Notre-Dame-des-Landes : Emmanuel Macron s'enlise dans la ZAD

Après dix jours d'opération où 2 500 gendarmes sont mobilisés, l'exécutif ne parvient pas à évacuer les zadistes. À l'image d'un certain François Hollande en 2012.

Par

Les gendarmes à rude épreuve le 9 avril. « Ce n'est plus un bocage, c'est un bourbier. »

Les gendarmes à rude épreuve le 9 avril. « Ce n'est plus un bocage, c'est un bourbier. »

© LOIC VENANCE / AFP

Temps de lecture : 5 min

« Lunaire, désorganisée, délirante. » De l'aveu de cette petite main de la préfecture des Pays-de-Loire, la première semaine d'évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes fut un fiasco. En témoigne le couac du vendredi 13 avril : depuis quelques jours, Nicolas Hulot tente de convaincre Emmanuel Macron d'interrompre l'opération, le temps de reprendre les négociations et d'éviter une escalade de la violence. L'écolo vedette a-t-il été entendu ? La préfète de Loire-Atlantique Nicole Klein le pense lorsqu'elle organise une conférence de presse où elle indique – en reprenant les mots du chef de l'État la veille au 13 heures de TF1 – que « tout ce qui était évacuable a été évacué ». Et de tendre la main aux zadistes en les invitant à déclarer les projets agricoles.

La newsletter politique

Tous les jeudis à 7h30

Recevez en avant-première les informations et analyses politiques de la rédaction du Point.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.


Au même moment, les gendarmes mènent une opération coup de poing pour dégager les deux routes départementales occupées. Car l'éventualité d'une armistice, proposée par Nicolas Hulot, est balayée du revers de la main à Matignon comme au ministère de l'Intérieur. Édouard Philippe et Gérard Collomb préparent en parallèle une visite surprise, le vendredi après-midi. Personne n'est prévenu, pas même la préfète. En voyant l'avion de la République atterrir à Nantes, certains élus locaux et députés présents s'imaginent quelques secondes voir Emmanuel Macron descendre sur le tarmac. En vain. Si le chef du gouvernement et son ministre ont fait le déplacement, c'est pour soutenir les forces de l'ordre mobilisées. Le message envoyé est limpide : aucune trêve n'aura lieu.

« Ce n'est plus un bocage, c'est un bourbier », un gendarme

Après dix jours d'intervention, le visage de la ZAD n'a que peu changé. Seulement 29 des 99 squats installés sur les 1 650 hectares du bocage ont été détruits. La route départementale 281, débloquée en février, et sa voisine la D81 sont de nouveau inaccessibles. Plus de 4 000 grenades ont été tirées, des dizaines de gendarmes blessés et autant de zadistes.

Capture d'écran d'une vidéo prise par le média militant Taranis et postée sur sa page Facebook.


La facture grimpe aussi : selon les calculs de France Inter, l'opération d'évacuation avoisinerait les 300 000 euros par jour, soit un coût total de 3 millions. Plus le temps passe, plus les zadistes se mobilisent. De 150 militants au premier jour, les gendarmes les estimaient à près de 1 000 ce week-end. Pire, la destruction de l'emblématique ferme des cent noms et de sa bergerie a réconcilié les occupants modérés, dont certains négociaient encore avec la préfecture, et les plus radicaux qui veulent en découdre avec les gendarmes.

Dans les rangs des militaires, la fatigue et la colère montent face à la violence extrême des manifestants. « On nous a d'abord dit de tenir quelques jours, puis une semaine, puis deux, puis trois. Là, on nous parle d'un mois, voire plus. Ce n'est plus un bocage, c'est un bourbier », déplore un gradé qui s'interroge sur l'objectif : « C'est parfois difficile d'expliquer à mes gars le pourquoi de la mission, car, finalement, il n'y aura pas d'aéroport. » Sur sa page Facebook, l'Association professionnelle nationale militaire s'alarme de la situation : « Ce que l'on redoutait depuis l'annonce de l'abandon du projet de NDDL est en train de se produire : un enlisement désastreux. » La situation s'envenime aussi dans les villages avoisinants où des voitures de riverains ont été caillassées par des zadistes avec lesquels certains habitants ont voulu en découdre.

Lire aussi Le vrai coût de Notre-Dame-des-Landes

De Notre-Dame-des-Landes jusque dans les couloirs de l'Élysée, de Matignon et de l'Assemblée nationale, une question taraude bien des acteurs du dossier : est-on en train de revivre le fiasco de l'opération César de 2012 ? La situation est loin de s'améliorer et le temps ne joue pas en la faveur du gouvernement. La députée MoDem de la circonscription ligérienne Sarah El-Haïry ne désespère pas : « On a connu le pire il y a six ans, personne n'a envie de revivre ça. Il faut s'interdire d'imaginer un nouveau recul de l'État de droit. Il n'y avait à l'époque aucun dialogue entre les occupants et l'État. Aujourd'hui, les discussions sont certes fragiles mais elles existent. »

Aux yeux du président du groupe Les Républicains au Sénat Bruno Retailleau, l'opération est déjà un fiasco : « Emmanuel Macron a cédé une première fois en abandonnant l'aéroport. C'était un troc contre une forme de paix civile qui n'aura visiblement pas lieu. » L'ancien président de région ne croit pas à une évacuation de la ZAD mais à « un habillage bien scénarisé par le gouvernement, dans le plus pur style macronien, dans lequel les zadistes pourront rester sur place impunément. C'est un échec démocratique qui engage la responsabilité du chef de l'État et de Nicolas Hulot. Notre-Dame-des-Landes n'est plus seulement l'affaire de l'Ouest, c'est désormais l'affaire de tous les Français. »

La solitude de Hulot

L'avenir de la ZAD se joue surtout dans les bureaux de la préfecture et dans les couloirs du ministère de la Transition écologique. Esseulée, Nicole Klein est parvenue contre vents et marées à maintenir un dialogue constant avec les zadistes qui ont accepté de la rencontrer mercredi. Dans les couloirs du gouvernement, Nicolas Hulot est tout aussi seul. Plus que discret médiatiquement, il planche sur « une sortie de crise par le haut ». Selon certains de ses proches, il se serait agacé auprès d'Emmanuel Macron que les préconisations du rapport des médiateurs publié en décembre n'aient pas été prises en compte. Les trois experts invitaient l'État à envisager un scénario de redistribution des terrains agricoles, similaire à celui du Larzac, tout en gardant « la maîtrise foncière des terrains acquis ». « Il y a une trentaine de propositions dans nos travaux, réalisées avec l'Inra notamment, qui permettraient de trouver des solutions pacifiques. À quoi ça sert de montrer les muscles ? Notre mission perd toute sa valeur... », s'emporte un fidèle de Hulot qui craint la suite des opérations.

Reste que les scénarios sur la table d'Emmanuel Macron se font rares. En plus de s'engluer dans la ZAD, il doit désormais composer avec un conflit qui fait déjà tache d'huile jusqu'à Nantes. Tags, poubelles brûlées, vitrines brisées et terrasses de bar renversées... Le centre-ville de la ville de l'Ouest panse encore ses plaies après la manifestation de samedi qui a vu des milliers de personnes se mobiliser en soutien aux zadistes.

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation

Commentaires (128)

  • Pat45

    Très difficile pour les gendarmes de maintenir l’ordre contre des manifestants qui ne rrêvent que d’avoir dans leurs rangs une énorme bavure : au minimum un mort, un martyr si possible, comme c’est souvent le cas’, un « innocent » mi participant mi spectateur. Il est clair que chez les copains des « insoumis » au Venezuela il n’y aurait pas d’enlisement mais écrasement sous le feu des armes.

  • MANDAL

    ... Une urgence absolue !

  • Le sanglier de Génolhac

    Il n'y a pas que le petit qui est "enlisié" ! Là je suis content de moi ! Ceci dit, cette photo dévalorise les gendarmes qui sont la dernière institution à tenir encore debout dans le merdier qu'est devenu ce pays. Et pourtant, ils n'ont toujours pas de directeur ! Parce que le jour où eux posent le bouclier et le casque, c'est la guerre civile garantie.