La discrète mise en place des Sociétés Publiques de Corruption

Ce que vous lirez ici, vous ne le lirez que très peu ailleurs. Polygamie, burquas, rumeurs élyséennes, pignouferies constantes de la presse : les journalistes moyens (très moyens) sont bien trop occupés à relayer les clowneries des politiciens moyens (très très moyens) pour nous relater ce qui se passe en douce, à l’Assemblée. Et c’est donc dans la plus parfaite discrétion que les collectivités locales françaises sont en train de s’affranchir de tout contrôle financier.

Quand on commet un forfait, rien n’est plus nécessaire que la discrétion. Il n’est rien de plus idiot que de se faire gauler, en train de mettre à sac une banque aux coffres juteux, parce qu’on aura bêtement laissé sa radio branchée à fond sur une musique braillarde, histoire de donner du rythme à la perforation de coffres.

Cette fois-ci, ce n’est pas la radio qui a trahi les cambrioleurs à la petite semaine. Ce n’est pas non plus l’un de ces nombreux journalistes vigilants et citoyen, engagé et prompt à partir en flammes lorsqu’une veuve ou un orphelin se voient spoliés de leurs droits. Non. Trop occupés : il en va du droit inaliénable des Français à la polémique sur la burqua ou la fessée !

Ceux qui découvrent l’affaire ne sont pas les vigilants habituels.

C’est, d’un côté, un think-tank plutôt libéral, qui s’est scandalisé du passage d’une telle loi. De l’autre, il s’agit d’un haut fonctionnaire qui, malgré une certaine lucidité puisqu’il a dénoncé le vote d’une telle aberration, ne peut s’empêcher une certaine naïveté vis-à-vis de la politique (on y reviendra).

Mais avant d’aller plus loin, de quoi s’agit-il ?

Ce nouvel édifice élevé à la gloire du pillage des fonds publics par la caste politicienne est construit autour de la notion de Société Publique Locale. La loi est disponible in extenso ici.

Cette création juridique, société de droit privé dont une ou plusieurs collectivités publiques sont propriétaires à 100 %, permettra aux élus de ces collectivités locales d’exploiter « des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d’intérêt général », ce qui veut surtout dire placer pas mal de choses sous le giron connu du code du commerce.

Or, ce placement se traduit par une exemption des contrôles réguliers des chambres régionales des comptes. Cela veut aussi dire – détendez-vous, ce n’est que votre argent, après tout – que les règles de passation de marchés publics ne s’appliquent plus. Cela veut aussi dire qu’on peut abandonner le principe de séparation de l’ordonnateur et du payeur.

Mais ne vous inquiétez pas, messieurs dames : cette cascade a été minutieusement préparée par l’habituelle équipe de fins acrobates qui vous dirige depuis plus de trente ans ! Surtout, n’essayez pas cela chez vous, à la maison ! Cela pourrait entraîner des contrôles fiscaux et des faillites graves ! Comprenez bien que les exercices comptables qui vont suivre consisteront à cramer de grosses quantité de cash obtenues par la force, mais ces exercices ont été répétés de nombreuses fois !

Oui, rassurez-vous, il n’y a aucune espèce d’improvisation dans ce genre de pillage tranquille de notre économie et de nos petites économies. Il s’agit bel et bien de la suite logique de tout ce que vous avez déjà vu. Et l’apparente facilité avec laquelle nos artistes politiciens font passer la mesure et les entourloupes ne doit rien au hasard et tout à la longue préparation et l’excellente habitude qu’ils ont déployée des années durant : ce sont des pros, hyper-entraînés !

Ici, on peut applaudir.

Car le plus joli, c’est la prestidigitation forcenée qui va permettre, par le truchement cocasse de ces Société Publiques Locales, de transformer des dettes abyssales de collectivités territoriales en dettes abyssales d’entreprises privées, qui permettent ainsi de présenter des bilans publics reluisants.

Du Copperfield comptable à l’échelle d’un pays. Génial.

En pratique, cette loi ahurissante aboutit ni plus ni moins qu’à la suppression complète de toute forme de concurrence entre les entreprises privées pour la passation d’un marché public, ce qui revient à ériger en norme le favoritisme et le clientélisme.

On trouvera dans le texte de Marianne2 un certain nombre d’éclaircissements à ce sujet. L’auteur, un haut fonctionnaire, fait donc ici oeuvre utile en dénonçant ouvertement le passage officiel en mode Bananeraie de tout un pan de la République ; on peut cependant sourire devant sa naïveté lorsqu’il souligne ceci :

Les ultra-libéraux y verront le moyen de détricoter un peu plus le statut de la fonction publique locale – dans la passivité totale des syndicats.

Je passe sur l’expression “les ultra-libéraux” en carton qui donne une bonne idée de toute la culture politique de notre “haut” fonctionnaire, pour m’attarder sur le constat de passivité des syndicats : ceux-ci étant notoirement impliqués dans les collectivités locales, on comprend qu’avec cette notion de Société Publique Locale, ils trouveront ici moult marronniers pour venir y placer leurs copains ou, plus prosaïquement, récupérer les fonds qui risqueraient de leur manquer si, par exemple, on venait à leur imposer la publication de leurs comptes…

Pas fous, ils ont donc tout intérêt à laisser passer une telle loi.

Bref : tout indique clairement que cette nouvelle créature juridique a tout ce qu’il faut, là où il faut, pour faire vibrer l’élu. Véritable viagra juridique pour une classe politique en mal de corruption légale, on sent que cette loi va offrir toute une panoplie réjouissante de gabegies, de collusions, de copinages et de petits arrangements entre amis politiques à côté desquels les Républiques les plus pourries d’Afrique ou d’Asie, les organisations mafieuses de Sicile ou les cartels colombiens auront l’air de fêtes de villages organisées par des petits artisans handicapés.

Evidemment, si l’on ajoute le fait étrange qu’une telle proposition de loi est restée totalement oubliée par la presse et les syndicats, qu’elle a été présentée et portée par des groupes parlementaires de socialistes et communistes de gauche, et acceptée, toujours aussi discrètement, par une majorité parlementaire des socialistes de droite et un gouvernement de clowns des deux bords, on comprend qu’en réalité, ici, tout le monde y trouve son compte.

Enfin, tout le monde … Tous ceux qui se trouvent du “bon côté” des sodomisations fiscales violentes que tout ceci va entraîner à moyen terme.

En temps de crise, il fallait bien ça.

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Commentaires25

  1. raphael

    A vrai dire ces histoires de concurrence sur les marché publics c’était déjà assez bizarrement interprété. Mais alors là pour le coup, ça va être le lâché de chevaux de course.

  2. septix

    Je propose l’introduction du supplice du pal… Cela aura au moins le mérite de la franchise.
    Un point que je ne saisis pas néanmoins, s’il s’agit de société pseudo privée, en cas de perte (un euphémisme), ces entités pourront-elles être amenées à déposer le bilan ?
    Si oui, les fournisseurs vont avoir du mourron à se faire !

  3. daredevil2007

    Bonjour Hash,
    Une question me brûle les lèvres : et les lois européennes dans tout ce micmac? Est-il possible de faire condamner la France pour cette aberration?
    Maintenant, avec les super politiques qui nous gouvernent depuis des lustres, plus rien ne m’étonne – ou plutôt si : qu’ils n’y aient pas pensé plus tôt!

    1. En matière d’ “infrigements” (i.e. de procédures ouvertes la commission à l’encontre des états qui ne transposent pas les directives ou n’appliquent pas les régulations), la procédure est suuuuper-longue, suuuuuuper-compliquée et généralement n’aboutit qu’à un petit blâme après des années de contentieux. Ce qui veut dire que dans ce cas d’espèce, et surtout dans la mesure où les parlementaires se réclament justement de la législation européenne pour commettre leur forfait, que le temps qu’on fasse machine arrière, il se sera écoulé tant de temps que les habitudes seront déjà fortement ancrées.

      La seule solution est de faire tourner ce billet (et les deux autres), de faire connaître ce scandale, pour qu’il soit débouté avant le décret d’application…

      1. fifou

        On a pas le temps de parler de ca, il y a la zigounette a Hebbadj et l’horrible invasion des sarrazins en burqas a discuter…

  4. Sanksion

    C’est vrai cela, je n’y connais rien en droit des marches publiques europeen, mais il y a peut etre une norme europeenne pour nous proteger contre les collectivites locales.

  5. Omboy

    Vu sur le net :

    Un maire décide de faire repeindre la façade de la mairie. Il lance un appel d’offres.
    On lui présente 3 devis : un anglais, un allemand et un français..

    Le devis de l’Anglais s’élève à 3 millions de dollars, celui de
    l’Allemand à 6 millions, et celui du Français à 9 millions.
    Devant de telles différences, il convoque les trois entrepreneurs séparément, pour qu’ils détaillent leurs estimations !

    – L’anglais dit qu’il utilise de la peinture acrylique pour extérieurs en deux couches pour 1 million, pour les échafaudages, les brosses, équipements divers et assurances : 1 million, et le million restant c’est la main d’œuvre.

    – L’allemand justifie son devis en disant qu’il est meilleur peintre, qu’il utilise des peintures de polyuréthane en trois couches, dont le coût s’élève à 3 millions. Les échafaudages et autres matériels, équipements et assurances coûtent 2 millions, et le million restant c”est la main d’œuvre.

    – Le dernier, le français, est celui qui gagne finalement l’appel d’offres,
    Le Maire estime qu’il présente le devis le mieux justifié.
    Le Français lui a présenté comme suit :
    “Monsieur le Maire :
    · 3 millions pour vous,
    · 3 autres pour moi, et les 3 restants, nous les donnons à l’Anglais pour qu’il nous peigne la façade.”

      1. Silent bob

        oh que oui elles existent. les entreprises qui gagnent l’appel d’offre sous-traitent à fond!

  6. Nick de Cusa

    Comme l’a dit H16, lier ce billet sur tous les blogs, et en parler à tout le monde autour de soi.

    Vous n’en avez pas marre que les journalistes évitent de parler des choses qui nous menacent réellement?

  7. adnstep

    “oh que oui elles existent. les entreprises qui gagnent l’appel d’offre sous-traitent à fond!” : il y a une autre raison. Pour des raisons “d’économies”, les marchés publics sont de plus en plus centralisés, et de plus en plus gros. Le corollaire c’est que de moins en moins d’entreprises sont capables de répondre à l’appel d’offre. Et donc elles se partagent le marché : ce coup ci c’est moi, le coup prochain, c’est toi. Et les petites entreprises sont bien obligées d’en passer par la sous-traitance pour avoir une part du marché. A des conditions qui leur font parfois perdre du pognon.

  8. Cultilandes

    Avant d’avoir à leur disposition les sociétés privées, nos chers élus ont déjà les sociétés d’économie mixte et une myriade d’associations pour détourner les règles et l’argent publics.

  9. alex6

    De toutes facons il n’y aura bientot plus d’argent dans le sac,… same player try again!

  10. Laetitia

    Encore une magouille pour tenter de berner les marchés financiers au sujet de la dette (d’ailleurs, si on les balançait? Ça serait bon que la presse financière en fasse sa Une, au moins une journée).

    Genre “ah vous voyez, on gère bien notre argent, nos collectivités ont arrêté les déficits blablabla”

    Sauf que dans le genre je-trafique-mes comptes-et-je-filoute-à-tout-va, les grecs ont tenté, et maintenant tout le monde leur crache dessus. D’ailleurs il me semble que l’Allemagne n’a toujours pas très envie de les sauver.

    Et la Fraônccccce, toute bardée des dirigeants intelligents et de bonne volonté que nous connaissons, accélère volontairement sur la même route glissante pour finir dans la même fosse à purin.

  11. simple citoyen

    Merci de ce billet H, comme beaucoup d’entre nous, je n’en savais rien.
    Cela dit, voilà des années que les socialistes tentent par tous les moyens d’imposer leur modèle économique au niveau local, et s’organisent pour rendre aussi inefficace que possible les décisions nationales qui iraient contre cette menée.
    L’expression systématique du déni de légalité, que l’on connaissait déjà pour d’autres aspects de la vie publique, se double maintenant d’une capacté réelle non seulement, comme vous le signalez, de sanctuariser le pouvoir discrétionnaire des collectivités locales, mais également maintenant de faire une concurrence déloyale au secteur privé.
    Comment ne pas y voir la dernière étape avant une socialisation et une collectivisation de fait de toute l’activité économique, hormi peut-être les grands groupes à forte assise internationale?
    Dernière question: y aurait-il eu un pacte tacite entre majorité et opposition sur ce texte, les collectivités locales majoritairement de gauche y trouvant très largement leur compte, la majorité évitant de son côté d’avoir à se prononcer sur la dérive financière (et leur illégalité) des départements?

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