PROCESUn magistrat jugé pour avoir proposé sa fille sur un site libertin

Pédocriminalité : Un magistrat jugé pour avoir proposé sa fille de 12 ans sur un site libertin

PROCESRévoqué de la magistrature en juillet 2021, Olivier B., 56 ans, avait reconnu les faits au cours de l’enquête et évoqué des « fantasmes qu’il n’aurait jamais concrétisés »
Des magistrats à la cour d'appel de Douai en 2013
Des magistrats à la cour d'appel de Douai en 2013 - DENIS CHARLET / AFP / AFP
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Olivier B. 56 ans, comparaît ce vendredi devant le tribunal judiciaire de Besançon pour avoir proposé à des inconnus rencontrés sur un site libertin d’avoir des relations sexuelles avec sa fille de 12 ans.
  • Cet ancien magistrat, aux évaluations jusqu’alors élogieuses, avait reconnu les faits durant l’enquête et évoqué des « fantasmes qu’il n’aurait jamais concrétisés ».
  • L'ex-juge des enfants a été révoqué en juillet 2021 par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Lors de l'audience devant le CSM, sa défense avait évoqué un « traumatisme » lié à une ancienne affaire.

Pendant près de trente ans, Olivier B., 56 ans, a rendu la justice dans les tribunaux. Mais ce vendredi, cet ancien magistrat – qui a notamment été juge des enfants – ne portera pas la robe noire à l’audience qui se tient au tribunal judiciaire de Besançon. Poursuivi pour avoir proposé sur Internet à des inconnus d'avoir des relations sexuelles avec sa fille de 12 ans, il sera jugé pour « provocation non suivie d’effets » à la commission de faits de corruption de mineur, de viol et d'agression sexuelle sur mineure. Il encourt sept ans de prison.

L’affaire a démarré en octobre 2019, lorsqu’un utilisateur d’un site de rencontre libertin signale un message posté par un homme proposant des relations sexuelles avec son épouse, mais aussi avec sa fille de 12 ans. Le message était accompagné de photos de l’adolescente en maillot de bain. Le gestionnaire du site alerte la justice et le parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine) décide d’ouvrir une enquête confiée à l’OCRVP (Office central de répression des violences aux personnes), un service compétent pour les affaires de pédocriminalité en ligne.

L’auteur des messages, postés entre octobre 2019 et mai 2020, est localisé en Côte-d’Or. Son profil est pour le moins surprenant : Olivier B. est magistrat, vice-président du tribunal judiciaire de Dijon où il coordonne le pôle aux affaires familiales. Son épouse, la mère de ses trois enfants, exerce la même profession. L’affaire est dépaysée à Besançon et une information judiciaire est ouverte en janvier 2020.

« Un risque objectif de passage à l’acte »

Le 4 juin, le domicile et les bureaux du couple sont perquisitionnés et leur matériel informatique saisi. L’exploitation de ses téléphones a permis la découverte de dizaines de photos pédopornographiques. Entendu par les enquêteurs en garde à vue, le juge dijonnais a reconnu les faits. Il a assuré que sa femme n’était pas au courant et assuré avoir été l’unique auteur des messages publiés sur le site libertin.

Mais selon lui, il ne s’agissait que de « fantasmes qu’il n’aurait jamais concrétisés », avait indiqué le procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux, lors d’une conférence de presse, précisant que « l’enquête n’a montré aucun passage à l’acte ». Olivier B. avait bien proposé des rendez-vous avec sa fille à l’un des partenaires sexuels que lui et son épouse fréquentaient régulièrement dans le cadre de relations échangistes. Mais ils n’aboutissent pas en raison du confinement. Pour Etienne Manteaux, « il y avait un risque objectif de passage à l’acte ».

Olivier B. est mis en examen le 5 juin 2020 et placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’exercer toute profession en lien avec des mineurs. Il est ensuite retourné vivre avec son épouse et ses enfants. Une situation que Sabrina Himeur, responsable du service juridique de La Voix de l’enfant, l’une des cinq associations parties civiles, juge « problématique ». Un administrateur ad hoc – à savoir l’aide sociale à l’enfance – a été désigné pour représenter les intérêts de la fille du suspect.

Déjà suspendu de ses fonctions, ce magistrat aux évaluations élogieuses, qui exerçait depuis 28 ans, a été révoqué en juillet dernier par le conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature, saisi par l’ancienne garde des Sceaux, Nicole Belloubet.

« Stress post-traumatique »

Deux expertises psychiatriques ont été réalisées. L’une d’entre elle a conclu à « une problématique sexuelle envahissante nécessitant des soins », avait détaillé le procureur de la République de Besançon. L’autre allait dans le sens du suspect, qui affirme avoir été « profondément perturbé psychologiquement » par l’affaire Bodein. Ce tueur en série, surnommé « Pierrot le fou », a été condamné à la prison à perpétuité incompressible en 2007 pour trois meurtres, deux viols et deux enlèvements.

Lors du procès en première instance de Pierre Bodein, Olivier B. était avocat général. Son avocate, Me Pauline Neveu – que 20 Minutes n’est pas parvenu à joindre – avait expliqué lors de l’audience devant le CSM que son client était un homme « malade », « détruit par un dossier d’horreur » et « hanté » par l’image d’une jeune victime de Pierrot le fou. Depuis, affirmait-elle, il souffre d’un « stress post-traumatique ».

« Pied de nez à la justice »

Son procès, qui devait se tenir le 12 janvier dernier, a été renvoyé à ce vendredi. Le magistrat s’était alors fait excuser à l’audience par son avocate, Me Pauline Neveu, qui a présenté un certificat médical attestant d’un « état de santé très précaire sur le plan psychologique », « incompatible avec une comparution ».

L’absence du prévenu n’a pas manqué d’énerver tant le procureur de la République, Etienne Manteaux qui s’est dit « scandalisé que cet homme, qui a été plus de 20 ans magistrat fasse ce pied de nez à la justice ». « On a fait une nouvelle demande d’expertise car nous avons été grandement étonnés » par cette absence, nous indique Sabrina Himeur, de La Voix de l'enfant, qui regrette d’autre part qu’Olivier B. ne soit pas jugé pour la détention des images.

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