Audrey Pulvar était visiblement très remontée samedi 17 décembre au soir, ou plutôt jeudi, jour d'enregistrement de l'émission "On n'est pas couché", présentée par Laurent Ruquier et diffusée sur France 2. La journaliste, compagne du socialiste Arnaud Montebourg, s'est empoignée avec le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Laurent Wauquiez, au sujet des propositions contenues dans son livre, La lutte des classes moyennes, qu'il venait défendre sur le plateau.
Tout est parti de la proposition polémique, soutenue par Wauquiez de favoriser l'accès aux HLM pour les personnes qui occupent un emploi. Audrey Pulvar a immédiatement sorti l'artillerie lourde, se disant "consternée" par le livre du jeune ministre, l'accusant notamment d'"opposer les pauvres à d'autres pauvres". Se coupant mutuellement la parole, ne se laissant guère la latitude de répondre à chacune de leurs interventions, chacun des débatteurs accuse l'autre de ne pas le laisser parler, et de n'avoir rien à proposer de mieux.
Très en verve, Audrey Pulvar reproche à Laurent Wauquiez de brosser un portrait fallacieux de la pauvreté en France : "vous parlez des pauvres comme des assistés, des drogués, des alcooliques, qu'on ne pense qu'à eux...", s'écrit-elle. Alors que Wauquiez lui reproche de caricaturer son propos, Pulvar s'empare du "fantasme de l'écran plat" : "En quoi était-il utile de nous expliquer que parmi ces gens, il y a des problèmes d'alcool, de drogue ?", "vous êtes dans le fantasme de l'écran plat : à chaque rentrée scolaire, la droite dit que les allocations de rentrée servent à acheter des écrans plats et des Playstations et que ce n'est pas bien du tout", "ce fantasme de l'écran plat, il est là", renchérit-elle en brandissant le livre.
Laurent Wauquiez, ulcéré par ce qu'il considère comme une déformation de son propos, rétorque que "c'est honteux de caricaturer comme ça" : "dans le livre, il y a beaucoup de propositions sur ce que j'appelle les profiteurs du haut", ajoute-t-il. "Je dis juste qu'il y a une catégorie qui est systématiquement oubliée, les classes moyennes, il faut les remettre au coeur du débat public."
UNE ÉMISSION TYPIQUE DU "MÉLANGE DES GENRES"
Cet épisode constitue un nouvel épisode du "mélange des genres" que constitue l'émission "On n'est pas couché" – elle n'est pas la seule dans ce cas, "Le Grand journal" de Canal+ est également dans cette situation. Présentée comme une "émission de divertissement", "On n'est pas couché" accueille régulièrement des responsables politiques. Elle dépasse alors son cadre initial, avec de véritables débats de société, comme l'illustre l'opposition entre Audrey Pulvar et Laurent Wauquiez samedi soir.
La frontière floue entre émission politique et de divertissement engendre des ambiguïtés. Ainsi, le traitement réservé à Philippe Poutou, candidat "novice" du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), le 29 octobre, a suscité une polémique. Laurent Ruquier et ses chroniqueurs ont été accusés de "mépris" à l'encontre du candidat à l'Elysée, relativement inconnu du grand public. "Y a votre nom qui vous sauve", s'était exclamé Laurent Ruquier au début de l'interview. "Poutou, ça s'oublie pas !"
Autre problème pour le diffuseur, France Télévisions : en invitant des responsables politiques pendant la campagne électorale, Laurent Ruquier devra, comme tous les médias audiovisuels, respecter un temps de parole égal entre tous les partis. Or l'animateur a plusieurs fois affirmé – à l'instar de Michel Drucker – qu'il n'invitera pas Marine Le Pen, pour ne pas "livrer [son] audience aux idées du Front national".
Une position qui ne plaît pas à la direction de France Télévisions. "S'il veut continuer à recevoir des invités politiques, il doit se conformer aux règles du pluralisme. Par conséquent, il devra recevoir Marine Le Pen", expliquait un responsable de la chaîne au Point.fr le 14 décembre. Laurent Ruquier devra alors lever l'ambiguïté qui pèse son émission : arrêter d'inviter des responsables politiques pour rester dans le divertissement ou assumer sa vision politique en recevant tous les partis.
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