Audiovisuel : Delphine Ernotte demande un "arsenal législatif" face à la "guerre culturelle" de Netflix

Actualité
Image
LCP
LCP
par Maxence Kagni, le Mercredi 8 janvier 2020 à 14:57, mis à jour le Mercredi 4 mars 2020 à 17:21

Devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, la présidente de France Télévisions a rappelé le caractère "déterminant" du projet de loi sur l'audiovisuel, qui devra selon elle donner des "règles claires et partagées" afin de permettre aux groupes publics de "jouer à armes égales" avec Netflix et faire face au futur "raz-de-marée" Disney+.

Delphine Ernotte compte sur la future réforme de l'audiovisuel pour armer la télévision publique face à la concurrence de Netflix et à l'arrivée en mars prochain de Disney+ dans l'Hexagone.

Le texte ne va pas "assez loin"

C'est le message qu'a tenté de faire passer mercredi matin la présidente de France Télévisions, qui était auditionnée par les députés de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée.

Le projet de loi, dont l'examen doit débuter en séance publique le 30 mars prochain, prévoit notamment de créer une "holding" commune regroupant l'INA, France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, de fusionner le CSA et la HADOPI, ou encore de permettre la diffusion de films de cinéma à la télévision n'importe quel jour de la semaine (ce qui n'est pas le cas aujourd'hui).

Mais selon Delphine Ernotte, le texte qui a été présenté en Conseil des ministres au mois de décembre ne va "pas assez loin" pour protéger l'audiovisuel public et son "métier d'éditeur" dans un environnement numérique de plus en plus concurrentiel.

"Enjeu existentiel"

Face à l'émergence des télévisions connectées, des enceintes intelligentes ou des plateformes numériques de diffusion comme Netflix, la présidente de France Télévisions demande aux députés de garantir dans la loi la "qualité" et "l'intégrité" de l'exposition des programmes créés par le service public.

En clair, Delphine Ernotte souhaite que le législateur s'assure que l'offre de France Télévisions puisse "exister" dans les suggestions, par exemple, des enceintes Google Home "et pas au 150e rang derrière toutes les offres américaines de contenu".

La présidente de France Télévisions, qui aimerait également avoir accès aux "données de consommation" des téléspectateurs, voit dans cette problématique du "lien avec le public" un "enjeu existentiel" : "Le projet de loi peut être déterminant", a martelé Delphine Ernotte, qui a demandé un "arsenal législatif" qui "oblige" Google, Netflix ou encore Amazon à "considérer" les acteurs français de l'audiovisuel.

Les objectifs modestes de "Salto"

Tout au long de son audition, la présidente de France Télévisions a évoqué le "bouleversement des usages", indiquant que chaque soir près de 1,7 million de personnes "regardent les plateformes" comme Netflix ou Amazon Prime plutôt que la télévision dite traditionnelle.

Pour contrer "l'oligopole" de Netflix, dont l'audience en ferait la cinquième chaîne de télévision française, ou l'arrivée prochaine du "raz-de-marée" Disney+, Delphine Ernotte affirme avoir "besoin de règles claires, partagées et une forme d'équité de traitement pour jouer, d'une certaine manière, à armes égales avec ces géants mondiaux".

En un mois, Disney+ a fait 24 millions de souscripteurs. C'est juste colossal : ils ont fait en un mois ce qu'ils voulaient faire en un an.Delphine Ernotte

Dans un tel contexte, la création de la "holding" France Médias, prévue par le projet de loi de réforme de l'audiovisuel, est vue comme "une opportunité pour aller plus loin dans les synergies".

Delphine Ernotte a également défendu la future plateforme commune entre France Télévisions, M6 et TF1, nommée "Salto". "Quand on regarde ce qui va arriver, TF1 et M6 sont nos partenaires", a-t-elle affirmé, évoquant une "alliance qui va mettre en avant la création française" dans ce qu'elle qualifie de "guerre culturelle".

Salto, dont le budget devrait être de "120 millions d'euros", ne sera pas financé par la redevance. Son objectif sera toutefois modeste : cette "offre d'appoint" ne "sera pas en concurrence avec Netflix", a prévenu la présidente de France Télé, "car on n'arrivera jamais à concurrencer Netflix".

Delphine Ernotte s'est par ailleurs dite prête à "négocier" avec la plateforme américaine à propos d'éventuels partenariats mais "à [ses] conditions". La présidente de France Télé ne semble en effet pas totalement opposée à une diffusion de films financés par le service public sur Netflix à condition que ce dernier respecte une "période d'exclusivité" et mette davantage en avant "la marque" France Télévisions.

Candidate à sa succession

Delphine Ernotte a par ailleurs défendu le principe de la redevance, une "taxe affectée qui est un élément-clé de l'indépendance du service public".

Elle a aussi prôné le maintien de la publicité sur ses antennes : c'est, selon elle, "plus de 300 millions d'euros" qui "ne sont pas prélevés sur le budget de nos concitoyens". Une suppression de la pub profiterait "surtout à Google", a expliqué la présidente de France Télévisions.

C'est autant de moins pour les auteurs français, autant de moins pour la production française et c'est autant de plus pour Google et compagnie.Delphine Ernotte

Delphine Ernotte, dont le mandat s'achève en août, a annoncé mardi devant ses salariés qu'elle était candidate à la prolongation de son mandat jusqu'à la fin de l'année 2022.

Le projet de loi "relatif à la communication audiovisuelle" prévoit de regrouper Radio France, l'Ina, France Télévisions et France Médias Monde au sein d'une même "holding" nommée France Médias. Une fois ce changement mis en oeuvre, le PDG de France Télevisions verra son poste transformé en fonction de directeur général jusqu'au 1er janvier 2023.