« On aurait dû tout arrêter » : les confessions explosives de Buzyn sur les municipales en plein coronavirus

Agnès Buzyn, le 12 février 2020, à Paris.

Agnès Buzyn, le 12 février 2020, à Paris. ALAIN JOCARD / AFP

L’ancienne ministre de la Santé affirme dans un entretien au « Monde » avoir averti le Premier ministre sur l’impossibilité de tenir les élections munipales en pleine crise du coronavirus.

L’épidémie de coronavirus en France aurait-elle pu se dérouler autrement ? C’est une possibilité qu’a laissé entrevoir l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn, dans un entretien déconcertant paru ce mardi 17 mars sur le site du « Monde », dans lequel elle s’est livrée sur sa difficile course à la mairie de Paris... mais aussi sur son appréhension de la crise sanitaire que traverse la France depuis plusieurs semaines.

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Comme désireuse de s’enlever un poids des épaules, l’ancienne ministre se livre dans des confessions accablantes, expliquant notamment avoir prévenu Emmanuel Macron et Edouard Philippe des risques du coronavirus dès le mois de janvier.

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« Quand j’ai quitté le ministère [de la Santé pour remplacer Benjamin Griveaux le 16 février dernier, NDLR], je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous », confie-t-elle. « Je suis partie en sachant que les élections n’auraient pas lieu. »

Car dès le mois de janvier, avant même l’éclatement de l’affaire Griveaux et son remplacement au pied levé, Agnès Buzyn dit avoir entrevu la crise qui se profilait :

« Je pense que j’ai vu la première ce qui se passait en Chine : le 20 décembre, un blog anglophone détaillait des pneumopathies étranges. J’ai alerté le directeur général de la santé. Le 11 janvier, j’ai envoyé un message au président sur la situation. Le 30 janvier, j’ai averti Edouard Philippe que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir. Je rongeais mon frein », lâche-t-elle.

« C’était une mascarade »

L’ancienne ministre explique avoir remplacé Benjamin Griveaux au pied levé car elle ne voulait pas « laisser La République en marche (LREM) dans la difficulté ». Mais le cœur, n’y est pas, contrairement à ce qu’elle avait affirmé alors.

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Agnès Buzyn va jusqu’à révéler qu’elle était contre la tenue du premier tour des élections municipales. « Depuis le début je ne pensais qu’à une seule chose : au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade », avoue-t-elle. « La dernière semaine a été un cauchemar. J’avais peur à chaque meeting. J’ai vécu cette campagne de manière dissociée. »

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La candidate continue pourtant sa campagne, va voter le dimanche. Jusqu’au lundi, lorsqu’elle annonce suspendre sa campagne, sans attendre les directives LREM, « en raison de la situation sanitaire et dans les hôpitaux ». Ce soir-là, elle s’effondre, raconte « le Monde » : « des larmes lourdes, de fatigue, d’épuisement, mais aussi de remords », selon le quotidien.

L’ancienne ministre reconnaît des erreurs, notamment cette petite phrase, lâchée le 24 janvier : « Le risque de propagation du coronavirus dans la population est très faible. » « Bien sûr, je n’aurais pas dû prononcer ces mots, concède-t-elle. Mais avant de partir du ministère, j’avais tout préparé, malgré une inertie… »

Agnès Buzyn réfléchit à son avenir politique, qui s’annonce compliqué au vu de son score au premier tour des municipales à Paris (elle est 3e derrière Anne Hidalgo et Rachida Dati). Celle qui est également une hématologue réputée songe aussi surtout au présent, à la crise : « Je dis toujours : Ministre un jour, médecin toujours. L’hôpital va avoir besoin de moi. » Et de prédire « des milliers de morts » du coronavirus sur le territoire.

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Buzyn regrette le mot « mascarade »

Relayé sur les réseaux sociaux, l’entretien a déclenché un flot de réactions, mi-abasourdies mi-indignées. Sur Facebook, le chef de fil de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a jugé ces propos « consternants ». « Il est impossible de laisser passer sans rien relever », a-t-il estimé, appelant à ce que les propos d’Agnès Buzyn sur ses avertissements de janvier soient vérifiés.

« Cette interview est lunaire. Une ancienne ministre de la santé ne devrait pas dire ça », écrit de son côté sur Twitter la sénatrice et ex-ministre des Familles et des droits des femmes Laurence Rossignol.

Dans un communiqué en fin d’après-midi, Agnès Buzyn a confirmé avoir alerté le Premier ministre sur l’épidémie en Chine, tout en regrettant le mot « mascarade » au sujet de la tenue des élections municipales.

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