L'Allemagne répond à Lagarde sur son modèle de croissance

AFP

Temps de lecture : 3 min

Alors que les pays européens cherchent à sortir de la crise, la France accuse l'Allemagne de faire ses affaires sur le dos de ses partenaires, par le biais de bas salaires qui stimulent ses exportations. C'est par la voix de sa ministre des Finances, Christine Lagarde, que la France est montée au créneau lundi. Elle n'est "pas sûre" que le modèle allemand - "une forte pression sur les coûts de main-d'oeuvre" pour améliorer la compétitivité - soit "viable à long terme et pour l'ensemble du groupe (de la zone euro)", a-t-elle déclaré au Financial Times.

Oui à plus de convergence, répond l'Allemagne, mais elle préfère prendre le problème par l'autre bout. Pour Berlin, "il est plus profitable de réfléchir ensemble à une stratégie de croissance, plutôt que d'obliger certains à se retenir artificiellement", a réagi lundi le porte-parole de la chancelière Angela Merkel. Et de souligner le rôle du "Mittelstand" allemand, ce tissu de PME très spécialisées et fortement exportatrices, "très innovatrices et qui réagissent très vite". "La question est : comment les autres peuvent-ils atteindre cela ?", pour le gouvernement allemand. En clair, les autres n'ont qu'à faire pareil.

Le reproche adressé par Christine Lagarde à l'Allemagne n'est pas nouveau : la modération salariale de ces dernières années a permis aux produits "made in Germany" d'être plus compétitifs que leurs concurrents sur les marchés mondiaux. Dans le même temps, la retenue des consommateurs freine les importations. Résultat : l'Allemagne, qui vient de céder à la Chine le titre de premier exportateur mondial, affiche année après année des excédents commerciaux à faire pâlir d'envie ses voisins.

Une tendance pas près de s'inverser

Selon le quotidien Bild, la représentation à Bruxelles du Parlement allemand s'inquiète des critiques adressées à l'Allemagne "de réaliser sa croissance économique aux dépens des autres". C'est aussi la formulation choisie par l'hebdomadaire The Economist, qui appelle le pays à "changer, pour son bien et celui des autres" dans sa dernière édition. "Nous ne sommes pas un pays qui décrète les salaires ou la consommation", rétorque Berlin.

Dans un pays qui ne dispose pas de salaire minimum généralisé, le gouvernement peut en effet difficilement agir sur ce levier. Les syndicats allemands ont accepté dans les années 90 des salaires relativement bas pour préserver l'emploi alors que l'industrie était en pleine restructuration. En conséquence, le revenu des ménages est resté modéré. La pression fiscale croissante et le goût des Allemands pour l'épargne ont fait le reste. "C'est la relative faiblesse des importations et de la consommation qui a conduit à l'élargissement de la balance des paiements" allemande, commente Dirk Schumacher, économiste de Goldman Sachs.

Accords salariaux axés sur le maintien de l'emploi

La tendance ne semble pas près de se renverser : l'accord salarial négocié le mois dernier par le syndicat IG Metall pour 3,5 millions de salariés de la métallurgie privilégie la sauvegarde de l'emploi, aux dépens des hausses de salaires.

Il y a d'autres leviers que les salaires pour stimuler l'investissement et la consommation, font toutefois observer certains, par exemple la fiscalité. Mais là aussi, Berlin risque fort de décevoir ses partenaires : les Libéraux, membres du gouvernement d'Angela Merkel et apôtres de baisses d'impôts massives, sont prêts à repousser à 2012 la prochaine vague d'allègements fiscaux, a indiqué dimanche leur secrétaire général.
Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (66)

  • XAXA

    Mme Lagarde veut faire la leçon à l'Allemagne, selon elle, il faut tirer vers le bas ce pays pour que nous puissions nous en sortir. Originaire d'Alsace et responsable d'entreprise, les salaires pratiqués en Allemagne n'ont rien à envier aux nôtres, quant aux impôts, si j'en crois notre Président ils sont inférieurs, ce qui leur permet d'être plus compétitifs. Je constate que notre politique étatique nous tire toujours vers le bas, il suffit de voir au niveau éducation nationale, 80 à 85 % de bacheliers (si dans certaines régions le compte n'y est pas, on revoit la notation), allez parler d'efficacité, de rentabilité dans nos collectivités. Dernier constat, les élections régionales dans ma région (Languedoc Roussillon) 70 à 80 % des représentants sont des fonctionnaires en activité, à la retraite ou assimilés, comment peut-on mener une politique d'état d'entreprise dans ces conditions, avez vous vu une liste qui parle de réduction d'impôts, d'optimisation des moyens en place ? Nous sommes en crise mais tout est fait comme si de rien n'était. Comment voulez vous que les Français se mobilisent.

  • bryval

    L'Allemagne, pour ceux qui n'ont pas suivi, a intégré l'Allemagne de l'est et souffre encore d'une partie de son territoire sous-équipé et de sa population sous-qualifiée. Malgré cela et malgré tout ce que l'Allemagne apporte à l'Europe, elle se classe au plus haut niveau économique mondial. Mais nous, pays sur endetté, pays où on travaille le moins, pays où on compte le plus d'emplois assistés, pays en déficit chronique et en limite d'émargement au FMI, nous expliquons à l'Allemagne qu'elle doit aider la Grèce, aider les pays européens du sud et augmenter ses salariés, histoire de la niveler au niveau lamentable des pays du club Med. L'Allemagne n'a plus qu'à saborder l'euro, reprendre le mark et laisser voguer la galère. La France est à la remorque des Allemands, elle est totalement dépendante, mais le coq continue à monter sur ses ergots et à donner des leçons. En arriver à demander aux Allemands d'augmenter les salaires pour qu'ils puissent acheter français serait du dernier comique si nous n'en éprouvions pas autant de honte. La guerre est perdue les amis.

  • gapi

    L'intervention de Madame Lagarde est révélatrice à plus d'un titre sur les faiblesses de la France et de sa caste politique. Il me semble que le premier ministre avait prononcé le mot "Rigueur" avant l'explosion de la crise, qu'il avait prononcé le mot "faillite" et qu'il avait du ravaler sa salive. Quelle est l'envergure des leaders de ce pays qui ne peuvent même plus prononcer le mot "rigueur" accolé avec le concept de "justice sociale". Quelle est la cohésion citoyenne dans ce pays ?