Breton mis en examen. "Je ne suis pas un Anonymous !"

Soupçonné d'être un pirate Anonymous ayant organisé et lancé des attaques informatiques contre EDF, un Breton de 29 ans a été mis en examen jeudi. Cet altermondialiste s'est confié au Télégramme. Il dénonce une erreur judiciaire. [Diapo]

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"Je suis à Paris, dans les locaux du site d'information en ligne Owni.fr et je peux aller aux toilettes sans demander la permission !" 21 h, hier : plusieurs heures après sa longue garde à vue, Pierrick Goujon, 29 ans, s'avoue encore "sonné" par le "cauchemar" qu'il vient de vivre. Cet altermondialiste passionné de réseaux sociaux et d'informatique vivant, de bric et de broc, en Bretagne, entre Rennes et Saint-Brieuc, a été interpellé mardi, à son domicile.
La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et la justice le soupçonnent d'être l'un des pirates informatiques d'Anonymous ayant participé au blocage du site Internet d'EDF, en avril et juin 2011 (préjudice de 160.000 EUR avancé). Une action parmi d'autres lancées par Anonymous, à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima, en mars 2011, au Japon. Malgré ses dénégations, Pierrick Goujon a été mis en examen, jeudi, pour "entente en vue de l'entrave au fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données".

Altermondialiste "freegan"
"Je n'ai rien fait. Je ne suis pas un Anonymous ! Je suis même opposé à ces pratiques", nous confiait, hier soir, Pierrick, que nous avions déjà rencontré en février 2010. Nous lui avions consacré une "der", une page entière. Pierrick, alias "Triskel", est le "porte-parole" des Freegans en France, un mouvement altermondialiste qui cherche à limiter la participation au système économique et à la société de consommation. En récupérant, notamment, les aliments encore consommables jetés dans les poubelles. En février 2010, nous l'avions suivi en train de faire les poubelles d'une grande surface, avant de rejoindre sa très spartiate habitation, en rase campagne. Là où il a été interpellé mardi.
Que reproche la DCRI à Pierrick ? D'avoir créé un site Internet proposant de très nombreux réseaux de communication instantanée... notamment utilisés par des Anonymous du monde entier pour dialoguer, et préparer leurs attaques. "J'ai discuté plusieurs fois avec eux pour les dissuader de mener ce genre d'actions. Aujourd'hui, cela se retourne contre moi ! C'est infernal ! Moi, je me suis toujours battu justement contre ça. Je sais ce que c'est. Mes sites font régulièrement la cible d'attaques du même genre !"

Incompréhension
Pierrick a été contraint de fermer le canal utilisé par les Anonymous. Il y a quelques heures, un internaute s'interrogeait : "On avoue ne pas très bien comprendre l'utilité de la chose, ni même son objet. Un canal IRC de secours a évidemment immédiatement été créé pour héberger les discussions de et autour d'Anonymous en France." Pierrick ne comprend pas ce que la DCRI et la justice lui reprochent : "Si un terroriste utilise une autoroute, on n'accuse pas la société qui gère l'autoroute de l'avoir aidé ! Pourquoi dans mon cas ne pas interpeller aussi tous les fournisseurs d'accès à Internet, le patron de Facebook. Eux aussi, ils permettent aux Anonymous de communiquer !"

"On est devant chez vous. Venez vite"
Le cauchemar de Pierrick a débuté mardi, vers 7 h. "J'étais chez ma copine à Pontivy. Je dormais quand mon téléphone a sonné. Je l'ai éteint. Celui de ma copine a sonné juste après. C'était la police qui voulait que je rapplique chez moi, à quelques dizaines de kilomètres de là. Je n'y croyais pas. J'ai appelé la gendarmerie, qui n'était pas au courant. Puis, j'ai appelé un voisin qui m'a confirmé qu'il y avait bien trois voitures et une dizaine de policiers devant chez moi..." Pierrick rejoint finalement son domicile, où il est placé en garde à vue.

"Ils cherchaient un masque d'Anonymous"
"Ils ont perquisitionné ma maison. Ils cherchaient mon matériel informatique et un masque d'Anonymous. Je n'en ai pas ! Je ne suis pas un Anonymous ! J'ai déjà effectivement parlé à certains d'entre eux, via mon site, à plusieurs reprises. Comme des centaines ou des milliers d'autres internautes, qui n'ont rien à voir avec leur mouvement ! Et puis des discussions comme celles-là, j'en suis plus d'une centaine, toutes différentes, 24 h sur 24 !"
Après la perquisition, Pierrick est emmené à la brigade de gendarmerie de Loudéac. "Puis, on m'a transféré à Saint-Brieuc pour la nuit." Après un bref retour à Loudéac, la petite équipe part pour Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), au siège de la DCRI. "J'ai été interrogé une dizaine de fois. Les policiers ont malgré tout été très sympas." Aucun avocat ne l'assiste. "J'ai bêtement pensé que je pouvais m'en passer. Je n'avais rien à cacher et je n'avais rien fait de mal !"

"Un autre interpellé a avoué"
A Paris, dans les geôles du palais de justice, où il attend de rencontrer un juge d'instruction, Pierrick croise l'un des deux autres Anonymous présumés interpellés mardi. "Un gars plus jeune que moi, mais qui n'avait pas du tout le même profil, rapporte Pierrick. J'ai pu parler un peu avec lui en hurlant d'un cachot à l'autre. Il m'a raconté que les policiers avaient retrouvé chez lui un masque d'Anonymous et des vidéos explicites de YouTube. Il a reconnu des attaques informatiques et avoir incité des internautes à y participer. Il m'a aussi dit qu'il ne voulait pas être médiatisé."

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Largué dans Paris
Pierrick ne pensait pas que sa garde à vue "s'éterniserait autant". "Je n'avais pas peur du tout en partant. Des gardes à vue, j'en avais vu d'autres." D'autres affaires du même type ? "Non. Des affaires de mecs qui essaient de survivre dans la rue, glisse-t-il. Des effractions de bâtiments : des ouvertures de squat..." Il poursuit : "D'habitude, quand tu réponds tranquillement aux questions, quand en face, ils voient que tu ne caches rien, cela se passe bien et la garde à vue est rapide. Pas là..."
Malgré ses dénégations et sa "bonne foi", Pierrick a été mis en examen, au terme de «45 heures de garde à vue et 15 h d'attente, en cellule, pour rencontrer un juge d'instruction». Il ne sait même pas quelle éventuelle peine de prison il risque (il encourt cinq ans de prison et une amende de 75.000 EUR, ndlr). Cela n'a pas l'air de le préoccuper un instant. "Cela ne peut déboucher sur rien, puisque je n'ai rien fait", dit-il comme une évidence, presque étonné de la question. La DCRI l'a relâché jeudi soir. "Ils m'ont largué dans Paris, à plus de 400 km de chez moi, avec la batterie de mon téléphone complètement déchargée. La galère..." Pierrick devrait rentrer en Bretagne dès aujourd'hui.

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