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Aides publiques illégales : après la SNCM, à qui le tour ?

TRIBUNE La compagnie maritime devra bien rembourser 200 millions après avoir reçu des aides. Or ce cas pourrait créer un précédent… Explications de Me Milchior.
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Richard Milchior, associé chez Granrut
Richard Milchior, associé chez Granrut
(c) Granrut société d’avocats

Nouveau revers pour la SNCM. La justice européenne a décidé, jeudi 4 septembre, de condamner la compagnie maritime en difficulté de rembourser plus de 200 millions d'euros d'aides accordées par la France lors de sa privatisation en 2006.

La SNCM avait obtenu plusieurs types d’aides fournies par l’Etat ou des entités qui lui sont rattachées. Celles-ci ont donné lieu à diverses décisions de la Commission, puis d'arrêts du Tribunal et de la Cour de Justice de l'Union européenne. L’affaire jugée jeudi concernait le cumul de quatre aides différentes: une partie de l’apport en capital (15,8 millions d'euros) fait par la CGMF (filiale de l’Etat et propriétaire à 80 % de la SNCM) dans le cadre du plan dit "de 2002" ; la vente en 2006 à Butler Capital Partners et Veolia de la SNCM par la CGMF pour un prix négatif de 158 millions d'euros ; un nouvel apport en capital par celle-ci de 8,75 millions d'euros et enfin une avance en compte courant de 38,5 millions d'euros pour payer -à l’époque- un futur plan social.

Vers une liquidation ?

Petit rappel des faits. La Commission avait donné son aval aux aides, le 8 juillet 2008. Attaquée par Corsica Ferries comme violant les dispositions communautaires en matière d’aides, la décision fut annulée par le Tribunal de l’Union Européenne. Une sentence attaquée tant par la SNCM que par la France qui vola au secours de la compagnie, mais sans succès puisque leurs pourvois viennent d’être rejetés.

L'arrêt de jeudi va tout d’abord avoir des conséquences bien sûr pour la SNCM qui va devoir rembourser 220 millions d'euros.

Cela signifie-t-il que cette société va être en liquidation? Prenant en considération les règles communautaires en matière d’aides qui imposent à l’Etat d’obtenir le remboursement, on peut se demander s'il serait envisageable de réclamer une contribution aux propriétaires antérieurs qui ont bénéficié d’une partie des aides par exemple via des prix de cession négatifs. Sur ce point, il y a matière à débat.

L'Etat, pas un investisseur privé

Mais au-delà de la SNCM, l’un des points jugés dans cet arrêt va avoir des conséquences pour tous les dossiers dans lesquels les Etats ont mis en place des systèmes d’aides, dont ils ont tenté de justifier la licéité par des montages divers.

En effet, dans l’affaire de la SNCM, les parties prétendaient que l’Etat s’était comporté comme un investisseur privé et ce, en intervenant au capital aux côtés d’un investisseur privé pour une partie des opérations contestées. Or la Cour a jugé que tel n’était pas le cas puisque l’investisseur privé disposait d’une condition résolutoire de cession lui permettant de sortir de l’opération, ce qui n’était pas le cas de l’Etat. Elle a donc refusé de comparer l’Etat à un investisseur privé et en a déduit l’illicéité d’une partie des aides.

Cet arrêt limite donc les possibilités pour l’Etat de prétendre agir comme s’il était investisseur privé lorsqu’il injecte de l’argent public aux cotés d’un investisseur privé en acceptant d’être défavorisé par rapport à celui-ci.

Dans toute l’Union Européenne, des investisseurs privés vont devoir réexaminer les risques de remboursement qu’ils courent du fait de montages faits au détriment de l’argent de l’Etat pour essayer de maintenir en vie artificiellement des entreprises.

Par Richard Milchior, avocat associé chez Granrut Avocats.

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