Il y a quelques jours, le réseau Twitter a été le support, via le hashtag "#SiMonFilsEstGay", d'un déferlement de propos d'une violence rare à l'endroit des personnes homosexuelles. Plusieurs centaines de messages de cette nature ont provoqué un fort émoi en France, parmi les personnes ainsi injustement et publiquement insultées, parmi la classe politique, mais aussi parmi les citoyens et citoyennes. Ces actes ne sont pas isolés. Il y a deux mois, ce sont des propos xénophobes et antisémites qui se sont répandus sur votre réseau sous les hashtags "#unbonjuif" puis "#unjuifmort". Dimanche 23 décembre, d'autres personnes se sont livrées à des élucubrations d'un racisme effrayant sur le hashtag "#SiMaFilleRamèneUnNoir".
Dans les trois cas, les propos tenus sur le réseau Twitter appellent la condamnation la plus ferme de la part de notre gouvernement. Ils sont moralement condamnables et juridiquement illégaux en vertu de notre législation. C'est l'honneur de la France que d'avoir progressivement inscrit dans le code pénal la répression des provocations à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, ou encore de leur orientation ou identité sexuelle. Ces actes ou propos sont donc réprimés par la loi et le canal virtuel qu'ils ont emprunté ne rend pas moins punissables ceux qui les commettent et que les tribunaux pourraient connaître.
EXERCICE DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION
D'autres pays dans lesquels le réseau Twitter est également diffusé ont une conception différente des modalités d'exercice de la liberté d'expression et de la protection de la dignité de la personne humaine. Nous pensons que chacune des traditions juridiques doit être respectée, dès lors qu'elle s'inscrit dans le cadre de la protection des droits humains. Cela signifie que l'entreprise Twitter doit trouver des solutions pour que des messages envoyés depuis notre territoire, dans notre langue et à destination de nos concitoyens ne portent pas une atteinte manifeste aux principes que nous avons fixés.
La liberté d'expression, qui constitue une de nos valeurs les plus précieuses, ne peut être impunément utilisée pour déverser, aux yeux de tous et sur quelques-uns, une charge haineuse aussi violente qu'inacceptable, aussi injuste et blessante qu'incompatible avec les valeurs fondamentales de liberté, d'égalité et de fraternité qui sont celles de la République. Les messages ainsi maintenus en accès libre sur le réseau Twitter ont pu présenter un danger pour des jeunes homosexuels de notre pays. A l'âge où les questionnements sur la sexualité apparaissent, les jeunes sont en effet très sensibles aux violences, y compris verbales, homophobes, qui sont la première cause de suicide chez les adolescents dans notre pays.
A l'heure où le gouvernement met en oeuvre un programme d'actions contre les violences et les discriminations commises en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, j'ai souhaité, sans préjudice d'éventuelles actions judiciaires, en appeler au sens des responsabilités de l'entreprise Twitter inc., pour qu'elle contribue à prévenir et à éviter de tels débordements. Je souhaite que nous puissions travailler ensemble, en lien avec les acteurs associatifs les plus concernés, à la mise en place de procédures d'alerte et de sécurité qui permettront que les événements malheureux que nous avons connus ces dernières semaines ne se reproduisent plus.
Ce travail s'engagera le 7 janvier 2013. Je souhaite en particulier que l'entreprise Twitter puisse examiner les conditions de mise en place de dispositifs concourant à la lutte contre les infractions en matière de provocations ou d'injures telles que visées ci-avant, et pouvant prévenir la commission de tels délits, ou en tout cas en alerter les administrateurs du réseau selon les principes de la loi du 21 juin 2004.
ENGAGER UN DIALOGUE
Avant même que ce travail ne soit lancé, il doit déjà être possible d'agir pour supprimer les tweets manifestement illicites et, à tout le moins, en rendre l'accès impossible, de sorte que les dommages déjà causés à l'endroit des personnes homosexuelles ne perdurent pas, ou ne causent pas de troubles supplémentaires auprès de jeunes gens attirés par la publicité donnée à cette malheureuse histoire.
J'ai bien conscience que l'esprit de liberté est au coeur du fonctionnement du réseau social. Je pense pourtant possible, sans méconnaître les principes auxquels le réseau Twitter est attaché, et sans méconnaître non plus les arguments dont l'entreprise a régulièrement fait état, d'engager un dialogue pour examiner les mesures qui pourraient être prises afin que l'outil universel qu'est Twitter demeure un instrument de progrès, au service de l'échange des idées, de la concorde, et non un instrument de propagation de la haine raciste, xénophobe et homophobe que d'autres temps nous ont appris à craindre plus que tout.
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