TRAFIC DE DROGUELes règlements de comptes, «une histoire sans fin» à Marseille

Marseille: Sortie de prison, scission, guerre de territoire, l'«histoire sans fin» des règlements de comptes

TRAFIC DE DROGUELe département des Bouches-du-Rhône comptabilise 19 règlements de comptes depuis le début de l’année, déjà plus qu’en 2017…
Illustration d'un règlement de compte.
Illustration d'un règlement de compte.  - Boris Horvat / AFP
Adrien Max

Adrien Max

L'essentiel

  • Le département des Bouches-du-Rhône comptabilise déjà 19 règlements de comptes depuis le début de l’année.
  • Des sorties de prison, des scissions d’équipes ou des guerres de territoire peuvent être à l’origine de ces morts.
  • Pour Philippe Pujol, qui a écrit un livre sur le trafic de drogue à Marseille, il s’agit d’une « histoire sans fin », qui se répète inlassablement.
  • La préfecture de police préfère mettre en avant les règlements de comptes évités depuis 2016.

«C’est très, très chaud en ce moment », lâche une source policière. Et il suffit de faire le décompte pour s’en rendre compte : 19 règlements de compte depuis le début de l’année 2018 dans les Bouches-du-Rhône, soit plus qu’en 2017. On en dénombre déjà quatre, rien que depuis le début du mois de septembre.

Un homme est mort sous les balles la semaine dernière alors qu’il venait de déposer sa femme à l’hôpital de Martigues pour accoucher. Vendredi dernier, un homme a été balayé d’une rafale de kalachnikov dans le quartier de l’Estaque. Dimanche soir, un homme d’une quarantaine d’années était abattu au volant de sa BMW alors qu’il venait de sortir d’une épicerie où il travaillait. Mardi, encore, un homme a très grièvement blessé par balles alors qu’il sortait d’un chantier dans la cité de Felix Pyat.

Phénomène erratique

Pour Olivier de Mazière, préfet de police des Bouches-du-Rhône, les règlements de comptes sont erratiques, ils ne manifestent aucune tendance cohérente. « Le mois de février 2017 a été marqué par de nombreux homicides alors que l’année s’est soldée par un bilan moins lourd que les années précédentes », explique-t-il.

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Selon lui, deux facteurs peuvent néanmoins expliquer les récents règlements de comptes :

« « Il y a d’une part l’action de la police qui fragilise certains réseaux implantés depuis longtemps. Une reconquête du territoire s’engage alors, parfois même par des deuxième ou troisième mains. Et d’un autre côté il y a aussi des sorties de prisons, toujours avec cette volonté de reconquête. » »

Marché concurrentiel

Pour Philippe Pujol, auteur de La Fabrique du Monstre, sur le trafic de drogue dans les cités marseillaises et ses ramifications, le timing des sorties de prison coïncide. « En général les mecs font trois, quatre ans de taule avant de sortir. Ça correspond aux grosses interpellations qu’il y a eues à partir de 2014 et la mise en place du pilotage opérationnel renforcé dans le département », explique le journaliste et écrivain.

Il considère ces règlements de compte comme des « histoires sans fin ». Il explique : « La police bosse bien, mais les enjeux sont très importants. Dans la légalité, les commerces se disputent une zone de chalandise, avec des OPA (offres publiques d’achat) qui conduisent à des licenciements, etc. Dans le monde sous terrain, on se dispute aussi des territoires, mais avec des balles dans la tête, qui conduisent à des morts. »

« Ils sont tous en affaires »

Une histoire sans fin qui se répète inlassablement, même si les individus diffèrent. « Au départ les victimes étaient surtout des quadragénaires. Ces derniers temps, ce sont les minots qui tombaient sous les balles, mais là on constate qu’il s’agit de nouveaux d’individus plus âgés. Les gosses ont de plus en plus peur, ils savent qu’ils peuvent mourir. Il y a aussi moins de clients et une concurrence toujours plus accrue », relate Philippe Pujol.

Une source policière résume la situation : « Quand on regarde le pedigree des victimes, ils sont tous en affaires. Certains se tuent pour des histoires de balance, d’autres pour reprendre les réseaux. C’est un peu la théorie des dominos, dès qu’il y en a un qui tombe, ils tombent tous. Les têtes de réseaux se connaissent toutes, comme le directeur de Leclerc connaît le directeur d’Auchan. »

Dix-neuf règlements de compte évités

Olivier de Mazières évoque également la possible scission de certains groupes, comme le révélait Le Point : une équipe de Marignane et de Gignac se serait scindée en deux. Depuis, ses membres régleraient leurs comptes à coups d’assassinat, comme celui perpétré à Marignane. Et les vieilles rivalités persisteraient toujours. Selon une source policière, l’homme gravement blessé par Felix Pyat était suivi par l’équipe des « blacks », bien connue dans le milieu du narco-banditisme marseillais.

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La préfecture préfère, elle, mettre en avant ses bons résultats. Les enquêteurs ont adopté une méthode proactive en tentant d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard.

« Depuis 2016, 19 règlements de comptes ont été évités, et rien que cinq l’ont été depuis le début de l’année. Le département des Bouches-du-Rhône culmine à près de 70 % de taux d’élucidation des règlements de comptes, contre 25 % au niveau national », rappelle le cabinet du préfet. Pour eux, la solution reste toujours la même : démanteler les réseaux de stupéfiants. Philippe Pujol attend, lui, la légalisation du cannabis.

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