La fin des bonbons mojito ?

L’Assemblée doit examiner ce lundi un amendement pour taxer les friandises qui portent des noms d’alcool. Le texte a déjà été adopté par le Sénat.

 Ces produits sont conçus pour emmener les enfants vers une consommation d’alcool, explique un médecin.
Ces produits sont conçus pour emmener les enfants vers une consommation d’alcool, explique un médecin. LP/Frédéric Dugit

    Ils avaient beaucoup plu aux enfants, moins aux addictologues. Alors que la marque Lutti annonçait cet été le lancement des bonbons « spritz » et « piña colada », au goût de cocktails après le succès de sa sucrerie au mojito, les professionnels de santé tombaient de leur chaise. « Bêtise folle », « Même blague que le Champomy », « campagne exécrable », fulminaient-ils dans notre article. D'autant plus que le marketing joue sur les codes adultes-enfants. Au dos d'un paquet, on peut lire : « Pas envie d'attendre vendredi soir pour le prochain mojito? Emportez votre mini-dose (sans alcool) partout ».

    Mais, aujourd'hui, la colère des médecins a été entendue. Elle est même partagée. Un amendement qui prévoit la création d'une taxe sur les produits alimentaires faisant référence à l'alcool vient d'être adopté par le Sénat dans le cadre de l'examen du budget de la Sécurité sociale. « Il y a clairement une stratégie des industriels. A un moment, c'est au législateur de dire : Stop! Vous arrêtez avec ce marketing, ne touchez pas aux enfants! » réagit Bernard Jomier, sénateur du groupe PS à l'origine de cette proposition avec Jocelyne Guidez (Union centriste). Egalement médecin, il s'inquiète de l'impact sur les plus jeunes. « Ces produits sont conçus pour les emmener vers une consommation d'alcool, elle entraîne des addictions ».

    Même constat avec le vin aromatisé qui connaît un grand succès : rosé pamplemousse, griotte, mousseux à la framboise, blanc poire… Bernard Jomier a également proposé un deuxième amendement, également adopté, pour les taxer. Des saveurs sucrées, un packaging coloré, des arguments pour séduire les ados. En 2013, la gamme de bouteilles « Sucette », mélange de vin et de cola à 3 euros, fabriquée par la filiale d'un producteur bordelais, avait même fait fureur. « Vous vous rendez compte ? Fallait oser », s'emporte Bernard Jomier. Selon la marque, elle n'est aujourd'hui plus commercialisée.

    Face à ce coup de gueule politique, les addictologues applaudissent l'idée d'augmenter les taxes. « Quand on voit un tel cynisme commercial, il faut frapper au porte-monnaie, réagit William Lowenstein, président de SOS Addictions. C'est pragmatique à défaut d'être idéal », commente-t-il rappelant que l'alcool provoque 50 000 décès par an, 12 fois plus que les morts de la sécurité routière.

    Le professeur Amine Benyamina, psychiatre et addictologue à l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne), est, lui aussi, satisfait : « Cela va permettre de débusquer l'hypocrisie des industriels, c'est une très bonne chose. » Contacté, le ministère de la Santé reste prudent : « Il faut encore attendre la prochaine lecture à l'Assemblée nationale ». Les députés doivent, en effet, se prononcer ce lundi sur cet amendement. Selon Amine Benyamina, également président de la Fédération française d'addictologie : « Si ça ne passait pas, prévient-il, ce serait un comble ! »

    Des précédents

    Souvenez-vous de ces boissons, mélange d'alcool fort, de soda, consommées en canettes : « gin tonic » ou « whisky coca ». Vendues à dix francs en moyenne, elles avaient déferlé en France, dans les années 1990, après un succès important outre-Manche et suscité l'inquiétude des autorités de santé. Face à la polémique, ces produits avaient été fortement taxés en 1997 puis encore davantage en 2004. Résultat, le marché s'est effondré. « On est passé de 950 000 litres vendus par an à 10 000 litres », raconte Bernard Jomier. Ce commerce a fini par s'éteindre. Mais ces taxes ne portaient que sur l'alcool fort, comme le whisky, la vodka et non sur le vin… Les industriels se sont engouffrés dans la brèche et ont imaginé le vin au cola dans les années 2010. Depuis, ils le mélangent avec du jus de pamplemousse, poire, etc. Une nouvelle stratégie que les sénateurs sont bien décidés à stopper.