Une blague circule au Conservatoire de Paris. A la suite d'une circulaire du ministère de la Culture enjoignant les institutions qui dépendent de son autorité à engager davantage de "femmes artistes dans les programmations artistiques", on se demande très sérieusement s'il ne faut pas décréter la parité dans les classes de... ténor ou de basse.
Ce n'est pas tout : lors de la présentation de la nouvelle saison de l'Opéra national de Paris, l'association féministe La Barbe est intervenue de manière musclée pour pointer du doigt l'écrasante majorité de compositeurs du sexe dit fort, de librettistes mâles et de metteurs en scène dotés du chromosome XY.
Le Louvre n'a qu'à bien se tenir : on va bientôt exiger que les Delacroix et autres Raphaël cèdent la place à des peintres portant jupon dont le talent est injustement écrasé par des siècles de machisme honteux.
Où sommes-nous ? Dans une nouvelle révolution culturelle à la manière de la veuve Mao ?
Dans sa lettre, Aurélie Filippetti conclut sur un ton comminatoire : "Je vous remercie en conséquence de bien vouloir me faire connaître les actions que vous comptez mettre en œuvre."
Ben voyons ! Comme l'argent manque et qu'il faut impérativement trouver des économies à faire, ce seront sans nul doute ceux qui sottement recherchent l'excellence ou soignent l'accès à la culture pour tous (combats d'arrière-garde) qui feront les frais de la cure d'amaigrissement inévitable au profit de ceux qui, le doigt sur la couture du pantalon, suivront cette obsession égalitaire du gouvernement appliquée pieusement par "la" ministre de la Culture qui saisit au vol cette bonne occasion de faire diversion dans le marasme actuel.
Au départ de cette fronde, un combat respectable mené par Laurence Equilbey (chèfe de chœur et chèfe d'orchestre) qui a occupé deux stagiaires à comptabiliser la proportion homme-femme dans les institutions culturelles. Les résultats sont, paraît-il, préoccupants. Le monde du spectacle serait bien plus phallocrate que les autres et principalement celui de la musique.
Bon ! Va-t-on ensuite se mettre à compter les Juifs, les Arabes, les Noirs ? Et puis ensuite ceux qui ont des lunettes et ceux qui n'en ont pas, etc.
Qu'une artiste tente de faire bouger les mentalités, c'est une chose. Il est vrai qu'à compétences égales les hommes sont plus facilement engagés aux postes de responsabilités et mieux payés. C'est stupide, scandaleux et injuste. Alors qu'on le sait : les femmes sont souvent de meilleures gestionnaires que les hommes. Mais toute lutte légitime perd de sa crédibilité dès qu'elle est appliquée de manière autoritaire ou idiote ou les deux et devient absurde quand un ministre de la République pratique l'équarrissage sexuel dans le domaine artistique.
D'autant que les orchestres sont mixtes, les jeunes quatuors à cordes aussi, et que les femmes sont de plus en plus nombreuses à trouver des postes dans les pupitres de cuivre (cor, trompette, etc.) De très brillantes pianistes, violonistes, violoncellistes, flûtistes font des carrières exceptionnelles. Qu'on engage des femmes parce qu'elles ont du talent, mais pas parce qu'elles sont des femmes ! Et un artiste n'est plus un homme ou une femme, il est les deux ou entre les deux. La preuve : le mot "artiste" n'est pas du genre exclusivement féminin ou masculin. Et l'art n'est pas un gâteau qu'on se partage. Ou un enfant qu'on place selon le principe de la garde alternée.
Tandis qu'une crise grave nous menace, que notre système de santé s'effondre, que nos gosses ne savent plus lire à la fin de la sixième, on distrait et divise le peuple avec des histoires de mariage gay et de parité comme on le faisait jadis avec les jeux du cirque.
Au même moment, le chef d'orchestre Daniel Barenboïm, qui risque sa vie en oeuvrant pour la paix dans le conflit israélo-palestinien, poursuivant en musique (puisqu'il est musicien) le travail d'Yitzhak Rabin, publie un grand article sur "le courage en musique" dans le New York Times. Nous, nous comptons manu militari les garçons et les filles.
Françoise Giroud avait dit autrefois que l'égalité serait atteinte le jour où une femme incompétente serait engagée à la place traditionnellement réservée à un homme. Réjouissons-nous, car, au moins sur ce point, la rue de Valois montre l'exemple.