Affaire Théo à Aulnay-sous-Bois : les activités troubles de son frère

Mickaël Luhaka, 33 ans, est soupçonné d'avoir multiplié les fraudes dans la gestion d'associations de quartiers et de sociétés où se retrouvent plusieurs membres de cette famille d'Aulnay-sous-Bois.

CAPTURE ECRAN. Mickael Luhaka, ici sur le plateau de "C à vous", est le président de l’association Aulnay Events.
CAPTURE ECRAN. Mickael Luhaka, ici sur le plateau de "C à vous", est le président de l’association Aulnay Events. France 5

    Prévention de la violence dans les quartiers, enseignement des sports de combat, formation de footballeurs... la famille de Théo a fait preuve d'un solide esprit d'entreprise ces dernières années dans les quartiers. On recense la création d'au moins cinq associations ou sociétés commerciales depuis 2011. Toutes dans le collimateur de l'inspection du travail ou de la justice, bien avant le viol présumé du jeune homme lors d'une interpellation brutale, le 2 février dernier. Comme «le Parisien» l'a révélé vendredi, une enquête préliminaire a été ouverte à Bobigny (Seine-Saint-Denis), en juin 2016, pour « suspicion d'abus de confiance et escroquerie ». Elle porte sur le fonctionnement trouble de ces structures et sur l'utilisation de plusieurs centaines de milliers d'euros de fonds publics par le biais de contrats d'accompagnement à l'emploi.

    Mauvaise gestion par manque de formation ou réelle escroquerie? La plupart de ces structures sont aujourd'hui en liquidation judiciaire, et ses dirigeants, Mickaël et Grégory, les frères de Théo, parfois assignés ou condamnés aux prud'hommes. Par ailleurs, plusieurs centaines de milliers d'euros de cotisations sociales, notamment Urssaf, restent dues. L'inspection du travail a effectué deux signalements auprès du procureur de la République de Bobigny, en avril, puis en août 2016.

    L'association Aulnay Events, domiciliée avenue Bourdelle à Aulnay-sous-Bois, est notamment dans le collimateur des enquêteurs. Elle aurait reçu, entre janvier 2014 et juin 2016, 678 000 € de subventions d'Etat, dont 170 000 € ont été directement virés sur les comptes de huit membres de la famille. Théo a perçu à lui seul 52 000 €. Un flux financier inexpliqué. Précédemment, selon l'inspection du travail, le jeune homme aurait bénéficié d'un emploi d'avenir, avec un contrat de travail d'un an, du 25 janvier 2013 au 26 mai 2014, fourni par une société de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne), radiée depuis, et dont le gérant était déjà son frère Mickaël. Un emploi qui interroge les enquêteurs.

    Le but déclaré d'Aulnay Events était de lutter contre les violences dans le département, mais l'association était classée dans la catégorie « club de sport ». Elle a embauché 42 emplois d'avenir en 2014 proposés par la mission locale d'Aulnay. Mais des doutes sont très vite apparus sur les activités réelles des jeunes recrutés qui semblaient surtout jouer au foot, et sur le versement intégral de leurs salaires. Selon nos informations, l'enquête de l'inspection du travail aurait été très difficile, compte tenu de l'omerta entourant l'association...

    Des ex-employés disent ne jamais avoir été rémunérés

    Michaël et son frère Grégory ont multiplié les créations d'associations ou de structures commerciales. A chaque fois, selon le même mode de recrutement de salariés et les mêmes soupçons de fraude : « Attention, je suis un entrepreneur à la base, je fais beaucoup de projets, je me suis souvent loupé car je n'ai pas les compétences », nous a expliqué Mickaël dans une interview jeudi.

    Ainsi, en 2011, Mickaël et Grégory créent la SARL Institut du football privé. Le but est de se servir du football pour attirer des jeunes susceptibles de suivre une formation et trouver ensuite un emploi. Un projet noble, mais qui finit en eau de boudin. La société est assignée aux prud'hommes par plusieurs employés. Deux d'entre eux nous ont contactés à la suite de nos révélations. Recrutés sous contrat d'avenir, aucun des employés n'a été rémunéré, ni déclaré à l'Urssaf. Ce que confirme un jugement des prud'hommes que nous avons consulté : « La dissimulation d'emploi est avérée [...] », tout comme le fait que le dirigeant « était conscient de son comportement qui s'analyse clairement à de la fraude ». La SARL a été condamnée en septembre 2015 à verser plus de 30 000 € au formateur sportif. « J'ai été réglé, il y a seulement quinze jours par l'Etat, pas par les dirigeants, ils sont en liquidation judiciaire », explique l'intéressé.

    D'autres projets, d'autres associations vont voir le jour. Dans son signalement d'août 2016, l'inspection du travail observe : « Au regard de la persistance des fraudes multiformes constatées, nous sommes d'avis qu'il est nécessaire de diligenter une enquête de police circonstanciée, tant sur les faits que sur l'ensemble des activités opérées par la famille Luhaka vraisemblablement à partir de leur domicile, et d'enquêter sur leurs revenus et leurs biens, ce qui pourrait constituer un réseau de fraude [...]. » Aujourd'hui Mickaël, interdit bancaire, vit avec ses frères et sœurs chez ses parents. « On n'a rien », affirme-t-il.