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Au Printemps des comédiens à Montpellier : « Grève ou crève »

L'annulation des spectacles pour 48 heures supplémentaires a été massivement votée dimanche 8 juin, à Montpellier, en soutien aux intermittents.

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Publié le 08 juin 2014 à 15h53, modifié le 10 juin 2014 à 14h38

Temps de Lecture 4 min.

Une assemblée générale des intermittents du spectacle, au Printemps des comédiens de Montpellier, le 6 juin.

Ils n'ont pas cédé. Dimanche 8 juin, la grève a été reconduite pour 48 heures au Printemps des comédiens. Massivement : 86 % des votants se sont exprimés pour, lors de l'assemblée générale qui réunissait les personnels permanents et intérimaires du festival, et les équipes artistiques invitées. Qu'un médiateur, Jean-Patrick Gille, ait été nommé samedi 7 juin au soir, pour mener une « mission de propositions » sur la question des intermittents, n'a pas suffi à modifier leur ligne de conduite.

Au contraire : « Nous connaissons ce médiateur, et ses positions. Nous savons qu'il est favorable à l'accord que nous dénonçons », explique Luc Sabot, qui devait jouer dans Marx Matériau, un des spectacles annulés.  « Nous ne croyons pas une seconde à cette médiation, que nous prenons pour une provocation », poursuit le comédien. C'est d'ailleurs pour cette raison que la grève n'a pas été reconduite pour une journée, comme ce fut le cas depuis le début du festival, le 3 juin, mais pour deux jours.

Jean Varela, le directeur du Printemps des comédiens, espérait une reprise du travail lundi, comme l'avait solennellement demandé un communiqué du conseil d'administration du festival, vendredi 6 juin, tout en affirmant son soutien au mouvement. « La situation devient chaque jour plus complexe, tant du point de vue de l'organisation et de la cohérence artistique du festival, que de son avenir, qui pourrait être compromis si l'on devait aller jusqu'à l'annulation», déclarait-il dimanche matin. Pour y voir plus clair, Jean Varella, va demander aux équipes invitées la semaine prochaine de faire connaître leur intention de jouer ou non.

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Rodrigo Garcia, le nouveau directeur du Théâtre des Treize vents, à Montpellier, a déjà déclaré, dans une lettre du 5 juin, qu'il annulait les représentations de son spectacle Golgota Picnic, prévues les 11 et 12, et 13. Deux autres spectacles importants sont attendus : Le Misanthrope mis en scène par Jean-François Sivadier, et Le Capital, mis en scène par Sylvain Creuzevault.

THÉÂTRE DU MÉPRIS

La semaine prochaine sera donc cruciale. On peut le sentir, sur place, où le Jardin d'O, ses arbres magnifiques et son odeur de jasmin, tient lieu d'agora permanente. Des affichettes sont posées sur les murs. On peut y lire : « Grève ou crève », « 22 mars et ça repart », « Je ne suis pas un déficit »... Quant au théâtre Jean-Claude Carrière, le nouveau bâtiment inauguré en 2013, il est doté d'un grand calicot, qui le rebaptise « Théâtre du mépris ». Les intermittents ont très mal pris les déclarations de l'auteur, membre du conseil d'administration du Printemps des comédiens, qui les accusait, lors d'une émission de France Inter, jeudi 5, de « saboter » la manifestation. « Pourquoi font-ils grève contre un festival qui leur donne du boulot ? Ça, il faudrait qu'on m'explique. »

Pas de problème, de ce côté-là : les intermittents s'expliquent, et expliquent, au cours des assemblée générales qui se tiennent à huis clos, le matin, et en public dans l'après-midi. Samedi, pas loin de trois cents personnes étaient assises sur les gradins. Parmi eux, des spectateurs, comme cette dame venue « pour comprendre le mouvement », et surtout, des représentants de coordinations, accourus de toute la France. Ils ont applaudi l'annonce de l'occupation de l'Opéra Bastille, et réagi fermement à celle du médiateur.

« COMME UN LUXE »

On pouvait dès lors se douter qu'ils ne lâcheraient pas. « Il ne s'agit pas de culture, mais de droits sociaux », expliquait le comédien Samuel Churin, porte-parole de la coordination nationale. Cette position, Brett Bailey la comprend, même si, dit-il, « je ne suis pas en situation de juger. Du pays d'où je viens, l'Afrique du Sud, où il n'y a pas de subventions pour les spectacles, la situation française apparaît comme un luxe ». Le metteur en scène sud-africain, dont les deux représentations du Macbeth très attendu, ont été annulées, se pose une question  de fond: « Quel est le moteur ? C'est le grand capital qui pousse, ou le gouvernement qui décide ? »

Evelyne Didi, la merveilleuse comédienne qui travaille avec des élèves du Conservatoire de Montpellier aux Balayeurs de l'aube, un spectacle déambulatoire prévu du 22 au 29 juin, se pose, elle, une autre question qui taraude tout le monde : « Comment agir ? Il faudrait pouvoir réfléchir en amont. Quand on se retrouve dans une situation de crise, comme aujourd'hui, on n'a pas le temps de réfléchir, et on va vers la solution que l'urgence impose. »

Jacques Allaire va dans le même sens, à sa façon. Metteur en scène de Marx Matériau, un des spectacles annulés, il développe une parabole pour faire comprendre la position des grévistes : « On est comme des grévistes de la faim. Un gréviste de la faim ne veut pas mourir, il veut être entendu, et pour cela, il se prive de la chose la plus élémentaire qui soit, manger. Nous, nous nous privons de jouer. Mais nous n'en sommes pas responsables. C'est l'Etat le vrai responsable. »

D'où la nécessité, selon Jacques Allaire, de poursuivre le mouvement tant que l'Etat n'aura pas proposé un moratoire. » « Ici, au Printemps des comédiens, nous sommes le village gaulois qui met le feu aux poudres. Si le festival devait être annulé, nous n'accepterons pas qu'il soit un bouc-émissaire. Nous ferons annuler tous les festivals. »

Depuis le 3 juin, 5.800 places ont été annulées. Des spectateurs ont demandé à ne pas être remboursés, mais de verser l'agent à la caisse de soutien aux intermittents. Dans le « village gaulois », les grévistes ne se sentent donc pas seuls à lutter contre la précarité. Il faut dire que le Printemps des comédiens a su fidéliser un public, qui se réjouissait de voir une programmation axée sur les enjeux politiques et sociaux du moment. Nous saurons dans les prochains jours ce qu'il adviendra. Mais en attendant, comme tout va vite, on apprend que le calicot du « Théâtre du mépris » va être enlevé du fronton, pour ne pas mettre de l'huile sur le feu.

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