Délinquance : Paris, capitale des cambriolages

Si le nombre de vols à main armée et de vols de véhicules a sensiblement baissé l’an dernier, celui des cambriolages a en revanche bondi… de plus de 16 %.

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 12 218 logements parisiens –?résidences principales et résidences secondaires confondues – ont été visités l’an dernier. LP/T.S.

    Les plans ciblés de lutte contre les vols dans les commerces, les vols à l'arraché ou l'utilisation renforcée de la vidéo-surveillance ont-ils payé ? Le bilan de la délinquance constatée à Paris l'année dernière, que nous publions, est marqué par un recul de plusieurs types de faits.

    Les vols à main armée, en particulier, ont chuté de près de 9 % entre 2017 et 2018 et de plus de 55 % durant les 5 dernières années ! Même baisse pour les vols avec violence (mais sans arme) qui ont chuté de 6 % en 2018 par rapport à l'année précédente.

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    / Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 12 218 logements parisiens –?résidences principales et résidences secondaires confondues – ont été visités l’an dernier. LP/T.S.

    Mais ces bons résultats, complétés par un léger recul des vols de voitures, ne suffisent pas à masquer la hausse spectaculaire de deux autres indicateurs : celui du nombre de violences sexuelles et des cambriolages constatées qui ont littéralement bondi (respectivement de 25 % et de 16 %) par rapport au précédent bilan.

    « La hausse du nombre d'agressions sexuelles n'est pas propre à Paris. C'est un phénomène national », s'empressent de préciser unanimement les observateurs de la sécurité dans la capitale. En cause : l'effet « Weinstein » (du nom de ce producteur américain accusé de harcèlement sexuel), le mouvement #metoo qui a suivi, et la libération de la parole qui ont conduit les victimes à se tourner plus facilement vers la police et la justice.

    Le nombre de plaintes pour violences sexuelles avait déjà augmenté de 7,6 % en 2017 (année de révélation de l'affaire Weinstein). Le phénomène s'est amplifié l'année dernière à Paris… mais dans les mêmes proportions que dans les départements voisins.

    1700 appartements de plus qu'en 2017

    En revanche, la hausse « exponentielle » du nombre de cambriolages enregistrés dans la capitale l'an dernier (qui intervient après 5 années consécutives d'augmentation) apparaît comme une spécificité parisienne. D'autant plus préoccupante que le nombre de cambriolages recensés a baissé ou est resté quasi stable l'an dernier dans les 3 autres départements d'Ile-de-France qui dépendent aussi de la préfecture de police de Paris : - 7,83 % dans les Hauts-de-Seine, - 1,13 % dans le Val-de-Marne et + 0,08 % en Seine-Saint-Denis.

    Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, ce sont ainsi 12 218 logements parisiens – résidences principales et résidences secondaires confondues – qui ont été visités l'an dernier. Soit 1 700 de plus qu'en 2017. C'est un peu comme si l'ensemble du parc immobilier du Ier arrondissement (l'un des moins peuplés de Paris) avait été cambriolé en un an. A la préfecture de police de Paris, on explique partiellement cette hausse par « l'attractivité » et par la « richesse » de la capitale qui se retrouve victime d'une délinquance importée.

    Un tiers des cambrioleurs sont des mineurs

    Maigre consolation pour les habitants cambriolés : l'amélioration des moyens de lutte contre les cambriolages (lire ci-dessous) a permis une hausse spectaculaire du taux d'élucidation, passé l'an dernier à 14,9 % contre seulement 8,5 % deux ans plus tôt. Un responsable de la préfecture de police nuance cependant ce résultat en rappelant que près d'un tiers des cambrioleurs interpellés sont des mineurs moins susceptibles de sanctions pénales que leurs ainés.

    « La hausse des cambriolages, qui ne date pas de l'an dernier, est un vrai sujet de préoccupation », confirme Colombe Brossel, adjointe (PS) à la maire de Paris en charge de la sécurité. « Cela dépend de la police nationale. Mais, à notre niveau, nous pouvons mobiliser nos bailleurs sociaux pour qu'ils rappellent les règles de bon sens à leur locataires : fermer les portes des halls derrière soi, faire le 17 en cas de bruits suspects chez le voisin, etc. Un grand nombre de flagrant-délits peuvent être réalisés… quand la police est alertée. »

    « ON EN A TOUS ÉTÉ VICTIMES AU MOINS UNE OU DEUX FOIS »

    Isabelle (*) a fini par jeter l'éponge. Après avoir vécu pendant plus de 13 ans dans un appartement du quartier Evangile (un secteur enclavé du nord du XVIIIe), cette mère de famille vient de déménager pour Montparnasse (XIVe). « Pour me rapprocher de mon boulot… Mais surtout pour être plus tranquille », espère la locataire qui ne compte plus les vols ou les tentatives de vols dont elle a été victime dans son ancien logement.

    « Mon box de stationnement, situé dans un parking souterrain qui avait été incendié il y a quelques années, a été fracturé deux fois. Les voleurs ont à chaque fois cassé la voiture, juste pour prendre des bricoles à l'intérieur. Il y a quelques jours, on m'a volé un carnet de chèques dans ma boîte aux lettres, dans le hall de l'immeuble. Et j'ai porté plainte deux fois pour des tentatives d'effraction dans mon appartement. Le tout en à peine deux ans. Ça fait beaucoup ! », soupire Isabelle, tout de même satisfaite que sa serrure « de très bonne qualité » ait résisté lors des deux tentatives.

    Plusieurs voisins de la petite résidence de la rue Tristan-Tzara qu'elle occupait jusqu'à la semaine dernière ont eu moins de chance. « Ici, tout le monde a été victime d'un cambriolage au moins une ou deux fois », assure Isabelle qui déplore que le quartier résidentiel coincé entre des lignes ferroviaires soit progressivement laissé à l'abandon.

    « Quand je me suis installée, il y avait encore un poste de police à proximité. Il a fermé. Puis la Sécu est partie, le bureau de poste aussi… Désormais, en journée, dans le quartier, il n'y a quasiment plus personne », note-t-elle en rappelant que la majorité des cambriolages commis dans son bâtiment ont eu lieu l'après-midi. Gérés par le bailleur Batigère et occupés par beaucoup de bénéficiaires du 1 % patronal (des actifs absents durant la journée), les bâtiments de la résidence sont tous fermés par un système de doubles portes, avec digicode et badge magnétique.

    « Mais cela n'empêche pas les gens déterminés de rentrer. La gardienne de la résidence, non plus. Elle est très vigilante. Elle fait des inspections régulières dans les parties communes… mais elle ne peut pas être partout », conclut Isabelle qui a préféré partir. « A Montparnasse, mon nouveau logement est dans un immeuble très bien sécurisé et dans un lieu moins isolé qu'à Evangile », rappelle l'ex-habitante du XVIIIe qui espère en avoir fini avec les dépôts de plainte et les déclarations d'assurance.

    *Le prénom a été changé

    «LES VOLEURS SONT ATTIRÉS PAR LA CONCENTRATION DE RICHESSES»

    Serge Quilichini est directeur-adjoint de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne. Il s'exprime sur la forte hausse du nombre de cambriolages constatée à Paris en 2017.

    Comment expliquez-vous la hausse continue du nombre de cambriolages à Paris, alors qu'il baisse dans le reste de l'Ile-de-France ?

    Serge Quilichini. Cela peut sembler une évidence. Mais Paris est au centre ! Au centre des réseaux de transports en commun et au coeur de l'activité économique. Le taux d'activité y est plus important que dans le reste de l'Ile-de-France, ce qui veut dire qu'il y potentiellement plus d'appartements vides en journée. La densité d'habitation y est plus dense. Les malfaiteurs qui veulent taper des appartements peuvent avoir plus de cibles dans un très petit périmètre. Et le niveau de vie y est plus élevé. Cette concentration de richesses attire les voleurs.

    Les cambrioleurs ont-ils des arrondissements de prédilection ?

    Paradoxalement, non. Les arrondissements de l'ouest parisien, les plus aisés, peuvent sans doute garantir des butins plus importants. Mais lorsque l'on regarde la cartographie des cambriolages commis, on s'aperçoit que toute la capitale est concernée par le phénomène. D'abord parce qu'il y a des « îlots de prospérité » dans tous les arrondissements. Ensuite parce les habitants disposent de systèmes de sécurité (portes blindées, alarmes...) plus poussés dans les secteurs les plus riches.

    Quelle peut être la réponse policière à la multiplication des cambriolages ?

    Désormais, nous établissons une cartographie, quasiment en temps réel, de tous les cambriolages constatés. Cela nous permet d'adapter le déploiement des patrouilleurs et la surveillance de terrain en fonction des besoins. Nous avons par ailleurs recours à la police scientifique et technique dans 100% des affaires d'effraction chez les particuliers. Ce travail qui porte ses fruits a conduit à une amélioration du taux d'élucidation de près de 20% l'an dernier. Nous avons interpellé 405 mis en cause dans des affaires de cambriolages de plus que l'année précédente.

    Comment les habitants peuvent-ils se protéger ?

    Le premier levier pour limiter les cambriolages, c'est la prévention. C'est la raison pour laquelle nous travaillons, avec les mairies, à la mise en place de campagnes de communication pour rappeler aux gens des règles de bon sens... pas toujours respectées. Par exemple : fermer ses fenêtres la nuit, même si l'on se trouve dans les étages élevés et qu'il fait chaud. Nous invitons également les Parisiens à s'inscrire dans le dispositif tranquillité vacances (ndlr : qui fonctionne toute l'année contrairement à ce que son nom indique) lorsqu'ils partent. Cette inscription qui entraîne un passage quotidien d'une patrouille à leur domicile durant leur absence est malheureusement trop peu utilisé.