Pourquoi le bitcoin fait craindre un désastre écologique

La monnaie virtuelle qui vient de faire irruption dans le monde de la finance traditionnelle repose sur un système très énergivore.

 D’autres crypto-monnaies sont réputées plus vertes que le bitcoin.
D’autres crypto-monnaies sont réputées plus vertes que le bitcoin. Reuters / Dado Ruvic

    On le sait, l'économie repose sur la confiance. Bien qu'inspirant beaucoup de scepticisme, le nouvel eldorado que représente le bitcoin, mère des monnaies virtuelles qui a fait son entrée à la bourse de Chicago dimanche, ne peut faire exception à cette loi fondamentale.

    Dans l'économie actuelle, la confiance s'appuie en partie sur le système bancaire. Le bitcoin, lui, exclut les banques du jeu. Comment assurer alors aux détenteurs de monnaie qu'ils ne seront pas floués? C'est le rôle de la « blockchain ». Cette technologie sur laquelle repose le bitcoin fonctionne comme un livre de compte : toutes les transactions y sont renseignées, cryptées mais accessibles à tous les utilisateurs. Les données ne peuvent a priori pas être falsifiées.

    La confiance reposant aussi sur la sécurité, surtout dans un univers numérique, il a fallu trouver un épouvantail algorithmique qui dissuade les pirates : la « preuve de travail » (« proof of work », en anglais). Pour valider une transaction en bitcoins, des calculs très compliqués sont soumis aux « mineurs », les internautes qui mettent leurs capacités informatiques à disposition du réseau bitcoin. Le mineur qui a trouvé la solution le premier la partage avec la communauté. Au passage, il est récompensé en bitcoins, seul moyen aujourd'hui d'extraire cet or 2.0.

    Facture en hausse

    C'est là où le bât blesse. Résoudre les équations permettant de valider les transactions nécessite une forte consommation d'électricité. Le site Digiconomist d'Alex de Vries, analyste chez PricewaterhouseCoopers, estime qu'il faut aujourd'hui plus de 32 TWh pour venir à bout de ces calculs. Soit plus que la consommation électrique annuelle du Maroc ou de la Serbie! L'Irlande et le Liban sont également dépassés.

    Du fait de la flambée du bitcoin et donc de son attrait —que son intrusion dans le monde réel à Chicago ne devrait pas diminuer—, sa facture en électricité devrait augmenter à vitesse grand V. Le nombre de transactions quotidiennes avoisine désormais les 350 000, contre 250 000 il y a un an, selon la société Blockchain. Soit la consommation quotidienne de 2,8 millions d'Américains, une seule transaction équivalant aux besoins quotidiens de huit foyers outre-Atlantique.

    La méthode de la « preuve de travail », choisie pour valider les transactions, est contestée. Car elle nécessite une débauche d'énergie pour rien : elle implique de plus en plus de mineurs, quand le travail d'un seul est utile à la résolution de l'équation. Afin que le minage soit rentable en bitcoins, les internautes doivent se doter d'un matériel informatique toujours plus important. Ou se regrouper. Dans les faits, seules de grosses structures, les fermes de minage, sont capables de rivaliser en termes de puissance de calcul.

    Du charbon au virtuel

    « Ce n'est plus à la portée des internautes isolés. Cela s'adresse désormais à des entrepreneurs installés dans des endroits où l'électricité est peu chère et où l'attitude des autorités est favorable », confirme Michel Berne, enseignant-chercheur à Télécom Ecole de management de l'Institut Mines Télécom. Les sources, dont la BBC, s'accordent pour attribuer plus de 70 % de cette activité à la Chine. Où la production d'électricité est largement dépendante du charbon...

    Des professionnels du secteur prennent néanmoins conscience du danger, comme le fournisseur de technologies blockchain Bitfury, qui investit dans des solutions plus écologiques. Des crypto-monnaies plus « vertes » que le bitcoin ont vu le jour, comme le SolarCoin, qui marche au photovoltaïque, ou encore ChiaNetworks. Elles délaissent progressivement la « preuve de travail » et mettent en avant d'autres méthodes de validation des transactions moins énergivores.

    « Tant que ces monnaies reposeront sur la technologie blockchain, le problème ne sera pas réglé », poursuit Michel Berne. « L'énergie demandée pour une transaction en Ethereum [premier concurrent du bitcoin qui, contrairement à lui, n'utilise pas la "preuve de travail", ndlr] n'est que cinq fois moindre. » Pour une sécurité qui, selon les spécialistes, n'est toutefois pas garantie.