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Le gouvernement peut-t-il dissoudre Génération Identitaire?

Le groupuscule Génération identitaire au balcon d’un bureau de la Commission européenne à Paris, le 23 mai 2015. MATHILDE GIRAUD/AFP

Le gouvernement a annoncé mercredi qu’il envisageait de dissoudre le groupe d’extrême droite Génération identitaire, à la suite de l’occupation illégale de plusieurs de ses militants des locaux de la CAF de Bobigny, en Seine-Saint-Denis.

Génération identitaire semble avoir fait l’action «coup de poing» de trop. Vendredi 29 mars, des militants de ce groupe anti-immigration ont déployé une banderole géante depuis le toit de la Caisse d’allocations familiales de Seine-Saint-Denis. Une banderole sur laquelle il était écrit: «De l’argent pour les Français. Pas pour les étrangers!». Après plusieurs heures d’occupation, dix-neuf d’entre eux ont été arrêtés. Une action que Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Santé, en visite sur le lieu mercredi, a qualifié de «prise d’otages des agents et du service public».

Elle a également indiqué qu’elle allait «entrer en contact» avec le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner et de la Justice Nicole Belloubet «pour voir comment on pouvait dissoudre ce groupe». Le cabinet de Christelle Dubos nous précise qu’au-delà de dénoncer l’action et d’attendre le jugement de ces dix-neuf personnes, le 14 novembre prochain pour entrave à la liberté du travail, «il faut apporter une réponse politique» et «faire le point» sur les démarches déjà menées et les moyens pouvant être mis en œuvre pour une possible dissolution.

Des actions symboliques

En février déjà, lors du dîner annuel du Conseil représentatif des organisations juives de France, Emmanuel Macron avait demandé la dissolution de trois autres organisations d’extrême droite: Bastion social, Blood and Honour Hexagone et Combat 18. Une annonce qui fait écho avec celle de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, en juillet 2013. Il avait procédé à la dissolution de cinq groupuscules d’extrême droite à la suite de la mort de Clément Méric le 25 juin 2013. Pourtant, à la différence de ces groupes disparus, Génération identitaire ne représente pas une menace pour la sûreté de l’Etat au sens où la violence ne fait pas partie de leur ‘‘ADN’’. Ses membres se contentent d’actions symboliques, à l’aide de banderoles aux slogans éloquents. Sur quel fondement juridique le ministre de l’Intérieur peut-il ainsi se prévaloir pour sa dissolution?

« Aujourd’hui une partie de la population partage les idées que défend Génération identitaire. Politiquement c’est donc compliqué »

Nicolas Lebourg, historien, spécialiste de l’extrême droite

«C’est très délicat, car l’argument principal pour dissoudre un groupe est habituellement la violence. Là, il n’y en a pas. Il n’y a pas assez d’éléments», explique Nicolas Lebourg, historien, spécialiste de l’extrême droite et membre de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean Jaurès. La seule base possible pour invoquer une dissolution serait le sixième point de l’article L212-1 du code de la Sécurité intérieure qui évoque la provocation «à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence». «Là encore, ça reste délicat car aujourd’hui une partie de la population partage les idées que défend Génération identitaire. Politiquement c’est donc compliqué, ce n’est pas le biais le plus simple, analyse Nicolas Lebourg. Lorsque Manuel Valls a procédé à des dissolutions en 2013, certains des groupes visés assumaient ouvertement être un mouvement fasciste et remettre en cause la forme républicaine du régime, c’était plus simple pour les appréhender».

Des conséquences contre-productives

La dissolution voulue par le gouvernement, ainsi que celles annoncées en février dernier par le président de la République, peuvent également avoir des conséquences néfastes et contre-productives. «Avec Génération identitaire on reste sur des actions symboliques, si on dissout ce mouvement et qu’on les sort de leur cadre, qu’est-ce qu’il advient après? Ils peuvent se radicaliser et passer à la violence plus dure, de type terroriste, envers certaines communautés. On a constaté dans les années 70, que la dissolution de certains groupes avait multiplié par quatre les attentats en Corse, s’alarme le spécialiste de l’extrême droite. Si on prive Génération identitaire de ses actions symboliques, ça peut être dangereux».

L’historien ajoute même qu’une dissolution peut «moderniser» ces militants d’extrême droite. En faisant cela, «on leur permet de faire l’inventaire et d’abandonner certaines références, certains procédés». Un abandon qui leur permet «d’être écouté par les gens par la suite», de paraître plus «fréquentable». Il est également déjà arrivé que le Conseil d’Etat annule des décrets de dissolution par manque de motivation juridique. Ce fut le cas pour l’association «Envie de rêver», gestionnaire du local de réunion du groupuscule «Troisième voie», dissous par Manuel Valls en 2013 après l’affaire Méric. Une déconvenue qui peut renforcer le groupuscule visé et son sentiment de légitimité.

Le gouvernement peut-t-il dissoudre Génération Identitaire?

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662 commentaires
  • ISAL

    le

    Et les black blocs peuvent tout détruire mais ils respectent surement la loi et sont surement des pacifistes qui ne savent pas s'y prendre !!!
    Bien évidement ils ne seront jamais inquiétés par des gouvernements bien incapables de les museler juridiquement Cherchez l'erreur !!!!

  • pokoupatel

    le

    on dissout pas les black blocs qui mettent Paris à sac mais on voudrait dissoudre GI pour une action visant à faire appliquer la loi (bloquer les clandestins aux frontières !) ? Et la justice serait indépendante dans notre pays ? On verra si la condamnation est confirmée en appel et on aura la réponse !!

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