Une "réforme sérieuse, rigoureuse, qui assure la sécurité des Français". Christiane Taubira a détaillé samedi 24 août à l'université d'été du PS sa future, et controversée, réforme pénale, confirmant la création d'une "peine de probation", hors prison, et de mesures pour renforcer les sorties aménagées de détention.
La garde des sceaux, qu'une polémique à distance a opposée à son collègue de l'intérieur Manuel Valls autour de ce projet, a été accueillie par une "standing ovation". Elle a livré une violente charge contre dix années de politique de droite caractérisée par "la fermeté dans les mots et le creux dans l'action" et qui ont selon elle abouti à ce que "la prison ne peut pas remplir son rôle".
Selon elle, son projet permettra d'améliorer la réinsertion par la "construction avec le détenu d'un projet pour lui permettre de devenir à sa sortie un citoyen libre et responsable".
PAS DE LIBÉRATION "AUTOMATIQUE"
Alors que les fuites se sont multipliées autour du texte, sur lequel la ministre de la justice a reconnu que les derniers arbitrages restaient à rendre, Mme Taubira a notamment confirmé la création d'une "peine de probation, (...) en milieu ouvert, restrictive de liberté que nous appelons la contrainte pénale".
Elle ne concernera que les délits punis de 5 ans de prison ou moins et les juges pourront "bien entendu" prononcer à la place des peines de prison.
La ministre a par ailleurs rappelé sa volonté de "réduire de façon drastique les sorties sèches" de prison, "sans contrôle et sans contrainte", "facteurs aggravants pour la récidive".
"Nous savons qu'il faut un retour progressif à la liberté (...)C'est pour ça que nous avons mis en place un dispositif de libération sous contrôle et sous contrainte, qui n'est absolument pas automatique, mais qui rend obligatoire l'examen aux deux-tiers de l'exécution de la peine du dossier du détenu", pour envisager des mesures d'aménagement.
Soulignant que les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation seraient "les piliers de cette réforme pénale", Mme Taubira a rappelé son engagement à en embaucher quelque 300, un chiffre que les syndicats jugent toutefois insuffisant.
PASSE D'ARMES AVEC VALLS
Ces deux dispositions étaient parmi les mesures attendues les plus critiquées. L'élaboration du texte a d'ailleurs donné lieu à une passe d'armes entre Mme Taubira et M. Valls, qui a écrit au président Hollande pour exposer ses "désaccords" et réclamer un arbitrage sur ce sujet politiquement "sensible". Sa lettre avait fuité dans Le Monde, portant le débat sur la place publique.
Le premier ministre Jean-Marc Ayrault avait ensuite semblé prendre le dossier en main, soulignant qu'il n'y aurait "pas de peines automatiques, comme il n'y aura pas non plus de libérations automatiques". La nouvelle loi, qui devrait être en conseil des ministres en septembre ou début octobre, doit ainsi matérialiser l'engagement de François Hollande à supprimer les peines plancher.
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Dans l'entourage de M. Valls, qui avait quelques heures plus tôt affiché à La Rochelle sa "loyauté absolue" envers le président Hollande, on se refusait à commenter ces annonces, soulignant que la position du ministre était connue depuis la fuite de sa lettre et que les arbitrages "se font dans les bureaux", pas à l'université d'été du PS.
Les deux ont en tout cas échangé encore quelques piques indirectes. "J'aime prendre des coups, j'aime aussi en donner," avait glissé le ministre de l'intérieur. "Les coups je sais les prendre, les rendre je ne déteste pas", lui a fait écho sa collègue de la justice.
"UNE PURGE DES PRISONS"
Mme Taubira s'est exprimée lors d'un débat auquel participait la présidente du syndicat de la magistrature, favorable à la réforme, mais qui s'interroge sur "les moyens qui seront mis en place" et fait par d'une certaine "désillusion" face à la politique du gouvernement.
De son côté le syndicat majoritaire, l'union syndicale des magistrats, a regretté n'être pas informé officiellement "de la teneur" du projet. "La peine de probation n'est pas financée et les juges d'application des peines, en nombre déjà insuffisants, ne pourront absorber plus d'activité", a jugé son président, Christophe Régnard.
A l'UMP, le député Frédéric Lefebvre a assuré n'être pas opposé à la peine de probation à condition "qu 'elle ne soit jamais prononcée s'il y a eu violence physique", alors que Christian Estrosi dénonçait le "scandale" d'une "purge des prisons".
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