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Enquête

Benoît Hamon intoxiqué par l’affaire des prêts Helvet Immo

Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire sur les prêts en franc suisse de BNP Paribas. Le ministre de la Consommation semble avoir sous-estimé le dossier.
par Nicolas Cori et Tonino Serafini
publié le 9 avril 2013 à 22h36

Benoît Hamon qui vient en aide à BNP Paribas face à 4 400 clients floués par des prêts toxiques en franc suisse. A priori, cela ne cadre pas avec l'image que l'on a du ministre délégué chargé de l'Economie sociale et solidaire et de la Consommation, ancien représentant de l'aile gauche du Parti socialiste. Et pourtant. Dans un courrier, que Libération a pu consulter, adressé par le ministre à son ami député PS de Paris Pascal Cherki, qui l'interrogeait sur le dossier des emprunts toxiques, Benoît Hamon multiplie les erreurs et approximations, et se fait l'avocat de la banque.

Citant une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), le ministre indique : «A la lumière des constats effectués et compte tenu de la mise en place d'un dispositif adapté de médiation par BNP Paribas Personal Finance, il n'a pas été envisagé d'engager une action contentieuse à l'encontre de cet établissement.» Problème : qu'une banque se dote d'un médiateur est une obligation légale. Cela ne constitue pas une excuse pour ne pas porter l'affaire en justice. Mais il y a pire. Benoît Hamon certifie ensuite que «l'enquête de la DGCCRF montre que les établissements de crédit ont commercialisé des prêts en franc suisse essentiellement auprès des particuliers percevant leurs revenus dans la monnaie helvétique, ce qui ne présente pas de risque de change pour ceux-ci». Or, c'est archifaux. Spécialement pour les prêts Helvet Immo, conçus par BNP Paribas. Même la banque le reconnaît : elle a commercialisé ses prêts en franc suisse à des clients qui étaient payés en euro et pour qui la hausse de la devise helvétique (de l'ordre de 25%) s'est traduite par un accroissement considérable du capital restant à rembourser. «Ce courrier est symptomatique de la position des pouvoirs publics sur le sujet, commente Charles Constantin-Vallet, avocat d'un collectif de victimes. Tout donne l'impression d'un soutien total vis-à-vis de la banque.»

«Trompeuses». Interrogé, le cabinet de Benoît Hamon se montre très embarrassé par ce courrier dans lequel il reconnaît des «formulations imprécises et incomplètes». Il rejette la faute sur le précédent gouvernement, sous lequel l'enquête de la DGCCRF a été menée. Et il indique que c'est le procureur de Paris qui avait décidé, en février 2012, de ne pas attaquer la banque. Reste que l'enquête de la DGCCRF s'est poursuivie ensuite, et qu'un nouveau rapport aurait été rédigé à l'automne. De quoi alerter Benoît Hamon. Mais il semble bien que son cabinet n'a découvert le sujet des emprunts toxiques que tout récemment. En signe de bonne volonté, son staff indique à présent être prêt à recevoir des représentants des victimes.

Il était temps, surtout que la justice commence enfin à se saisir sérieusement du dossier. Alors que les premières plaintes ont été déposées en novembre 2011, le parquet de Paris a ouvert vendredi une information judiciaire «pour pratiques commerciales trompeuses». C'est la juge du pôle financier Claire Thépaut qui a été désignée pour instruire ce dossier qui comporte à ce jour 141 plaintes, mais Me Constantin-Vallet en annonce 40 de plus d'ici la fin de la semaine. Et la liste est loin d'être close. Visés : BNP Paribas, qui a conçu ces prêts dénommés Helvet Immo, mais aussi plusieurs intermédiaires en opérations bancaires qui les ont commercialisés. Parmi eux : le groupe Akerys, Lonlay & Associés, Fidelium ou encore Hermès Conseil… Les particuliers pris dans cet engrenage des prêts toxiques ont en commun d'avoir souscrit dans les années 2008-2009 ces emprunts en franc suisse, mais remboursables en euro, pour financer l'acquisition de logements à vocation locative, dans le cadre des dispositifs fiscaux Robien ou Scellier, permettant ainsi des économies d'impôts. Ces prêts étaient attractifs avec des taux inférieurs au marché, mais leurs souscripteurs assumaient l'intégralité du risque de change. Un risque qui s'est concrétisé.

Classe moyenne. Depuis quatre ans, le franc suisse n'a cessé de progresser face à l'euro. Conséquence : un couple des Yvelines, qui a emprunté 164 500 euros en mars 2009, doit à présent 209 091 euros. Une autre famille de l'Essonne, qui a emprunté 170 526 euros en novembre 2008, doit 207 950 euros. Et, contrairement à ce que laisse entendre BNP Paribas, la majorité des victimes de ces prêts ne sont pas de riches investisseurs. Ils appartiennent souvent à la classe moyenne : ils sont policier, enseignant, chef de rayon dans la grande distribution, ingénieur, assistante sociale, médecin, infirmière, commerçant, artisan… Et ils ont bêtement cru qu'ils faisaient une bonne affaire.

Dessin Rocco

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