Une gare routière clandestine porte de la Chapelle

Dans le XVIIIe, sous couvert de covoiturage, des chauffeurs enchaînent les allers-retours vers le nord de l'Europe, à des tarifs défiant toute concurrence. Une activité de crise qui arrange conducteurs et voyageurs et qui se développe en dehors de to

 Une gare routière clandestine porte de la Chapelle

    « Bruxelles? Amsterdam? » A la sortie du métro Porte-de-la-Chapelle (ligne 12), il suffit d'attendre quelques secondes avec un sac sur l'épaule pour se voir proposer un transport. A quelques mètres attendent des mini-vans en partance pour le nord de l'Europe.

    Alors que se développe le covoiturage sur Internet, une sorte de gare routière clandestine s'est installée depuis quelques mois sur ce bout de trottoir du XVIIIe. L'entrée de l'autoroute A 1, vers Lille, est juste au bout de la rue.

    Ici, on trouve peu de véritables covoitureurs, désireux de partager le coût de leur voyage. Ceux qui attendent là ont monté un service quasiprofessionnel. S'ils enchaînent les allers-retours en Belgique â?? jusqu'à trois par jour â??, c'est avant tout pour arrondir leurs fins de mois.

    « On galère trop! Y a pas assez de clients! » râle un homme aux traits tirés. La quarantaine, en blouson de cuir, il tient un téléphone portable dans chaque main. Les chauffeurs présents (une petite dizaine) sont tous vissés à leurs oreillettes, l'accessoire indispensable pour fixer rendez-vous aux internautes.

    Une activité passible d'un an de prison et 15000 â?¬ d'amende

    Sur le trottoir, un peu perplexe, Stéphane attend depuis quinze minutes la voiture qui le conduira à Amsterdam. Cet étudiant de 21 ans compte y passer le réveillon, avec des amis. Son gros sac bleu commence à lui peser. « C'est un vrai business, je ne m'attendais pas à cela, réagit-il. La personne que je devais rejoindre ne décroche pas. Mais je vais monter dans une autre voiture qui est presque pleine. »

    Fêtes de fin d'année oblige, la plupart des clients qui arrivent à la porte de la Chapelle, ces jours-ci, sont étudiants. Tout sourire, Lucas, Basile et Stéphanie sont « trop contents » d'avoir trouvé le moyen de passer des vacances « à Bruxelles et Amsterdam pour même pas 100 â?¬ ». Leurs bonnets à pompons s'engouffrent dans un minivan bordeaux. « On peut voyager ensemble, il y a de la place! » Au volant, le chauffeur reste coi et démarre vite. Aucun des conducteurs ne souhaite s'étendre sur son activité. Et surtout pas sur ce qu'elle rapporte. Normal, faire des bénéfices à partir du covoiturage s'apparente à du transport clandestin, passible, selon la préfecture de police (PP), d'un an de prison et 15000 â?¬ d'amende. La personne transportée n'est, elle, pas inquiétée.

    « C'est la crise pour tout le monde », soupire-t-on au bistrot du coin. L'établissement a vu sa fréquentation bondir depuis que se développe le covoiturage à sa porte. « Les gens qui font cela ne gagnent pas beaucoup, note le serveur. Ils sont dans le froid dès 6 heures chaque matin. Cela ne leur fait pas cher de l'heure. Et ils rendent service aux gens! »Pour un trajet vers Bruxelles, s'il remplit ses 6 sièges, le chauffeur d'un monospace gagne au final 70 â?¬, une fois déduits les frais d'essence et de péage. Pour que l'opération reste rentable, il doit aussi faire le plein pour le trajet retour.

    A la PP, on indique que « cette situation est connue depuis quelques semaines ». Il y a deux jours, la fourrière est venue enlever les voitures garées sur le trottoir, pour « stationnement gênant ». Selon les chiffres de la PP, le nombre de délits relevés pour des activités de taxi clandestin dans tout Paris a bondi de 29% en 2012.