Le Sovaldi sera remboursé à 100 %

Un décret publié hier annonce que le prix de ce médicament du laboratoire Gilead est tombé à 41 000 â?¬ la cure. Mais qui a gagné, du patient, de la Sécu ou du labo ?

Le Sovaldi sera remboursé à 100 %

    Le laboratoire américain Gilead réclamait 56 000 â?¬ par cure de trois mois de traitement au Sovaldi. Finalement, les dix mois de négociations avec le comité économique des produits de santé (CEPS) se soldent, selon un décret paru hier, par un prix de remboursement par l'Assurance maladie de 41 000 â?¬ la cure de trois mois. Ce médicament, déjà prescrit à 14 000 patients grâce au régime spécial de l'autorisation temporaire d'utilisation (ATU), se révèle très efficace contre l'hépatite C qui touche 230 000 personnes en France. Mais les prétentions tarifaires élevées de Gilead ont vite suscité des protestations. Les discussions, « âpres », selon certains, ont permis de faire reculer le prix de 27 %, soit 5 000 â?¬ de moins par boîte de 28 comprimés. Pour limiter l'envolée des dépenses, l'accord secret passé entre les pouvoirs publics et Gilead prévoit cependant un volume -- secret, donc -- de ventes annuelles au-delà duquel le laboratoire devra reverser une partie de son chiffre d'affaires à l'Assurance maladie. Ce n'est donc qu'en fin d'année qu'on connaîtra le coût réel du Sovaldi.

    Dès hier matin, le ministère de la Santé s'est félicité d'avoir obtenu le « prix public le plus bas d'Europe ». En réalité, plus bas que l'Allemagne (48 810 â?¬) et la Grande-Bretagne (44 655 â?¬). En Italie et en Espagne, les négociations avec le laboratoire ne sont pas terminées.

    Le décret, paru hier, annonce aussi que « compte tenu de son caractère irremplaçable et coûteux », le Sovaldi sera pris en charge à 100 %. Entre 15 000 et 25 000 patients par an, selon les sources, pourront en bénéficier, même si hier le CISS (Collectif interassociatif sur la santé), qui représente les usagers de la santé, et la députée européenne Michèle Rivasi dénonçaient un « rationnement de soins ».

    Sur une échelle de gravité de l'hépatite C allant de F0 (aucun symptôme) à F4 (le plus grave), les malades de niveau F2 à F4 seront pris en charge. Cependant, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) a fixé un plafond annuel de dépenses pour l'hépatite C : 450 Mâ?¬ en 2014 et 700 Mâ?¬ en 2015. Tout dépassement devra être remboursé. Ainsi, en 2014, l'Assurance maladie a dépensé environ 600 Mâ?¬ pour l'hépatite C. Gilead et les laboratoires impliqués dans son traitement devront donc rendre 150 Mâ?¬ à la Sécu, proportionnellement à leur part d'un marché dont... la Sovaldi est le leader.

    Selon Michel Joly, président de Gilead France, « le gagnant, c'est le patient », car, dit-il, « 15 000 à 20 000 malades pourront être soignés chaque année, ce qui veut dire une quasi-disparition de l'hépatite C en France d'ici dix-quinze ans. Du jamais-vu en matière de maladies chroniques ! »

    Mais Gilead est lui aussi gagnant si l'on en croit l'étude révélée au printemps qui évalue le coût réel d'une cure de Sovaldi à... 200 â?¬. Il est même doublement gagnant car, hier, son médicament de nouvelle génération, Harvoni, qui associe le Sovaldi et un antiviral, a obtenu une autorisation temporaire d'utilisation et peut être prescrit dès aujourd'hui pour 56 300 â?¬ la cure avec un taux de guérison attendu de 95 %. Nul doute, donc, que le cher Harvoni va rapidement détrôner Sovaldi. « C'est pour ça qu'on l'a fait », reconnaît Michel Joly.