Longtemps cible de violentes critiques sur ses dysfonctionnements, le RSI tente d'améliorer son image exécrable auprès des indépendants.

Longtemps cible de violentes critiques sur ses dysfonctionnements, le RSI tente d'améliorer son image exécrable auprès des indépendants.

Getty Images/EyeEm

Dire que l'on travaille au RSI n'a pas forcément bonne presse. Bernard* en sait quelque chose. Régulièrement, des indépendants dénoncent les manquements et les aberrations du régime social auquel ils sont affiliés. En 2014 et 2015, plusieurs manifestations hostiles au RSI ont été organisées dans le pays. Des témoignages d'indépendants, artisans ou commerçants criant leur ras-le-bol envers leur régime social font régulièrement la une de la presse locale ou nationale.

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Bernard se souvient de moments noirs. "Il y a eu de très gros bugs, c'est évident", admet celui qui est en poste dans le Nord-Pas-de-Calais depuis 2006, date de la fusion de l'assurance-maladie des professions non salariées non-agricoles avec les assurances vieillesses et invalidité-décès des artisans et des commerçants. "La réforme, survenue il y a dix ans a causé de vrais dysfonctionnements. L'articulation avec l'Urssaf n'a pas bien fonctionné. Certains dossiers ont fait des trajets incessants entre les deux structures, avec au passage des erreurs commises et des problèmes informatiques."

"J'ai vu des gens défaits, détruits"

"Des assurés se sont parfois vu réclamer des sommes faramineuses plusieurs années plus tard, sans toujours comprendre pourquoi. Certains pensaient au début de leur activité qu'ils n'avaient rien à payer et puis ils ont été rattrapé par des arrières qu'ils n'avaient pas pu anticiper. Et là, ce sont parfois des milliers d'euros. Résultat: j'en ai vu arriver dans mon bureau, défaits, détruits", raconte-t-il.

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Cet ancien spécialiste de l'assurance-vieillesse estime aussi que le système très décrié de calcul des cotisations était en cause. "Avec des appels portant sur les revenus de l'année N-2, c'est-à-dire deux années auparavant, les indépendants ont eu de mauvaises surprises. Certains venaient me voir pour m'expliquer que leur activité ayant beaucoup baissé depuis, ce niveau de cotisations était bien trop lourd pour eux et qu'ils manquaient d'informations."

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Depuis, le RSI a revu son mode de calcul et tente de simplifier les choses pour les 6,2 millions d'affiliés dont il a la charge. "Désormais, les travailleurs non-salariés ou leurs comptables ont accès à tous les documents, aux assiettes de cotisations, à notre échéancier, et peuvent même tenter de moduler les cotisations en ligne, défend Bernard. Il y a un vrai effort de transparence", pointe-t-il, en précisant que son rôle de conseiller de proximité n'en reste pas moins crucial.

Les assurés peuvent également demander des délais de recours amiables ou même saisir une Commission d'action Sanitaire et Sociale (CASS), qui peut octroyer des aides financières ponctuelles. Autant de mesures mises en place pour apaiser les rapports houleux entretenus avec les assurés, qui dénonçaient trop souvent les visites des huissiers.

De la difficulté d'être indépendant

40% des dossiers traités par le RSI du Nord-Pas-de-Calais concernent des auto-entrepreneurs (aujourd'hui appelés micro-entrepreneurs). "Les démarches sont simples et séduisent beaucoup, souligne le conseiller. Leur nombre a explosé avec ce nouveau régime simplifié. Chaque trimestre, l'auto-entrepreneur déclare son chiffre d'affaires et paie ses charges en fonction dans la foulée. C'est extrêmement facile."

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"Dans l'antenne où je suis, nous traitons trente dossiers par jour, détaille le conseiller. Dès leurs premiers pas, nous essayons d'informer les entrepreneurs sur le fonctionnement du RSI. Nous allons même dans les cours de gestion dispensés dans les chambres de commerce (CCI) pour expliquer à ceux qui vont créer leur entreprise comment on fonctionne et pour les préparer."

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Je repère assez vite ceux qui pigent immédiatement et ceux pour qui ça risque d'être plus compliqué, car on ne dit pas assez que diriger une entreprise revient à faire plusieurs métiers en même temps : il faut savoir manager, gérer son business, faire de l'administratif, de la comptabilité", s'inquiète Bernard habitué à entendre toutes les difficultés des indépendants. "Certains ne se renseignent pas assez avant de démarrer et tombent de très haut, c'est aussi à moi de leur expliquer les choses et de faire preuve de pédagogie. En général, ça se passe plutôt bien."

"Le RSI n'est pas responsable de toutes les difficultés"

L'autre critique, souvent adressée au RSI, c'est celle d'une trop forte taxation, d'un "matraquage", comme le qualifient souvent les indépendants. Pour le conseiller, il faut relativiser cette vision. Quand ils étaient salariés, les gens n'avaient en tête que les cotisations qu'ils payaient mais ils oubliaient celles payées assumées par leur employeur car ils n'étaient pas concernés. Désormais, ils sont à la fois l'employeur et le salarié et doivent donc payer ces deux types de cotisation", explique le conseiller.

"Je pense que des associations comme Sauvons nos entreprises surfent sur un mécontentement qui a pris naissance il y a des années mais qui n'est plus forcément d'actualité. Et puis il y a eu de nombreux conflits au tribunal avec ceux qui, à l'image des Libérés de la Sécu voulaient se désaffilier de la Sécu alors que c'est illégal", s'emporte Bernard. A ses yeux, le statut d'interlocuteur unique du RSI ne l'a pas aidé à être populaire. "La crise a créé des situations terribles, de vraies difficultés, mais on a fait figure de cible, c'est évident. Bien sûr, il y a eu des dysfonctionnements et ça n'a pas aidé. Mais le RSI n'est pas responsable de toutes les difficultés des indépendants."

Menaces politiques et spectre de la fusion

Surtout que les tirs proviennent de toutes parts, notamment du bord politique. Bernard écoute d'une oreille plus que méfiante les débats autour du RSI. "La droite, celle-là même qui a eu l'idée de cette fusion à marche forcée, n'a de cesse de nous taper dessus et de prôner notre disparition, s'emporte Bernard. Pourtant, ce serait une erreur magistrale. Et s'ils se trouvaient raccrochés du régime général, les indépendants auraient tout à y perdre, car ils verraient leurs cotisations exploser. Le dernier rapport parlementaire sur la question le démontrait avec précision."

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Bernard redoute aussi la fusion des caisses régionales, conséquence inéluctable de la réforme territoriale. D'ici au 31 décembre 2018, les caisses des différentes régions vont devoir se rapprocher. De 30 caisses, il n'en restera plus que dix en France métropolitaine. "Nous allons devoir créer le RSI Hauts-de-France en nous rapprochant de nos collègues de Picardie. Je crains que cette nouvelle organisation entraîne une perte de proximité avec les assurés alors que c'est ce que nous nous efforçons de faire depuis plusieurs mois. Nous tentons vraiment d'améliorer le relationnel avec les indépendants pour essayer de gommer cette mauvaise image, qui nous colle à la peau." Un travail quotidien et loin d'être gagné...

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