Coq, cigales, grenouilles : la guerre du bruit s’amplifie dans les campagnes

Des « bruits ruraux » sont à l’origine de nombreuses complaintes de la part de riverains. Un député veut défendre ces « sons et odeurs de la campagne » par la loi.

 Les plaintes de certains habitants contre les bruits ou les chants d’insectes ou d’animaux, comme les coqs, se multiplient.
Les plaintes de certains habitants contre les bruits ou les chants d’insectes ou d’animaux, comme les coqs, se multiplient. LP/Olivier Boitet

    C'est un nouveau cri venu des campagnes : sauvons les chants de nos animaux et nos bruits traditionnels ! Coq, cigales, abeilles… Depuis plusieurs semaines, les incidents entre riverains et mettant en cause des bêtes et autres insectes se multiplient. Sans parler des cloches qui sonnent trop fort et trop tôt au goût de certains, ou des moissonneuses-batteuses et autres travaux agricoles, comme les vendanges, certaines nuits.

    Certains de ces accrochages peuvent parfois se finir devant les tribunaux, comme pour l'histoire de « Momo », le coq qui sème la zizanie sur l'île d'Oléron. Ou pour ce couple de grenouilles du Pas-de-Calais, adopté par un couple de riverains mais dont les coassements irritent le voisinage.

    Tous ces cas sont bien sûr de nature différente. Mais ils se sont tellement multipliés ces dernières semaines qu'un député Les Républicains, Pierre Morel-À-L'Huissier, compte déposer une proposition de loi à la rentrée. Son but : dresser dans chaque département un patrimoine des « sons et odeurs de la campagne » qu'un juge pourra mettre en avant pour donner raison à une propriétaire de coq ou à un agriculteur. Le maire du petit village de Gajac, Bruno Dionis du Séjour, a lui demandé une inscription au patrimoine culturel immatériel de la France à l'Unesco!

    Les « néoruraux » pointés du doigt

    Selon Pierre Morel-À-L'Huissier, les coupables de ces complaintes sont tout trouvés : « des vacanciers ou des 'néoruraux' [des citadins qui partent s'installer en zoze rurale, NDLR], qui ne supportent pas ce genre de nuisances ». « Beaucoup de gens viennent chercher le calme et la nature à la campagne. Mais certains sont incapables de vivre en milieu rural car il y a des codes. On n'arrive pas à la campagne comme ça, en territoire possédé », estime Pierre Morel à L'Huissier. « Il est clair qu'aujourd'hui le territoire rural n'appartient plus aux paysans. Les autres qui sont arrivés ont le sentiment que les paysans ne les comprendront jamais, et les deux groupes se sentent rejetés. Il y a une culture de la cohabitation et de négociation à avoir. On est en train d'apprendre à vivre ensemble à la campagne », commente le sociologue Jean Viard, directeur de recherches au CNRS.

    En Dordogne, une entreprise de désinfection a récemment reçu une demande pour le moins désarçonnante : éradiquer des cigales trop bruyantes selon un habitant. « La première souffrance des gens au quotidien en zone urbaine, c'est le bruit. Alors quand ces urbains quittent la ville, c'est souvent pour avoir du silence », estime Jean Viard. Mais en même temps, « si ces gens ne veulent pas les bruits de la campagne, ils n'ont qu'à pas venir y vivre. Il y a des crétins partout ! » poursuit le sociologue. D'autres ont préféré jouer la carte de la légèreté. Le maire d'Inchy-en-Artois a affiché à l'entrée de sa commune une pancarte mettant en garde : « Attention, village français, vous pénétrez à vos risques et périls. »

    Le cas des déjections d'abeilles

    D'autant plus qu'il faut ajouter aux sons naturels de la campagne ceux des cloches ou des machines agricoles. « On a même eu des personnes qui se plaignaient de bruits la nuit en période estivale pour la récolte de certains fourrages ou céréales ! », s'est agacé après de France Bleu Christophe Georges, le maire de Pignols, dans le Puy-de-Dôme.

    La goutte d'eau pour l'élu, agriculteur de profession, a été les plaintes concernant des déjections d'abeilles. Des riverains lui ont exprimé leur colère après que leur mobilier de jardin a été recouvert de petites taches. « On a sollicité la mairie pour chercher des solutions, en l'occurrence un emplacement supplémentaire pour répartir différemment les ruches », confie le couple d'apiculteurs mis en cause. Une tentative de négociation à l'amiable est d'ailleurs le plus souvent privilégiée. La loi, en outre, ne pourra pas tout régler : le cas des déjections d'abeilles n'entre pas dans le champ de compétence de la proposition du député Pierre Morel-À-L'Huissiere, cette dernière s'arrêtant aux « sons et aux odeurs ».