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A Epernay, la dérive d'une bande de jeunes en rupture sociale

Commettant régulièrement des incivilités, une quinzaine de jeunes serait à l'origine de l'agression violente d'un policier dans un quartier sensible

Par Luc Bronner

Publié le 10 mars 2010 à 12h23, modifié le 10 mars 2010 à 12h23

Temps de Lecture 3 min.

REPORTAGE

Le retraité montre un bâtiment du doigt et désigne les groupes de jeunes qui s'y retrouvent régulièrement. Le vieil immigré, qui habite depuis quarante ans dans le quartier de Bernon, à Epernay (Marne), secoue la tête d'incompréhension. "Pourquoi une telle violence ? On n'a jamais connu une chose pareille ici." Lundi 8 mars, vers 16 heures, un groupe de 10 à 15 jeunes a violemment agressé une patrouille de police qui tentait d'interpeller un homme du quartier repéré au cours d'un contrôle routier.

Les policiers ont alors été "caillassés" et un fonctionnaire touché par un morceau de béton, lancé en plein visage à quelques mètres de distance. Très grièvement blessé, le brigadier-chef, âgé de 49 ans, père de deux enfants, a été placé en coma artificiel. Son pronostic vital est "engagé", selon le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, qui devait se rendre sur place mercredi. Après l'agression, sept voitures ont été incendiées. Aucune interpellation n'a pu être effectuée mais l'enquête policière s'oriente vers un groupe de jeunes "en rupture".

Sur le parking devant la mairie de quartier, le retraité accepte de témoigner mais ne veut pas donner son nom par peur des représailles. Comme beaucoup d'habitants, excédés par les incivilités régulières, notamment les rodéos en moto ou les jets de pétards, il n'a quasiment aucun doute sur l'identité des agresseurs : une petite quinzaine de jeunes, de 15 à 25 ans, déscolarisés, en rupture sociale, qui traînent dans le quartier où vivent 2 800 personnes sur les 31 000 habitants de la commune. "C'est presque que des Noirs, assure le vieil immigré marocain. Ils ont plus de parents ou alors c'est leurs mères qui les élèvent seules. Elles se retrouvent avec six, huit ou dix enfants, et n'y arrivent pas."

Dans son bureau de l'hôtel de ville, le maire, Franck Leroy (divers droite), qui a succédé à Bernard Stasi en 2000, livre un constat similaire. Un phénomène de groupe ou de "bandes" avant d'être un "problème de banlieue" même si la cité est classée zone urbaine sensible (ZUS) et si les rappeurs "gangsta" du cru, extrêmement influents auprès des jeunes, utilisent tous les codes du "ghetto" dans leurs chansons de "résistance".

"Désoeuvrement"

"On n'est pas dans l'expression de la révolte d'un quartier mais dans les agissements d'un groupe d'une douzaine de jeunes en voie de marginalisation. La plupart, d'origine africaine, sont en échec scolaire et professionnel", souligne le maire. Il s'inquiète de la dérive d'adolescents "livrés à eux-mêmes" et s'alarme de l'absence d'autorité parentale : "Les pères sont très peu présents ou ont complètement disparu. On ne les voit jamais dans les réunions."

En dehors de ces effets de bande, le quartier avait, jusque-là, échappé aux phénomènes de violences urbaines. En 2005, pendant la crise des banlieues, pratiquement aucun incident n'avait été enregistré. "De temps en temps, il peut y avoir quelques "caillassages" mais ce n'est jamais allé très loin. Surtout, jusqu'à présent, ils avaient toujours visé les véhicules, pas les policiers eux-mêmes avec l'idée de les blesser", note le maire.

Un peu de trafic de stupéfiants mais dans des proportions modestes. "On reste dans un petit trafic local", signale le commissaire, Philippe-Antoine Bouquin.

Les autorités reconnaissent toutefois l'existence d'une coupure entre la cité HLM, concernée par les opérations de rénovation urbaine, et le reste de la ville. "Ce qui me frappe, c'est le désoeuvrement de toute une jeunesse touchée par le chômage. C'est encore plus vrai dans le quartier", souligne Daniel Lemaire, conseiller général (PS). Une séparation résumée par l'avenue de Champagne, où sont implantés les magnifiques hôtels particuliers des grandes maisons viticoles, et qui conduit, à quelques centaines de mètres de là, au quartier de Bernon, avec ses routes défoncées, ses immeubles vétustes. Et, désormais, une réputation de cité sensible.

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