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Le compte pénibilité se concrétise dans la douleur

Le patronat reste très critique vis-à-vis du dispositif prévu par la réforme des retraites de 2013.

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Publié le 10 juin 2014 à 07h49, modifié le 30 juin 2014 à 13h27

Temps de Lecture 4 min.

Flash mob organisé par la CFDT contre la pénibilité au travail, en mai 2011 à Nantes.

Principale avancée sociale de la réforme des retraites de 2013, le « compte pénibilité », censé entrer en vigueur en 2015, devait passer une étape sensible, mardi 10 juin, avec la publication des préconisations de l'expert mandaté par le gouvernement, Michel de Virville.

Sur ce sujet qui hérisse le patronat, l'exécutif avait choisi de demander ses services à cet ancien directeur des ressources humaines de Renault, figure du monde patronal passé par la puissante Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM). Son travail doit notamment préfigurer les décrets de création de ce compte, dont doivent bénéficier tous les salariés du secteur privé dès 2015.

UNE « USINE À GAZ » POUR LE PATRONAT

M. de Virville a pu mesurer la difficulté de la tâche, tant ses successeurs au Medef n'ont pas été tendres avec ses travaux, en critiquant dès le départ le principe même de sa mission. Pierre Gattaz, le président du Medef, a notamment dénoncé une « énorme boîte de Pandore ». Selon lui, le dispositif est « d'une extrême complexité, totalement inapplicable en l'état ». Le patronat évoque une « usine à gaz » ingérable pour les petits patrons.

De leur côté, les syndicats défendent mordicus cette réforme qu'ils réclament depuis longtemps. Ce compte, quasi-unique en Europe, doit remplacer les complexes préretraites pour pénibilité créées par la réforme Woerth de 2010, et qui n'ont jamais vraiment décollé en raison de conditions ultrarestrictives.

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Principal partenaire du gouvernement, la CFDT avait notamment conditionné son soutien à la réforme des retraites de 2013 à la création de ce compte. « La loi est votée. C'est hors de question qu'il y ait le moindre moratoire », a d'ailleurs défendu le 18 avril Laurent Berger, son secrétaire général, en réponse aux revendications de M. Gattaz.

20% DES SALARIÉS CONCERNÉS À TERME

Mais le sujet n'en reste pas moins complexe. Le gouvernement estime que près de 20 % des salariés pourront à terme en bénéficier. Or il ne reste que quelques mois pour que toutes les entreprises s'adaptent et préparent les déclarations individuelles. A partir du 1er janvier 2015, elles devront attribuer des points à leurs salariés lorsqu'ils dépassent certains seuils d'exposition à des conditions de travail réputées pénibles. « Afin de faciliter la mise en place des logiciels de paye et la préparation des déclarations par les employeurs, les fiches de prévention pourront ne pas être formalisées avant le 1er juin 2015 », suggère toutefois M. de Virville.

Ces points doivent ensuite permettre aux salariés concernés soit de partir plus tôt en retraite, soit de travailler à temps partiel en préservant leur salaire en fin de carrière, soit de bénéficier de formation pour se reconvertir. La règle est simple : 10 points donnent droit à un trimestre de cotisation pour la retraite. Le compte est plafonné à 100 points, ce qui limite à deux ans au maximum un éventuel départ anticipé. Le gouvernement souhaite que les 20 premiers points ne puissent servir qu'à financer une formation pour inciter à la poursuite d'activité. M. de Virville évoque 40 heures de formation attribuées pour deux points « pénibilité ».

UN COÛT ÉVALUÉ À 500 MILLIONS POUR LES ENTREPRISES

Pour simplifier le dispositif, M. de Virville ne propose plus, comme il l'avait suggéré au départ, de compter les points par mois, mais par année. Les salariés qui travailleraient dans des conditions pénibles (bruit, port de charge, vibrations, etc.) au-delà de certains seuils pourraient accumuler quatre points par an. En cas d'exposition à plusieurs critères à la fois, ils engrangeraient huit points maximum par an. La définition de ces seuils a été l'objet d'un savant exercice de dosage entre les attentes syndicales et patronales. Et ils pourraient encore bouger : « Ces choix n'engagent pas le gouvernement », rappelle ainsi M. de Virville. L'exécutif devra dire rapidement s'il retient ou non ces seuils, s'il veut que le dispositif soit opérationnel au 1er janvier.

Lire aussi : Travail : qu'y a-t-il dans le compte pénibilité ?

Mais le sujet le plus sensible pour le patronat reste celui des cotisations qui serviront à financer ces comptes. Elles seront payées entièrement par les entreprises, avec une part fixe et une part variable qui dépendra du nombre de salariés exposés à des conditions de travail pénibles. Pour tenter de limiter les critiques du patronat, Matignon a déjà assuré que les premières cotisations ne seront perçues qu'en 2016 pour l'année 2015, et avec un taux au départ très faible.

Alors que le coût du dispositif a été évalué à 500 millions d'euros en 2020, puis à 2 milliards en 2030, l'exécutif estime en effet que la montée en charge des droits sera très progressive. La comptabilité n'étant pas rétroactive, les premiers départs anticipés ne devraient pas intervenir avant au moins deux ou trois ans. De quoi se donner un peu de temps pour garantir le succès d'un dispositif crucial pour l'image de justice dont s'est paré le gouvernement lorsqu'il a présenté sa réforme des retraites.

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