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Laurent Joffrin lance un mouvement pour «catalyser» la refondation de la gauche

A l'initiative du collectif «Les Engagé.e.s», l'éditorialiste qui quitte «Libération» appelle à la création d'une «force centrale» capable d’«englober» les formations de la «gauche historique». Objectif : offrir une alternative de progrès à un duel Macron-Le Pen en 2022.
par Dominique Albertini et Albert Facelly
publié le 20 juillet 2020 à 15h42

L'idée, a-t-il convenu, n'est pas neuve ; mais il la croit indispensable à une «gauche démocratique» sur le point «de s'effacer». L'ex-directeur de la rédaction de Libération, Laurent Joffrin, a appelé ce lundi à la formation d'une «force centrale» capable d'«englober» les «formations de la gauche historique». Baptisé «Les Engagé.e.s», le collectif qu'il a fondé se propose d'élaborer un «projet alternatif», susceptible d'être endossé, l'année prochaine, par un éventuel candidat commun. Rôle que François Hollande n'est «pas plus que d'autres» en situation de tenir pour le moment, a tenu à préciser Laurent Joffrin, que l'on sait proche de l'ancien chef de l'Etat.

L'ex-journaliste, qui a quitté toutes ses fonctions au sein de Libération, s'est présenté comme le «catalyseur» du projet. Parmi ses quelque 140 signataires figurent l'actrice Agnès Jaoui, le chanteur Benjamin Biolay, la journaliste Laure Adler, le sociologue Michel Wieviorka ou encore l'urgentiste Patrick Pelloux – les politiques ayant été, à ce stade, délibérément contournés.

«Question prématurée»

«Il faut faire gagner la gauche, pas pour occuper le pouvoir, pas seulement pour faire partir Macron», mais pour mettre «le pays sur une voie nouvelle», a-t-il expliqué ce lundi matin, lors d'une conférence de presse. Laurent Joffrin voit notamment raison d'espérer dans les dernières municipales où, dans plusieurs métropoles, la gauche a réalisé «des scores tout à fait inattendus sur la base d'une union équilibrée» entre ses composantes. Mais «ces conditions ne sont pas réunies au niveau national», a-t-il regretté, décrivant le «scénario qui s'écrit» : «Il y aura un, deux ou trois candidats méritants […] qui vont faire un score un peu court, et au deuxième tour on va se retrouver avec Marine Le Pen et Macron, ou un duel droite-extrême droite».

Le nouveau mouvement, dont la convention constitutive se tiendra début 2021, organisera des «assises sociales et écologiques». Ses adhérents, poursuit l'appel, «choisiront ensuite leurs représentants et élaboreront à partir des contributions de tous, le projet de transformation qui manque à la France et qui devra trouver son incarnation en 2022». Interrogé sur l'identité de ce possible candidat, Laurent Joffrin s'y est déclaré indifférent : «La question est prématurée, elle se posera dans un an», a-t-il éludé, jugeant qu'à ce stade, «personne n'est en situation» d'incarner un tel projet.

Laurent Joffrin lors du lancement des Engagé.e.s à Paris ce lundi.

Photo Albert Facelly pour

Libération

«Ce n’est pas à 68 ans…»

L'ex-directeur de Libération a pourtant dû contester toute entente préalable avec François Hollande, qu'il a averti de son initiative, et dont il est soupçonné de préparer le retour. Son initiative serait la «démonstration que François Hollande n'est jamais loin de la politique», a ainsi commenté ce lundi le ministre des Comptes publics, l'ex-socialiste Olivier Dussopt. «Ce n'est pas à 68 ans que je vais commencer une carrière de marionnette», s'est défendu Joffrin, soulignant que «les signataires ont des préférences diverses» et se déclarant étranger à la «cuisine interne» du Parti socialiste.

S'il a souhaité le rassemblement «le plus large possible», l'éditorialiste a déclaré sa préférence personnelle pour le modèle social-démocrate. «Vous avez une gauche radicale et une gauche écologique, qui ont toutes les deux leur légitimité […] mais elles restent à mon avis impuissantes ou insuffisantes, si l'autre gauche, de la réforme, de l'action, du réalisme, n'est pas assez forte», a-t-il jugé. Opposant cette dernière à la «gauche radicale qui donne souvent des leçons» : «Où sont les créations, les institutions, les acquis qu'on lui doit à elle ? Il n'y en a pas beaucoup, parce qu'elle ne gouverne pas.»

Photo Albert Facelly pour

Libération

«Equilibres»

Le projet est observé avec circonspection par les partis de gauche qu'il se propose de réunir. Joffrin a notamment reconnu avoir reçu un accueil «réservé» chez le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. «Ils pensent peut-être que cela va modifier les équilibres du parti», a-t-il regretté, lui opposant que «les socialistes ont voté plusieurs motions souhaitant que les partis se dépassent». Il est vrai aussi que le projet succède à bien des initiatives similaires, comme l'a noté une autre signataire, la politologue Géraldine Muhlmann : «Je sais quelle ironie peut provoquer le projet de refonder la gauche. Je ne serais pas capable de donner le nombre de cercles que j'ai connus, depuis que je suis étudiante, et qui se sont donné cet objectif.»

L'initiative de Laurent Joffrin avait aussi suscité les réserves des équipes de Libération, dont les salariés de Libération (signataires du communiqué) ont jugé «ce nouvel engagement personnel incompatible avec la poursuite de toute activité éditoriale» au sein du journal.

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