Exclu du gouvernement pour n'avoir pas déclaré ses impôts durant plusieurs années, Thomas Thévenoud s'est aussi retiré du Parti socialiste, lundi 8 septembre, tout en conservant son siège de député.
« J'ai décidé de me mettre en retrait du Parti socialiste et donc du groupe SRC à l'Assemblée nationale (...). Mais je veux rappeler que l'enchaînement de négligences choquantes qui m'ont placé dans cette situation ne fait pas de moi un fraudeur (...) Mes électeurs de Saône-et-Loire seront mes seuls juges. »
Pourtant, plusieurs voix questionnent cet « oubli » de déclaration, et ses motivations, et s'interrogent sur les revenus de M. Thévenoud. Interrogé par l'AFP, M. Thévenoud a ajouté qu'il attendait les conclusions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. « On verra alors que la politique ne m'a jamais enrichi », assure-t-il.
Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Christian Jacob, a demandé mardi au ministre du budget, Christian Eckert, de saisir la commission des infractions fiscales sur ce cas, « pour savoir s'il y a eu une fraude ». La commission des infractions fiscales est une autorité administrative indépendante, saisie par le ministre du budget pour des dossiers susceptibles de fraude fiscale. « S'il y a eu fraude délibérée, le ministre devra ensuite saisir la justice », a estimé M. Jacob lors d'un point presse.
41 475 euros d'impôts réglés en 2014
28 882 Il assure avoir réglé l'ensemble de ses impôts « avec, comme tout contribuable dans cette situation, l'intégralité des pénalités de retard ». Dans un entretien donné au Journal de Saône-et-Loire, vendredi 5 septembre, M. Thévenoud était plus précis : « La somme a été intégralement acquittée le 1er septembre 2014 pour un montant de 41 475 euros – dont 12 593 euros de pénalités. »
Il précise, toujours dans le JSL, qu'il s'agit ici des pénalités sur l'année 2014 :
« En 2012, la déclaration de mes revenus a été déposée avec retard. L'impôt sur le revenu correspondant a été réglé intégralement depuis longtemps, pénalités comprises, conformément à la loi. En 2013, l'absence de déclaration a donné lieu à ce que l'on appelle une taxation d'office par l'administration fiscale. Là encore, j'ai payé l'impôt et les pénalités dues. En 2014, la déclaration a été déposée en retard et j'attends maintenant l'envoi de mon avis d'imposition. »
Si on en croit ses dires, M. Thévenoud aurait donc réglé, hors pénalités, 28 882 euros d'impôts pour la seule année 2014, au titre d'une « imposition d'office ». Il faut cependant considérer le foyer fiscal constitué de Thomas Thévenoud et de son épouse Sandra, qui était jusqu'à ces derniers jours chef de cabinet du président du Sénat, Jean-Pierre Bel.
Député et conseiller général
La chambre haute n'a pas pour tradition de payer chichement ses collaborateurs : en 2011, Mediapart révélait que Gérard Larcher, prédécesseur de M. Bel, payait son directeur de cabinet 19 000 euros net par mois, et ses collaborateurs plus de 8 000 euros par mois, soit plus que ce que perçoit un député (environ 7 000 euros). Avant 2012, Mme Thévenoud était conseillère au groupe PS du Sénat, puis chef de cabinet de Jean-Pierre Bel à la présidence du groupe PS au sein de la haute assemblée. Avec l'accession de M. Bel à la présidence, elle est devenue conseillère chargée des élus, puis chef de cabinet.
« Je n'ai jamais fait de politique pour m'enrichir, au contraire, j'ai mis un terme à mon métier et mes fonctions locales et annexes pour me consacrer entièrement à l'Assemblée nationale », expliquait M. Thévenoud le 6 août. Il oubliait cependant de rappeler qu'il était demeuré conseiller général.
Il percevait donc :
7 100 euros par mois comme député
1 990 euros par mois comme conseiller général
Soit un total de 9 090 euros par mois. Cependant, la loi prévoit un écrêtement des rémunérations, qui fait que M. Thévenoud ne peut gagner plus de 8 272 euros du fait de plusieurs mandats.
Un élu local aux multiples casquettes
Avant d'être élu à l'Assemblée, cependant, M. Thévenoud avait cumulé les mandats – et les rémunérations.
Selon sa déclaration d'intérêt, M. Thévenoud percevait, avant 2012 :
1 990 euros comme vice-président du conseil général de Saône-et-Loire de 2008 à 2012 (un chiffre qui semble minoré : un vice-président de conseil général est normalement rémunéré 3 193 euros par mois brut pour un département de plus de 500 000 habitants, comme c'est le cas en Saône-et-Loire).
1 139 euros comme vice-président de la communauté d'agglomération du Creusot-Montceau de 2008 à 2012.
1 950 euros comme chargé de formation à la direction générale d'Electricité réseau distribution France depuis une date non précisée.
Soit un total de 5 079 euros par mois.
Outre ces trois fonctions, M. Thévenoud était également directeur de l'OPAC du Creusot-Montceau (de 2008 à 2012) et conseiller municipal de Montceau-les-Mines (de 2001 à 2012), deux mandats pour lesquels il n'était, selon sa déclaration d'intérêts, pas rémunéré.
Auparavant, de 2004 à 2008, M. Thévenoud était rémunéré 3 600 euros par mois comme directeur de cabinet à la communauté urbaine du Creusot-Montceau.
Enfin, signalons, comme l'avait découvert Rue89, qu'il existe une société au nom de M. Thévenoud, domiciliée à l'adresse de sa permanence parlementaire, et enregistrée en 2012, et qui exerce une activité de « soutien aux entreprises ». M. Thévenoud ne la mentionne pas dans sa déclaration d'intérêts. Il indique à Metronews qu'il s'agit d'une auto-entreprise utilisée pour payer la personne responsable de l'entretien de sa permanence. « Ce n'était pas un sujet selon moi » ajoute-t-il. La HAVP, jointe par Metronews, précise cependant que toute entreprise aurait du être déclarée.
La HAVP doit enquêter sur les revenus et le patrimoine de M. Thévenoud, et pourra peut-être éclairer un peu mieux les motifs qui ont conduit cet élu du peuple à la longue carrière, époux d'une membre du cabinet du deuxième personnage de l'Etat, à ne pas déclarer ses revenus durant trois ans.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu