Le candidat à sa succession à la présidence de la République française organise un "sommet social" le 18 janvier. On y parlera "coût du travail". Dans l'idéologie dominante, le travail n'est pas une richesse productrice, mais il coûte. A qui ? Au possesseur de capital, tiens ! Sommet social, donc, où l'on ne remettra pas en cause l'absurde défiscalisation des heures supplémentaires, subvention aux entreprises qui ne créent pas d'emplois. Mais on pourrait, ironie suprême de la part d'un parti qui voulait "travailler plus pour gagner plus", amorcer une réduction du temps de travail sous la forme alambiquée d'"accords de compétitivité". Ce sera un hommage rendu par le vice à la vertu.
Car ici, la vertu est du côté de l'économie écologique, qui devient plus apte à penser le monde que le dogme néocapitaliste et son avatar keynésien. Du point de vue écologiste, l'enjeu prioritaire actuel de l'activité économique est de modérer son impact sur la biosphère, en raison de la gravité des conséquences de la crise écologique sur la société humaine. Dès lors, comme la croissance économique implique, malgré les progrès de la technologie, un fort dégât environnemental, la recherche de "l'état stable" de l'économie (conceptualisé par Herman Daly) est souhaitable.
Or l'idéologie dominante reste obsédée par l'objectif de maximisation de cette croissance. De surcroît, elle échoue à reconnaître que, dans les pays riches, la tendance historique du taux de croissance est à la baisse, le plaçant à un niveau inférieur à 2 % par an. La réduction du chômage par l'augmentation du produit intérieur brut est donc vouée à l'échec, d'autant que la hausse de la productivité réduit mécaniquement le besoin de travail.
Dès lors, un levier essentiel d'une économie écologique (c'est-à-dire visant la prospérité dans le respect de l'environnement) est le partage du travail, qui reste plus d'actualité que jamais.
Une économie stable n'est pas une économie immobile. Dans la transition écologique, on réduira les activités polluantes pour développer des activités novatrices. Philippe Quirion, du Centre international de recherche sur l'environnement et le développement, a montré qu'une politique d'économies d'énergie pourrait créer 440 000 emplois. Pour d'autres, le développement de l'agriculture biologique sur 20 % de la superficie agricole créerait 75 000 emplois. Le chômage n'est pas une fatalité...
kempf@lemonde.fr
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