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Le froid met le réseau électrique sous tension

La France devrait frôler, jeudi 17 décembre à 19 heures, le record historique de consommation atteint le 7 janvier 2009. Le modèle du "tout-nucléaire", mal adapté aux pointes de consommation de la période hivernale, est mis en cause.

Par Jean-Michel Bezat

Publié le 16 décembre 2009 à 11h14, modifié le 16 décembre 2009 à 11h14

Temps de Lecture 3 min.

La "France électrique", si fière de son parc de 58 réacteurs nucléaires exploité par EDF, s’est réveillée de ses certitudes avec la vague de froid: elle n’est plus à l’abri de coupures de courant. Le pays devrait frôler, jeudi 17 décembre à 19 heures, le record historique de consommation atteint le 7 janvier 2009 (92 400 mégawatts, MW), a indiqué Réseau de transport d’électricité (RTE).

Gestionnaire des 100 000 kilomètres de lignes à haute tension, la filiale d’EDF chargée de l’équilibre entre l’offre et la demande pour éviter les délestages, voire un "black-out", juge que "la situation est tendue". Surtout en Bretagne et en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Les températures sont inférieures de 6ºC à 8 ºC aux normales saisonnières, indique Météo France. Or en cette période de l’année, prévient RTE, "une baisse de 1ºC entraîne une augmentation de la consommation d’électricité d’environ 2100 MW, soit l’équivalent de deux fois la consommation de Marseille". RTE n’exclut pas qu’un refroidissement sévère en fin de semaine soumette le système de production et de transport d’électricité à des tensions plus fortes.

IMPORTATIONS LIMITÉES

EDF a dû importer d’Allemagne 4400 MW lundi soir (la puissance de quatre réacteurs nucléaires), puis 5100 MW mardi pour passer la pointe de 19 heures, quand les usages domestiques (chauffage, appareils électroménagers, télévisions…) font bondir la consommation. Or le réseau français ne peut pas supporter plus de 9000 MW d’importations, et à condition que les entrées soient réparties entre l’Allemagne, la Belgique et l’Italie. Si la France reste exportatrice d’électricité, elle est depuis quelques années déficitaire vis-à-vis de l’Allemagne. En octobre, elle a plus importé d’électricité qu’elle n’en a exporté, une première depuis l’hiver 1982-1983, quand le parc nucléaire était en construction.

Le PDG d’EDF, Henri Proglio, le patron de RTE, Dominique Maillard, et le président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), Philippe de Ladoucette, devaient s’expliquer sur "l’approvisionnement de la France en électricité cet hiver", mercredi, devant les députés et les sénateurs de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. RTE avait prévenu fin octobre d’un fort risque de coupures "en cas de froid intense et durable".

Les pics de demande s’expliquent, notamment, par le développement du chauffage électrique: 7 millions de foyers français en sont équipés, soit la moitié du parc installé en Europe. Le problème est structurel. La France a un modèle unique au monde, fondé sur le "tout nucléaire" (85% de la production), mal adapté aux périodes de pointe. En dépit d’une relance des investissements depuis 2005, EDF manque de centrales utilisables en quelques minutes (cycles combinés à gaz…). Ce retard s’est conjugué à des grèves dans le nucléaire, à des incidents et à un calendrier de maintenance inapproprié.

"PROBLÈME INDUSTRIEL MAJEUR"

Le parc nucléaire lui-même connaît des ratés, un point que M. Proglio a souligné avant même sa nomination à la tête d’EDF, fin novembre. Une dizaine de réacteurs sont encore à l’arrêt. En 2009, la durée de fonctionnement des centrales (taux de disponibilité) est tombée à 78% en 2009, loin derrière les entreprises les plus performantes. Une situation jugée "anormale" par le premier ministre, François Fillon. "C’est le résultat d’un manque de prévention dans la maintenance, qui entraîne des arrêts inopinés, mais aussi d’une pression sociale et syndicale qui ne va pas dans le sens de la productivité", analyse le responsable d’une société prestataire d’EDF. Le patron d’un grand groupe européen de l’énergie juge que "la baisse de régime des centrales est le problème industriel majeur d’EDF dans l’immédiat".

Puissante chez EDF, la CGT n’est "pas étonnée". Elle juge que des investissements à l’étranger ont été faits au détriment de l’entretien du parc français."Dans la production nucléaire comme dans les autres secteurs, la dégradation est palpable, assure Sud Energie: comment garantir une sécurité maximale en situation de sous-effectif, d’éclatement des équipes, de course aux gains de productivité, de dégradation des relations avec la direction?"

Confortés dans leurs thèses, les antinucléaires exigent l’arrêt des chantiers français et finlandais de l’EPR, le réacteur de troisième génération. "C’est la faillite de l’option “centrales nucléaires + chauffages électriques” censée assurer notre indépendance énergétique", dénonce le réseau Sortir du nucléaire. "Aucune politique d’économies d’énergie n’a jamais été lancée en raison du coût du nucléaire", accuse Greenpeace.

D’autres concluent à l’urgence d’investir dans les nouvelles technologies. "Les électriciens doivent agir sur la maîtrise de la consommation en utilisant compteurs et réseaux intelligents, indique Colette Lewiner, du consultant Capgemini. L’installation de ces compteurs dans le tertiaire et chez les particuliers permettra de mieux gérer les pics de demande, d’améliorer le pilotage du réseau et de créer de nouvelles relations avec le client." EDF ou GDF Suez doivent aussi, selon elle, déployer des "smart grids" (réseaux intelligents) permettant à la distribution de gérer les productions centralisées (nucléaire…) et décentralisées ou intermittentes (éolien…).

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