FISCALITENos lecteurs jugent la collecte des impôts locaux par les buralistes

« C'est d'utilité publique », « Tout le village sera au courant »… Nos lecteurs jugent la collecte des impôts locaux par les buralistes

FISCALITEAprès la vente des billets de train, les buralistes vont s’occuper… des impôts locaux
Illustration d'un tabac
Illustration d'un tabac - ROMUALD MEIGNEUX
Romarik Le Dourneuf

Romarik Le Dourneuf

L'essentiel

  • Ce lundi 24 janvier, la première vague de l’opération « Paiement de proximité » est lancée dans dix départements tests. Elle consiste à permettre aux buralistes de collecter les impôts locaux, amendes et factures de services publics.
  • La mise en place du dispositif sur l’ensemble du territoire s’achèvera au mois de juillet 2020.
  • Malgré quelques commentaires enthousiastes, la majorité des lecteurs qui ont répondu à notre appel à témoignages expriment leur inquiétude.

Payer ses impôts comme on joue au loto. Dès ce lundi 24 février, il est possible de payer ses taxes (d’habitation ou foncière), amendes et factures de services publics (hôpital, cantine…) dans les bureaux de tabac. Une manière, selon Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, de rendre ce service plus accessible. En phase de test dans dix départements dans un premier temps, cette opération « Paiement de proximité » s’étendra à tout le territoire français (Outre-mer inclus) d’ici au mois de juillet prochain.

Saluée par les buralistes, critiquée par les syndicats de la Direction générale des Finances publiques, l’initiative divise. 20 Minutes a demandé à ses lecteurs leurs opinions.

De rares soutiens

« Les tabacs sont ouverts tôt, tard, le week-end… Voilà une utilité publique », nous écrit Alain. S’ils ne sont pas nombreux, parmi les lecteurs qui se sont exprimés, à être favorables à l’utilisation des bureaux de tabac pour collecter de l’argent public, leurs arguments semblent imparables. « Si ça peut simplifier les choses, pourquoi pas ? », explique Guillaume*. Et d’ajouter : « Pourquoi devrais-je prendre une demi-journée de congés pour aller à la mairie ? Les horaires du service public, c’est pas l’idéal. »

Si l’argument des horaires est le plus souvent cité, celui de la proximité revient également. Selon Sylvain* « ça limitera [nos] déplacements », et pour Christophe* « des tabacs, il y en a partout, pas comme les guichets (du Trésor Public) ». Hervé, lui, précise tout de même qu’il aimerait voir dans chez les buralistes « une pièce dédiée, à l’abri des regards et des oreilles ».

Un vrai problème de confidentialité

Et c’est là l’un des principaux problèmes soulevés dans les commentaires recueillis : la discrétion. « Il me semble que les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel, qu’en sera-t-il pour les buralistes ? », demande Cojaseni. Comme elle, les lecteurs s’inquiètent des informations obtenues : « Je n’ai pas envie que mon buraliste sache le montant des impôts ou des amendes que je paie, car derrière, se cache ma situation personnelle », explique Nadine. Véronique va dans le même sens : « Il est évident que le cafetier sera au courant… comme les piliers de bar. » Car au-delà du professionnel derrière le comptoir, beaucoup pensent à ce que les autres clients pourraient entendre ou voir. « Je n’ai pas envie que tout le village soit au courant », résume Liliane.

La peur de fuites ne se limite d’ailleurs pas aux voisins. « Ça passe par un appareil de la Française des jeux (FDJ), qui vient d’être privatisée, ça pose un gros souci », alerte Martin. En devançant La Poste, la FDJ a obtenu que les collectes passent par ses terminaux (les mêmes que pour le Loto, l’EuroMillions, les paris sportifs…). « Les impôts doivent être perçus par l’Etat pour l’Etat. Comment être sûr qu’ils ne seront pas détournés ? Et nos données personnelles ? », renchérit Emmanuel. Se pose aussi la question de la sécurité, sachant qu’il sera possible de régler ses dettes envers l’Etat jusqu’à 300 euros en espèces. « Tous les bureaux de tabac se font attaquer ou dévaliser la nuit, c’est n’est pas un endroit sûr », estime Gérard.

L’abandon du service public

Pour les internautes, ce dispositif est la conséquence de la diminution de l’offre de service public. « C’est uniquement pour fermer les bureaux du Trésor public », se désole Pascal*. Un argument qui s’appuie notamment sur les suppressions prévues de milliers de postes d’agents à la DGFiP d’ici à 2022 et sur la fermeture à venir de plusieurs centaines d’agences locales.

« Ça va encore contribuer à la désertification des petites villes et villages, juge Hervé, et ce ne sont pas les buralistes qui vous accorderont des délais de paiement. » Ce lecteur se demande ensuite comment les personnes, « au fin fond de la campagne, en France profonde », feront pour trouver un agent du Trésor Public. Andrée abonde : « Le buraliste ne pourra pas répondre à toutes les questions que se poseront certains contribuables. »

D’autres solutions possibles ?

Certains des lecteurs de 20 Minutes avancent alors des alternatives. François propose de regarder de l’autre côté des Pyrénées : « En Espagne, on peut payer ses impôts locaux et factures en les scannant au distributeur de billets, avec sa carte bleue. »

Comme lui, Brigitte évoque la solution « des banques ». Mais Maylis préférerait s’en remettre à La Poste. Car selon elle, « c’est plus discret ».

*Les prénoms ont été modifiés

Comment le « Paiement de proximité » fonctionne-t-il ?

Il faut tout d’abord vérifier que son avis d’impôt ou sa facture comporte un QR code et la mention «payable auprès d’un buraliste » dans les modalités de paiement. Puis direction le buraliste (la liste des lieux partenaires se trouve sur le site impots.gouv.fr/portail/paiement-proximité).

Ensuite, le QR code du document doit être scanné dans le terminal de la Française des jeux du bureau de tabac. La somme due s’affiche sur l’écran de la caisse visible par le contribuable, et sur celui du buraliste (qui ne peut savoir à quoi correspond le montant). La personne lui indique alors la somme qu’elle souhaite régler et le mode de paiement (carte bancaire ou espèces jusque 300 euros).

Un reçu peut être réclamé, mais dans ce cas-là, il faut donner son nom.

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