ». Certes, celui-ci « a persisté dans le mensonge ». Certes encore, « la mesure de la sanction doit s'apprécier au regard de la fraude […] dont il était le pourfendeur alors qu'il en était l'un des acteurs ». Le président ne croit pas plus à la thèse d'un financement caché de la vie politique pour Michel Rocard avancé par l'ancien ministre en première instance, « des déclarations contradictoires avec ses premières déclarations que rien ne vient corroborer ».
Dominique Pauthe semble suivre son raisonnement et confirme en tous points la culpabilité de Jérôme Cahuzac : coupable de fraude fiscale et de blanchiment, ainsi que d'avoir dissimulé ses revenus à la Commission pour la transparence financière de la vie politique, « Jérôme Cahuzac ne pouvait ignorer [qu'il commettait un délit, NDLR] compte tenu de la réitération des faits et de son statut d'élu », note le magistrat, qui conclut que « le recours à l'emprisonnement est pleinement justifié au regard des faits et de leur ampleur. Toute autre peine serait inadéquate ». Et pourtant, en assortissant la peine de quatre ans de prison de deux ans de sursis, le magistrat semble ouvrir la porte à un aménagement de peine.
Il passe en fait la patate chaude au juge d'application des peines, qui va devoir maintenant se prononcer avec le message fortement négatif envoyé par la cour. Pas si simple. Pour faire bonne mesure, l'arrêt ajoute à la condamnation 300.000 euros d'amende (le couple Cahuzac avait dissimulé plus de 3,5 millions d'euros) et confirme les cinq ans d'inéligibilité prononcés en première instance.
Valérie de Senneville