Paris : le quartier Balard, miné par le trafic de drogue

Chaque jour, des groupes de 20 à 30 jeunes se retrouvent dans ce quartier familial du XVe arrondissement. Des coups de feu ont même été tirés en pleine rue jeudi dernier. Les résidents sont à bout.

 Paris XVe, mercredi. A l’angle de la rue Balard et de la rue de la Montagne-de-la-Fage, ainsi qu’à l’intérieur du parc André-Citroën, les trafics se multiplient depuis le mois de juin.
Paris XVe, mercredi. A l’angle de la rue Balard et de la rue de la Montagne-de-la-Fage, ainsi qu’à l’intérieur du parc André-Citroën, les trafics se multiplient depuis le mois de juin. LE PARISIEN

    « On appelle la police 5 fois par nuit », témoigne une habitante du petit quartier Modigliani-Balard (XVe). Comme d'autres riverains, elle en a marre.

    Dans ce secteur de Paris réputé pour être paisible et familial, les habitants sont excédés par « la musique à fond jusque 5 heures du matin », les trafics de drogue en pleine rue, et le sentiment d'insécurité « surtout pour les enfants » : une crèche, un collège et une école maternelle sont notamment à proximité des points de deal.

    Des tirs en pleine rue

    La tension a atteint son apogée jeudi dernier : dans la rue Saint-Charles, plusieurs coups de feu sont tirés vers 21 h 30. Au total, « 5 personnes ont été interpellées et placées en garde à vue et un véhicule vide a été retrouvé dans la rue Vasco-de-Gama », confirme la préfecture de police de Paris.

    « Tout le monde courait dans tous les sens, rapporte un témoin de cette nuit de tensions. Le quartier a été bouclé ». Heureusement, personne n'a été blessé.

    Des trafics de stupéfiants à la vue de tous

    Si la vente de drogue n'est pas nouvelle dans le secteur, les habitants constatent une recrudescence depuis la mi-juin, « avec l'arrivée des beaux jours ». Les dealers se retrouvent dès 15 heures tous les jours au croisement des rues Balard, de la Montagne-de-la-Fage, et Saint-Charles. « Ils se regroupent à 20-30 personnes à l'entrée du parc André-Citroën. Puis à sa fermeture à 21 h 30, ils se décalent sur le banc public situé à 10 m, sur les marches au pied d'une résidence, ou sur la fontaine des Polypores juste en face », témoigne un riverain.

    Et dans chacun de ces QG en pleine rue, les trafiquants échangent des liasses de billets. « Les véhicules de livraison, immatriculés 91, 94… vont et viennent constamment. La plupart des jeunes ont entre 20 et 30 ans. Certains guetteurs ont 13-14 ans et les chefs plus de 30 ans. Beaucoup de ces dealers ne sont pas du quartier », assurent plusieurs familles.

    Des jeunes du quartier « recrutés »

    D'après ces parents inquiets, ces bandes tentent de recruter parmi les adolescents du coin. Une information confirmée par le maire du XVe Philippe Goujon, qui certifie que certains adolescents du collège André-Citroën situé juste devant ces points de vente prennent part à ce commerce illégal. « Des actions sont prises avec les éducateurs spécialisés dans cette école pour éviter que les élèves décrocheurs ne tombent dans la délinquance », assure l'élu.

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    Ces bandes font vivre un enfer aux riverains. « Avec les hurlements et la musique à fond jusqu'à 5 heures du matin, impossible de fermer l'œil. Je dois dormir dans la chambre de mes enfants qui donne sur la cour », témoigne une résidente. Et pendant la canicule en juillet, difficile d'ouvrir les fenêtres… « à cause de l'odeur du shit ». Dans l'un des immeubles du secteur, un maître-chien a même été recruté à la demande des habitants pour assurer une permanence la nuit. Le comble pour ces locataires qui « paient cher » le loyer dans ce quartier « familial ».

    Dans une pétition qui circule dans le voisinage, les habitants dénoncent – entre autres — des « rodéos de scooters », « les agressions, vols à l'arrachée et cambriolages », sans compter les déchets comme les canettes vides et boîtes à pizzas laissées chaque nuit en pleine rue… et qui attirent rats et nuisibles en tous genres.

    « Il y a des patrouilles de police toutes les nuits »

    Le maire Philippe Goujon « partage la colère de ses citoyens depuis des mois » et « active les différentes directions de la ville et de l'Etat pour maîtriser cette situation insupportable. La police, la justice, les services de la Ville de Paris… Tout le monde est mobilisé sur le secteur Modigliani-Balard ». Il ajoute : « Je ne dis pas que ça règle le problème, mais il y a des patrouilles de police toutes les nuits dans ce secteur précis du XVe, qui est l'un des points les plus difficiles de l'arrondissement ». Sollicitée, la préfecture de police n'a pas souhaité s'exprimer sur ce point.

    Pour « faire obstacle aux trafics », Philippe Goujon a demandé à la mairie de Paris de supprimer le banc de la rue Balard, point d'attroupement des bandes, et de fermer des routes pour éviter le passage de leurs véhicules. Pas sûr que cela suffise à endiguer les deals.