Le numéro un de la CGT, Philippe Martinez (c), défile à Paris pour réclamer des hausses de salaires, le 14 décembre 2018

Le chef de file de la CGT, Philippe Martinez, en lice pour un nouveau mandat, a touché au total 55 000 euros l'an passé. 6000 euros en plus qu'en 2017. En photo: lors du défilé à Paris pour réclamer des hausses de salaires, le 14 décembre 2018.

afp.com/Christophe ARCHAMBAULT

C'est peu connu : la CGT gère aussi des "filiales", comme une entreprise privée. La puissante fédération des métallos - dont est issu son secrétaire général, Philippe Martinez - possède ainsi la maternité parisienne des Bluets et trois centres de réadaptation professionnelle (CRP). Ces quatre établissements sont gérés au travers de l'association Ambroize Croizat (AAC), présidée par un proche du chef de file de la CGT, Yves Audvard.

Publicité

Les crises financières s'y succèdent et la gestion de la maison mère va souvent à l'encontre de ce que prône la CGT au niveau national. Les établissements étaient au bord du gouffre financier fin 2018. La directrice générale de l'AAC, Jacqueline Garcia, évoquait un risque de redressement judiciaire, voire de liquidation. Un plan social a été mis en oeuvre et on a demandé aux salariés de se serrer la ceinture.

Le loyer de l'hôpital finance la CGT

La faillite a été évitée grâce à l'agence régionale de santé (ARS) qui a injecté un million d'euros dans les caisses de l'hôpital fin 2018 et lui aurait concédé une avance de trésorerie de 1 657 000 euros le 1er mars. Cette perfusion d'argent public ne passe pas auprès des équipes des Bluets. Selon ces dernières, la mauvaise santé financière de la maternité est la conséquence du coût trop élevé du loyer reversé au propriétaire des murs, la fédération des métallos : plus d'un million d'euros par an.

REPORTAGE >> Tension aux Bluets: le patron détesté, c'est la CGT

La controverse n'est pas nouvelle : le montant élevé du loyer était déjà dénoncé il y a quelques années par l'ARS alors qu'elle soutenait financièrement l'hôpital. Mais la CGT refuse de le revoir à la baisse. Et pour cause, "[ce loyer] contribue au financement de plusieurs postes de permanents de la fédération pour l'activité syndicale", relève l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport au vitriol sur la gestion de la maternité par l'association Ambroize Croizat.

"Un salaire déraisonnable"

Cette situation comptable alarmante n'empêche pas les militants du syndicat détenant des postes clés dans les structures d'AAC de s'octroyer de jolis salaires. Également directrice du Centre de réadaptation professionnelle (CRP) Jean-Pierre Timbaud à Montreuil (93), Jacqueline Garcia touchait 6853 euros brut par mois en 2018, alors que l'établissement affichait un résultat comptable négatif de près d'un million d'euros en 2017. "Un salaire déraisonnable", s'étrangle un cadre de la maison. À titre de comparaison, le salaire médian d'un directeur d'EHPAD, un poste équivalent, est de 3750 euros brut.

TÉMOIGNAGE >> "Il veut être cadre, la CGT le vire"

Directrice du CRP Suzanne Masson depuis 2015, la compagne de Philippe Martinez, Nathalie Gamiochipi, percevait, elle, 6021 euros brut mensuels en 2018. Cette rémunération fait grincer des dents en interne. "Quand elle est arrivée, elle disait ne rien connaître aux finances et qu'elle 'attend[ait] que ses collaborateurs lui apprennent', se souvient, amer, un employé de l'établissement. Elle n'a rien à faire, ce sont les cadres qui font tout." La preuve selon lui ? Lors du départ brutal du directeur de l'hôpital des Bluets, elle a assuré la transition avec la nouvelle direction tout en continuant à suivre une formation continue deux jours par semaine : "Si elle avait vraiment été occupée, elle n'aurait pas pu."

6000 euros de bonus pour Philippe Martinez

Plus surprenant, si l'on se fie au rapport de l'Igas, la maternité financerait donc indirectement le salaire du secrétaire général de la CGT lui-même, Philippe Martinez, en lice pour un nouveau mandat. Selon la centrale syndicale, il a touché 4230 euros brut mensuels sur 13 mois en 2018, soit au total 55 000 euros sur l'année, 6000 euros de plus que l'année précédente.

Selon cette dernière, la différence entre 2017 et 2018 s'explique "par les primes que l'entreprise Renault verse ou non à ses salariés". Employé par Renault, Philippe Martinez est payé par la fédération des métallos, qui se ferait rembourser par la confédération nationale. "La CGT a l'habitude de rémunérer ses représentants en calquant la politique salariale de l'entreprise à laquelle ils sont rattachés", explique un observateur. Chez Renault, un ETAM (employé, technicien et agent de maîtrise) "moyen" - le statut de Philippe Martinez - qui travaille au technocentre toucherait entre 5500 et 6000 euros de primes : 3000 à 3500 euros d'intéressement groupe, 1200 euros d'intéressement local, entre 500 et 1000 euros liés à la performance individuelle et 300 euros venant de la récente prime défiscalisée. Philippe Martinez aurait donc également bénéficié de la prime Macron !

Contactées par L'Express, Jacqueline Garcia et Nathalie Gamiochipi précisent qu'elles n'ont "plus aucune responsabilité syndicale".

Publicité